L’énigmatique attentat raté de Hydra

Attentats d’Alger

L’énigmatique attentat raté de Hydra

Djamaledine Benchenouf, 13 avril 2007
http://esperal2003.blogspot.com/

Les trois attentats suicide, une première en Algérie, qui ont secoué Alger ont atteint leur cible. Au-delà des nombreuses victimes civiles, plus de trente morts et de nombreux blessés dont certains dans un état critique, ces attaques ont réussi à capter l’attention du monde entier. L’information, reprise en boucle par toutes les grandes chaînes de télévision, donne de l’Algérie l’image d’un pays qui ressemble, à s’y tromper, à l’Irak, à l’Afghanistan et même à Israël. Sauf que notre pays est le voisin de pallier de l’Europe. Comme pour rappeler à celle-ci et à tout le monde occidental que le danger est à ses portes. Qu’il ne tient plus qu’à lui que l’Algérie, encore plus que le reste du Maghreb, devienne l’avant garde des « hordes islamistes » ou son rempart contre celles-ci. Les Algériens, médusés, découvrent sur « El Djazira », la chaîne la plus suivie dans le pays, des scènes qu’ils ont du mal à digérer. Surtout ces visages juvéniles de kamikazes, plus algériens que nature, qui se sont fait prendre en photo, en guise de testament, avant d’aller se faire exploser. Cela n’était jamais arrivé, même pendant les heures les plus tragiques de la décennie rouge, les islamistes des groupes armés, qui bravaient la mort et qui recherchaient pourtant le martyr auquel ils aspiraient, se laissaient prendre vivants, malgré le traitement effroyable qui les attendait, plutôt que de se donner la mort. Parce que dans l’entendement des musulmans algériens, fussent-ils islamistes, le suicide est un pêché irrémissible.

De l’autre côté de la Méditéranée, les téléspectateurs européens sont tout aussitôt pris en main par une télévision qui fait carrément dans le show business. Les attentas sont montrés sous toutes les coutures. Des scènes plaquées sur le quotidien irakien. De la fumée, des voitures calcinées, des ruines fumantes, des femmes voilées qui se lamentent, des hommes choqués qui font des bribes de phrases et qui ne reconnaîtraient pas les traductions qui sont faites de leurs déclarations, des « spécialistes » du terrorisme qui font des analyses alambiquées que personne ne comprend. En somme le grand chambardement. Sauf que bizarrement, et alors que les attentats contre le Palais du Gouvernement, contre le commissariat et la compagnie de gendarmerie ont été abondamment signalés et commentés, celui, avorté, contre des résidences de barons du régime a été presque totalement passé sous silence, voire occulté. Hormis, en effet, un entrefilet de quelques lignes sur le quotidien arabophone El Khabar, la presse n’a pas évoqué le cas de la voiture Mercedes qui contenait trois bombes d’un poids de cinq cent kilos et qui avait été garée à 50 mètres, de l’ambassade du Danemark à Hydra. Selon le journal qui a rapporté cette information, quelques heures après les attentats de la matinée, les services de sécurité auraient reçu, à 14h30, un appel téléphonique qui leur aurait signalé la présence d’un véhicule piégé à cet endroit. Des agents de la police scientifique et des experts en déminage ont déclaré au journal que si la bombe avait explosé, elle aurait provoqué des dégâts sur un rayon de 500mètres. Or, le véhicule piégé se trouvait à 300 mètres de la résidence du Général major Larbi BELKHEIR, ambassadeur au Maroc et néanmoins homme lige de la junte d’Alger, et à une centaine de mètres de celle de Ali TOUNSI, Directeur général de la Sureté nationale et membre influent du régime. D’autres personnalités, très cotées dans le régime, résident aux abords même de l’endroit où avait été découvert le véhicule piégé. Les trois bombes qui y avaient été placées ont été désamorcées une heure après. La charge d’explosifs devait être actionnée par télécommande, à partir d’un téléphone portable. Cette information d’une importance capitale a pourtant été massivement ignorée de la presse. Alors que l’attentat aurait eu une répercussion de très grande ampleur s’il s’était concrétisé. Il faut imaginer ce qu’auraient été les conséquences si l’ambassade du Danemark avait été pulvérisée. Autant sur le monde musulman après les caricatures du prophète que sur l’occident pour les mêmes raisons. Il faut imaginer l’effet que ces bombes auraient eu sur les équilibres des clans du régime et sur la politique du Président Bouteflika, si les résidences des deux barons du régime et des autres personnalités visées avaient soufflées. Cela aurait bouleversé toutes les données. A un point que l’on ne peut imaginer. Mais le plus interessant dans ce curieux ratage se trouve dans l’opération en elle-même. Il faut savoir en effet que dans ce quartier de Hydra où avait été garé la Mercedes piégée se trouvent presque toutes les ambassades des pays étrangers. C’est aussi dans ce quartier très huppé que résident les plus importants barons du régime, leurs parentèles, leurs asociés et les familles les plus riches du pays. Contrairement à ce qui parait de ce quartier chic et avenant, Hydra, et tout particulièrement ses lotissements réservés à l’élite et aux représentations étrangères, est l’endroit le plus surveillé du pays. Une télésurveillance et des centaines de vigiles, en uniforme ou en civil, y exercent une vigilance de tous les instants, de jour comme de nuit. Une personne qui s’y promènerait avec un simple cabas ne pourrait pas y faire cent pas sans être interpellée et fouillée. Y faire passer un véhicule bourré d’explosifs, le parquer à 50m mètres de l’ambassade du Danemark, à la porte de Larbi BELKHEIR, sans être repéré, relève de la gageure. Mais si cela a tout de même pu se faire, malgré tout, comment, dans ce cas, expliquer que le détonateur n’ait pas été actionné, surtout que cela pouvait aisément se faire à distance.

ourquoi alors avoir pris tant de risques pour se raviser en fin de compte et appeler la police juste pour leur signaler la présence du véhicule piégé ? Cette affaire sent le coup tordu. A-t-on voulu faire croire à l’opinion internationale que les barons du régime, et néanmoins remparts de l’occident, sont tout aussi menacés que lui par cette bien commode El Qaida ? Ou alors, ne faut-il voir dans cette étrange affaire, qu’une touche artistique des clans qui ont orchestré cette série d’attentats pour rappeller à certains barons qu’ils doivent tenir leur place et revoir leurs copies ? En tout état de cause, le « raté du GSPC » aura atteint son but, puisqu’ il a porté le message sans même se faire remarquer par la presse. D.B