Alger compte ses bombes
El Watan, 12 avril 2007
Le décompte est macabre et surtout interminable. Les attentats à l’explosif, au véhicule piégé, commis à Alger depuis 1992 par les groupes islamistes ne se laissent pas facilement compter.
Quelque-uns, de par leur extrême violence et le nombre important de victimes occasionnées, sont restés gravés dans la mémoire collective, comme ceux du boulevard Amirouche, de l’aéroport Houari Boumediène, de la maison de la presse Tahar Djaout et bien d’autres encore. La capitale, qui croyait ses cauchemars « explosifs » derrière elle, renoue depuis hier avec ce genre d’attentats. Pourtant, on est presque tenté de dire que c’était « prévisible », eu égard aux nombreux signes annonciateurs d’une telle reprise. Avant même la fin de l’année 2006, des signes avant-coureurs annonçaient une plausible relance des attentats à l’explosif et à la voiture piégée. Il en est ainsi du double attentat à la voiture piégée qui a ciblé, le 30 octobre 2006, les commissariats de police de Reghaïa et Dergana, et qui ont fait 3 morts et 24 blessés. 40 jours après, soit le 10 décembre 2006, un attentat à l’explosif contre un bus transportant des employés de BRC a fait un mort à Bouchaoui, à l’ouest d’Alger. Le GSPC qui a revendiqué cet attentat est loin d’être le premier groupe de la même espèce à mettre Alger à feu et à sang. Le premier attentat « spectaculaire » a ciblé, le 26 août 1992, l’aéroport Houari Boumediène. Une bombe placée dans le hall de l’aérogare a fait officiellement 9 morts et 128 blessés. D’autres bombes explosèrent au même moment à Alger, aux sièges des agences Air France et Swissair. Le 31 octobre 1992, deux voitures piégées soufflent un parking du centre commercial de Riad El Feth (Alger) : plusieurs citoyens ont été blessés. Le 12 octobre 1994, cinq véhicules piégés explosent à Alger devant la Faculté centrale, le siège du ministère de la Justice et à la cité universitaire de Kouba. Le 30 janvier 1995, les terroristes font exploser devant le commissariat central d’Alger un véhicule bourré d’explosifs faisant 42 morts et des dizaines de blessés. Un attentat qui marque de par sa cruauté à ce jour les esprits. Le 31 août de la même année, un véhicule piégé lancé contre le siège de la DGSN à Bab El Oued fait une douzaine de morts. Au cours de l’année 1995, la mairie de Birkhadem, la mairie de Ben Aknoun, la caserne des GLD de Souidania, la brigade de gendarmerie de Baraki, la cité de policiers à Bachdjarah, immeuble habité par des policiers à Jolie Vue (Kouba), ont été la cible de voitures piégées et d’attentats à la bombe, causant la mort de dizaines de citoyens. Le 24 mai 1995, une panique s’empare des invités de l’hôtel El Aurassi où étaient réunis les walis avec le ministre de l’Intérieur, suite à l’explosion d’une bombe dans le sous-sol de l’hôtel. Le pire est à venir. Les années 1996 et 1997 sont présentées comme étant les plus « sombres » en matière d’attentats à l’explosif. Dans la banlieue sud d’Alger, à Baraki, une série de bombes explosent le 31 janvier 1996. Le 15 février, un camion piégé explose devant un barrage militaire situé près de la mosquée Mohamed El Bachir El Ibrahimi dans la même localité, faisant une dizaine de morts parmi les militaires. Le 11 février 1996, un véhicule piégé explose devant la mairie de Bab El Oued. Officiellement, on dénombre 43 blessés. Au cours de la même journée, une voiture piégée explose devant la maison de la presse du 1er Mai à Alger. Bilan : 20 morts, dont 3 journalistes du Soir d’Algérie. Le 30 août 1996 : explosion d’une bombe dans un restaurant à Staouéli (ouest d’Alger) fait 7 morts et plusieurs blessés. Le 24 octobre 1996, une bombe saute au passage d’un train à Oued Smar. Bilan : 11 morts et 33 blessés. Le 28 décembre 1996, un autre véhicule piégé fait 10 morts et 68 blessés à Hussein Dey. Le 24 décembre 1996, un véhicule piégé fait 3 morts et une quarantaine de blessés à Bab El Oued et le 25 du même mois, un autre attentat à l’explosif fait 5 morts et 18 blessés à Blida. A Tixeraïne, un véhicule piégé a tué, le 11 novembre 1996, 10 citoyens et causé des blessures à 25 autres. Le 4 septembre 1996, une voiture piégée détruit l’hôtel Angleterre, situé à Alger-Centre, tuant 4 personnes et blessant 35 autres. 12 mai 1997, quatre explosions de véhicules piégés font 8 morts et 70 blessés à Bordj El Kiffan et à Ben Aknoun. 18 mars 1997, trois véhicules piégés explosent à Kouba, faisant 4 morts et une vingtaine de blessés. 8 janvier 1997, une voiture piégée stationnée près de la Fac centrale explose et cause la mort à 7 personnes et des blessures à une soixantaine d’autres. D’autres sources évoquent une quinzaine de morts et plus de 60 blessés dans l’attentat de la Brasserie. Le 9 janvier 1997, les services de sécurité ont désamorcé 11 véhicules piégés destinés à exploser dans des lieux publics. A Belcourt, le 2 janvier 1997, un attentat fait 23 morts et une centaine de blessés. L’interminable série d’attentats au moyen de bombes, de véhicules piégés se poursuivra tout au long de l’année 1997, dont l’été sera aussi sinistrement celui des massacres collectifs. Les années 1998, 1999, 2000 sont également marquées par de nombreux, des centaines d’attentats, tous meurtriers, charriant dans leur sillage des centaines, des milliers de victimes. A partir de cette année 2000, Alger qui a bénéficié d’un maillage sécuritaire efficace a pu se mettre à l’abri des attentats à l’explosif jusqu’à ce 30 octobre 2006 quand les deux attentats à la voiture piégée contre des commissariats de police de la banlieue est d’Alger ont sonné le glas d’une paix qui n’a duré en définitive que quelques fuyantes saisons. La preuve nous a été donnée hier.
Aziri M.