Des officiers de l’ONRB brisent le silence
Des enquêtes sur des scandales financiers et fonciers bloquées
Des officiers de l’ONRB brisent le silence
Le Jour d’Algérie, 5 novembre 2006
Ce sont des officiers qui se disent «déçus» par la disparition du service central de répression du banditisme (SCRB, ex-ONRB) que nous avons rencontrés et qui livrent, sous le couvert de l’anonymat, des parties d’affaires traitées par ce service de police et dont les enquêtes ont pris fin avec la disparition de ce corps.
«Il faut dire que rien ne présageait de la disparition du SCRB puisque, à la veille de la fermeture du siège de ce service de police, ce corps avait bénéficié d’un programme d’équipement par l’octroi de véhicules ainsi que la création d’une cellule chargée de la lutte contre le blanchiment d’argent», nous disent-ils d’emblée. Ils s’interrogent sur la légalité de la dissolution de ce service et le caractère «précipité» de cette décision. «L’ONRB a été créé en 1992 par décret présidentiel signé par feu Mohamed-Boudiaf, suite au vote du CCN. Comment peut-il disparaître sans décret présidentiel et sans un vote de l’APN ?», s’interrogent-ils. «La promesse nous a été faite, verbalement, du retour du SCRB, mais comment cela peut-il être possible puisque de nombreux éléments ont été mutés à l’extrême sud du pays ?», poursuivent-ils. «Des enquêtes sur la dilapidation du foncier dans les communes de Birkhadem, Bordj El Bahri, Douéra et Khraïcia ont été suspendues avec la disparition de ce service de police», ajoutent-ils. «Nous avions commencé à recueillir des informations sur l’affaire Khalifa et nous allions enquêter sur d’autres affaires, dont celle de la BCIA», disent ces officiers.
«Les interventions étaient nombreuses pour qu’un terme soit mis à ces enquêtes. Nous vous citons l’exemple de l’affaire BCIA. Nous avions obtenu de la justice une autorisation de perquisition au domicile d’un des frères Kharroubi, frère du P-DG de la BCIA, ex-conseiller au ministère de la Justice. Celui-ci s’est présenté au siège du SCRB et a appelé, en présence d’éléments de ce service de police, un haut responsable», disent encore ces officiers. Une autre enquête a été stoppée avec la disparition du SCRB, «celle relative à la découverte d’un trafic de faux chèques CPA, certifiés dans plusieurs wilayas, dont Alger, Blida, Constantine et Oran», ajoutent-ils. «L’un de ces faux chèques certifiés comportait la somme de 1 milliard de centimes», disent-ils, pour illustrer l’importance de cette affaire. Evoquant l’assassinat d’un vice-président de l’APC de Bordj El Bahri, connu dans cette commune pour s’être opposé à la «maffia du foncier», ces officiers révèlent que «l’arme du crime, un pistolet automatique, n’a toujours pas été retrouvée». «A qui appartient cette arme ?
A-t-elle été utilisée dans d’autres assassinats ?», s’interrogent ces officiers. Il est à noter que cet assassinat avait d’abord été imputé à un homme âgé de 75 ans accusé d’être terroriste. Le démantèlement d’un réseau de trafic de faux diplômes d’avocat et cartes du Sénat a levé une partie du mystère de cet assassinat mais cet homme de 75 ans est toujours en prison. Le principal accusé parmi ce réseau est considéré comme étant en fuite, selon une source au fait de ce dossier.
L’efficacité du service central de répression du banditisme est reconnue par le Raid français, le FBI américain et les services de police de plusieurs autres pays, dont l’Espagne et l’Allemagne. Ces services ont organisé plusieurs formes de partenariat avec le SCRB. «Des responsables du FBI ont, plusieurs fois, rendu visite à la direction de la police judiciaire (DPJ) et au SCRB, reconnaissant son savoir-faire en matière de lutte anti-terroriste», disent ces officiers.
Alertes contre des projets d’attentats terroristes
«Le SCRB est un service qui bénéficie, de par son statut défini lors de sa création, d’une caisse noire qui peut être utilisée pour financer des opérations d’infiltration de réseaux de trafic de drogue ou autres. Les 30 millions de centimes dont il s’agit dans l’affaire de la cocaïne pour laquelle un commissaire, un policier et trois inspecteurs de l’ONRB sont mis en détention préventive, proviennent de la caisse noire de ce service de police pour le financement d’une opération d’infiltration d’un réseau de trafic de drogue. Ces fonctionnaires n’ont commis aucun délit», selon ces officiers. «Même si des éléments du SCRB avaient commis des délits, il fallait engager leurs responsabilités pénales au plan individuel et non pas faire disparaître tout un service de police», disent-ils, tout en insistant sur l’innocence de leurs collègues.
Evoquant le terrorisme, ces officiers disent que par la disparition du SCRB, ce sont les efforts de 15 années de lutte contre le terrorisme qui sont remis en cause tandis que notre pays a besoin de toute cette expérience pour rétablir la sécurité. «Le SCRB dispose d’un fichier national du terrorisme identifiant les terroristes fichés dans les 48 wilayas du pays», disent ces officiers qui ajoutent que «le SCRB avait déjà alerté sur l’existence de projets d’attentats terroristes». «Avec la disparition du SCRB, les terroristes ont gagné 50% de la guerre psychologique», selon ces officiers. Composé, à sa création, en 1992, par décret présidentiel, le SCRB (anciennement ONRB) comprenait des éléments de la police, du DRS, de la police et de la Gendarmerie nationale.
En 1997, le DRS et la Gendarmerie nationale avaient quitté ce corps des services de sécurité qui disposait d’une unité d’intervention (Ninjas), qui a disparu avec la dissolution du SCRB.
M. Abi