L’épouvantail terroriste du GSPC

Quels risques réels pour la France ?

L’épouvantail terroriste du GSPC

Samar Smati, Liberté, 16 septembre 2006

Le groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) est-il réellement capable aujourd’hui de mener des opérations terroristes d’envergure en France ? La question mérite d’être posée. Sachant, d’une part, que le groupe terroriste peine à imposer ses diktats en Algérie, où les forces de sécurité l’ont quasiment mis à genoux. Et d’autre part, la logique du « tout-sécuritaire » imposée par les pays occidentaux depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York, renforcée après ceux du 11 mars 2004 à Madrid, a largement contribué à démanteler les cellules dormantes et les réseaux de soutien aux organisations terroristes.

Au-delà de la déclaration d’Aymen Al-Zawahiri, le numéro 2 de la nébuleuse terroriste, accordant le statut d’affidé d’Al-Qaïda au GSPC algérien, ainsi que ses menaces sur la France, le rayon d’action du GSPC s’est limité, pour cause de lutte antiterroriste nationale, à la région sahélo-saharienne. En mal de « reconnaissance » interne, peinant à recruter de nouveaux membres en Algérie, le GSPC se cherche depuis quelques années un « rayonnage » international. D’où sa déclaration d’affiliation à Ben Laden après les attentats du 11 septembre 2001.

Au plan national, le groupe terroriste est pourchassé, encerclé et laminé par le travail colossal des forces de sécurité. Ses opérations qui perdurent toujours n’ont plus cependant l’envergure des années passées. Il se retrouve cantonné dans la périphérie de certaines villes, principalement celles du Centre ou du Sud algérien. Les dernières attaques perpétrées l’ont été dans les régions de Boumerdès, Bouira, Tipasa et Ghardaïa.

Même si sa capacité de nuisance existe toujours, il n’en demeure pas moins que le groupe terroriste a du mal aujourd’hui à agir au plan interne. Son discours n’est plus porteur face à des populations qui ont subi ses exactions ou celles du GIA dont il est issu. On retrouve aujourd’hui parmi ses éléments des individus de nationalités étrangères. D’où son besoin d’internationalisation. Au plan international, son terrain d’action se limite au Sahara et au Sahel. Sa présence étant reconnue par les experts sur les sept États sahélo-sahariens.

Les actions terroristes imputées ou revendiquées par le GSPC à l’international sont celles de l’attaque de la caserne de Lemgheity en Mauritanie et les accrochages sporadiques avec les troupes antiterroristes maliennes, nigériennes ou tchadiennes à la frontière avec l’Algérie. Les menaces du GSPC sur la France et ses intentions de perpétrer des actions d’envergure sur son territoire ne sont d’ailleurs pas nouvelles. Cela fait des années que le groupe terroriste menace régulièrement sans pour autant avoir réussi, heureusement, une seule fois à les traduire en actions concrètes. Les principales cellules dormantes affiliées au GSPC démantelées et éliminées en Europe ces dernières années ne se trouvaient pas forcément en France. Elles se répartissaient principalement sur l’Espagne, l’Italie et la Belgique. Telles celles démantelées à Alicante, en Espagne, ou à Varèse dans la périphérie milanaise en Italie.

Le label « Al-Qaïda » largement galvaudé est une arme à double tranchant. D’abord parce que les « apprentis terroristes », partisans des approches extrémistes et violentes d’Oussama Ben Laden, peuvent à tout moment le revendiquer pour justifier une action. Ensuite, parce que l’organisation terroriste, elle-même, s’approprie une opération qu’elle juge « réussie » ou s’inscrivant dans sa logique même si aucune connexion directe n’est identifiée par les enquêteurs entre les exécutants et la nébuleuse. Il faut reconnaître aussi que la plate-forme du terrorisme international trouve son essence dans les conflits internationaux, Palestine, Liban, Irak, Afghanistan, pour justifier un passage à l’acte.

Une nouvelle forme de terrorisme a pris pied en Europe et dans les pays occidentaux. Celles des éléments « satellites ». Inconnus des services de sécurité et de renseignements, et ce ne sont pas forcément les purs et durs du GSPC, ils partagent néanmoins la vision extrémiste des terroristes de tous bords. Adeptes des « préceptes » des grands « muftis » du djihad islamiste version Al-Qaïda ou des sites Internet faisant dans l’apologie des actes terroristes ou des formations paramilitaires, ils sont le plus grand danger notamment parce qu’ils ne sont pas identifiés. Certains ont rejoints les filières « afghanes » ou « irakiennes ». Politiquement « corrects », « intégrés », voire « assimilés », nul ne les connaissait avant leur interpellation en Afghanistan, en Irak, en France, en Allemagne, en Grande-Bretagne ou ailleurs. L’Islam des caves et des banlieues, caractérisé par la propagation du prosélytisme salafiste et wahabite dans les ghettos et les cités-dortoirs françaises, où la conjoncture internationale et le discours d’Oussama Ben Laden trouvent un écho dans une fibre identitaire malmenée de jeunes nés et élevés en Occident et qui ne se raccrochent qu’à l’idéologie religieuse extrémiste pour se retrouver, sont principalement à l’origine de cette émergence inquiétante.

Si la menace sur la France est montée d’un cran après la déclaration d’Al-Zawahiri, elle ne peut néanmoins être imputée au seul GSPC algérien. D’autres paramètres internes sont également à prendre en considération.

Samar Smati