Le juge antiterroriste espagnol sur les traces du GSPC

Balthazar Garzon en visite en Algérie

Le juge antiterroriste espagnol sur les traces du GSPC

Samar Smati, Liberté, 21 octobre 2006

Le plus médiatisé des juges d’instruction espagnols, Balthazar Garzon, sera à Alger du 28 au 30 octobre prochains. La première visite en Algérie du magistrat espagnol intervient dans le cadre de l’instruction du dossier des Algériens arrêtés en Espagne pour “appartenance à groupe terroriste”.

Dans le cadre de la lutte antiterroriste, la justice espagnole a attaqué de front les réseaux islamistes présents sur son territoire. Balthazar Garzon en tête. Célèbre pour avoir fait arrêter Augusto Pinochet en Grande-Bretagne en 1998, avoir été le premier à lancer un mandat d’arrêt international contre Oussama Ben Laden en 2003, ou encore pour ses enquêtes sur l’ETA, Balthazar Garzon, juge à l’Audiencia nacional, à Madrid, la plus haute juridiction pénale espagnole, est le plus connu des magistrats espagnols notamment pour les différents dossiers qu’il a eu à traiter.
Surnommé “super Garzon” ou le “nouveau Don Quichotte” espagnol par les médias ibériques, il s’est fait un nom sur les affaires de corruption, de grand banditisme, de drogue et de terrorisme. Il est celui qui a envoyé Taysir Alouni, le journaliste vedette de la chaîne de télévision qatarie Al-Jaazira en prison pour liens supposés avec Al-Qaïda. L’homme de 51 ans à la mèche poivre et sel et aux fines lunettes est menacé par les narcotrafiquants et les terroristes, mais craint par les politiciens.
Avec le Français Jean-Louis Bruguière, il est devenu la bête noire des islamistes de tout bord. Après les attentats du 11 septembre 2001 à New York, Balthazar Garzon a investi le terrain du terrorisme islamiste en menant les investigations sur le rôle des islamistes installés en Espagne dans leur planification. Il a mené également l’enquête après les attentats de Madrid le 11 mars 2004.
Le déplacement de Balthazar Garzon s’inscrit dans le cadre des investigations ouvertes sur le cas des Algériens interpellés en Espagne.
L’Espagne et l’Algérie coopèrent en matière juridique et judiciaire, des conventions ayant été signées entre les deux gouvernements lors de la visite officielle de Abdelaziz Bouteflika à Madrid en mars 2005. Le nombre exact d’Algériens incarcérés en Espagne pour “appartenance à groupe terroriste” n’a jusqu’à présent jamais été dévoilé. Arrêtés lors des enquêtes sur les réseaux islamistes en Espagne, ils seraient près de soixante-dix détenus dans les geôles ibériques pour des présomptions de terrorisme ou de liens avec des organisations terroristes internationales, principalement pour liens avec le GIA ou le GSPC.
Une semaine après les attentats du 11 mars à Madrid, sept islamistes, algériens et marocains, avaient été arrêtés. Ils étaient accusés de préparer un attentat d’envergure contre l’Audiencia nacional où siège justement Balthazar Garzon.
Certains membres avaient été initiés à l’action terroriste par Mohamed Achraf, de nationalité algérienne. Identifié comme le cerveau de l’organisation terroriste, il était détenu en Suisse avant son extradition en Espagne au début de l’année 2005. En novembre 2005, la Guardia civile espagnole interpellait onze individus soupçonnés d’appartenance à une cellule de soutien logistique et financier du GSPC au cours d’une opération à Alicante, Murcie et Grenade. Les personnes arrêtées étaient soupçonnées d’avoir financé des activités terroristes grâce à l’argent de la drogue et la fabrication de fausses cartes de crédit. Cette cellule aurait entretenu des liens avec d’autres en France, en Belgique, en Allemagne et au Royaume-Uni.
D’autres opérations spectaculaires des services de sécurité espagnols ont permis le démantèlement de cellules dormantes du GSPC. Certains détenus algériens n’ont eu de cesse de clamer leur innocence des charges retenues contre eux. Leurs familles également. L’arrivée du juge espagnol permettra peut-être de lever le voile sur ce dossier.

Samar Smati