OTAN – Pays du Dialogue méditerranéen
par Ghania Oukazi, « Envoyée Spéciale A Séville (Espagne) », Le Quotidien d’Oran, 10 février 2007
«Pas de questions difficiles entre vous et nous» est la première précision apportée aux journalistes des pays du Dialogue méditerranéen (DM) par le secrétaire général adjoint de l’OTAN.
Alessandro Minuto Risso rejoint par cette déclaration un diplomate algérien bien au fait du dialogue méditerranéen qu’entreprend l’OTAN avec les pays de la rive sud. «A Séville, ils ne vont pas discuter des questions qui fâchent parce qu’ils ont peur de faire capoter ce dialogue, comme ça été le cas pour le processus de Barcelone». Voilà qui est clair et qui prouve que les pays du DM préfèrent aller doucement avec l’OTAN pour ne pas trop s’engager sur des choses qui les dépassent.
D’ailleurs, pour cette réunion informelle de Séville (deuxième du genre, après celle de Taormina l’an dernier en Sicile), les pays concernés, du moins leur grande partie, se sont fait représenter par leurs ambassadeurs. C’est le cas de l’Algérie qui l’a fait par le biais de Mohamed Hamache, son ambassadeur à Madrid, ou celui de la Jordanie dont le représentant a été son ambassadeur auprès de l’Union européenne. Ceci quand la Mauritanie aura été par exemple carrément absente. Les pays présents, en plus de l’Algérie et de la Jordanie, sont le Maroc, la Tunisie et l’Egypte. Pour le SG adjoint de l’OTAN, «une coopération pratique entre nous demande une habitude, une tradition de dialogue». Mais «pas de questions difficiles entre vous et nous», a-t-il dit, juste «des discussions de thèmes d’intérêts communs et consolider nos liens». Il reconnaît que l’OTAN demeure relativement connue dans nos régions. Ce n’est pas extraordinaire mais elle souhaite instaurer une coopération normale, détendue, pour avoir de plus en plus de terrains d’entente».
La conférence de Séville étant informelle, il n’y aura donc, selon lui, «aucune décision ni communiqué», mais juste des discussions.
Il rappelle que l’OTAN, qui souhaite depuis la guerre froide et après le 11 septembre apporter une valeur ajoutée à la défense, est en constante transformation pour cela. L’Alliance veut instaurer avec les pays du Dialogue méditerranéen une «tradition de discussions concrètes et pratiques».
Interrogé sur les rapports OTAN-Israël, Alessandro Minuto Risso dira: «Nous sommes amis, nous connaissons les règles du jeu et la réunion de Séville est une réunion amicale avec les pays arabes». En filigrane, comprendre qu’en initiant le DM, l’Alliance tient à faire asseoir les uns en face des autres, Arabes et Israéliens», pour une coopération tout autre. Celle qui met entre parenthèses le conflit du Moyen-Orient. Le SG adjoint de l’OTAN note qu’Israël vient de signer avec l’OTAN un programme de coopération que le sommet de Riga a lancé. «Nous souhaitons que les autres pays du dialogue signent des programmes individuels avec l’OTAN selon ce qui les intéresse», indique-t-il. Il affirme qu’il n’y a «pas de sélectivité entre les pays, l’OTAN veut apporter une valeur ajoutée à chacun d’eux».
Notons que le ministre américain de la Défense a fait mieux en disant à un journaliste israélien qui voulait savoir si l’OTAN allait aider Israël à combattre le «terrorisme», que «ce n’est pas une réunion OTAN-Israël-pays arabes, mais une réunion OTAN-Pays du Dialogue méditerranéen». «Israël pourra-t-il adhérer à l’OTAN ?», interroge le journaliste. «Rome ne s’est pas bâti en un jour !», répond le SG adjoint de l’Alliance, en précisant qu’»aucun de vos pays n’a émis le souhait d’être membre». L’Alliance veut construire «un réseau de coopération entre nous et vos pays», ajoute-t-il. Pour le dialogue Algérie-OTAN, «notre ambition est de le faire avancer d’une manière pratique en dépassant les grandes déclarations», dit Risso.
Il soutient à ce propos que «l’OTAN veut passer à autre chose, par exemple avoir des experts algériens pour une formation dans nos écoles, avoir une coopération pratique dans la lutte antiterroriste. Pour cela, il estime que «c’est important que les représentants au niveau politique se réunissent, ce qui encourage à travailler ensemble».
Le dialogue avec la Méditerranée est initié, dit-il, «parce qu’on ne peut isoler son action». «Il faut conjuguer nos efforts dans ce sens mais il ne faut surtout pas voir des intérêts cachés de la part de l’Alliance. Nous voulons une coopération sérieuse et pratique», répétera-t-il. Il est question pour l’Alliance de poursuivre ses opérations antiterroristes et de contrôle en Méditerranée et pour lesquelles l’Algérie, le Maroc et Israël sont meneurs. Ce que l’OTAN appelle opération «Active Andomer».
«Les pays du DM doivent se concentrer sur les domaines pratiques» pour que l’OTAN puisse leur apporter sa compétence», dira à son tour le porte-parole du SG de l’organisation. «Non, le SG ne va pas soulever le problème de l’Irak, du Moyen-Orient ou du Liban, sauf si les représentants des pays du DM le lui demandent», a dit par ailleurs James Appathurai.
Ce sont ainsi les questions qui fâchent et que l’OTAN ne compte pas débattre avec les Méditerranéens. Le porte-parole de son SG explique: «L’Alliance n’a pas l’intention et n’essaie pas de jouer le rôle du gendarme du monde auprès de la communauté internationale». Ayant imposé sa suprématie sur l’organisation, l’Amérique le fait bien pour lui. Le porte-parole du SG reconnaît encore que «ces questions, si elles sont évoquées, empêchent de coopérer».
A propos de la représentation des pays du DM à la réunion de Séville, James Appathurai souligne que «pour ce qui est des ministres de la Défense de ces pays, ce n’est pas vraiment parallèle par rapport à ce que nous avons chez nous. Nous avons eu une première réunion ministérielle avec eux et on ne voit aucunement une volonté de s’impliquer avec l’OTAN». Et «si les pays du DM acceptent de se réunir avec nous, ça démontre que notre coopération s’approfondit», a-t-il ajouté.
Pas de base américaine au Moyen-Orient
par G.O.
Sans trop vouloir s’impliquer, les pays du Dialogue méditerranéen revendiquent leur part de l’expertise et de compétence de l’OTAN en matière, entre autres, de formation et d’entraînement militaire.
De la discussion informelle qui a regroupé hier le secrétaire général de l’OTAN, les ministres de la Défense des pays membres ainsi que les représentants de ceux du Dialogue méditerranéen, on apprendra que ces derniers veulent en effet aller au fond des choses. C’est-à-dire renforcer le dialogue politique en intensifiant les contacts mais surtout initier des programmes «selon les spécificités de chaque pays». Mis à part Israël, qui a déjà conclu un programme de coopération individualisé, les autres pays du DM veulent, avant de le faire, «en savoir plus». Ils ont formulé leur besoin de faire une étude commune sur le contenu de ces programmes et éventuellement (même si elle n’a pas été exprimée clairement) en connaître la portée avec précision.
Le tour de table entre les parties qui a eu lieu hier à Séville s’est aussi arrêté sur la possibilité d’ouvrir une faculté d’étude sur la Méditerranée et le Moyen-Orient qui fonctionnera avec des académiciens des pays du dialogue et ceux de l’initiative d’Istanbul.
Les responsables de l’OTAN souhaitent que cette faculté devienne fonctionnelle avant la fin de l’année en cours. L’on souligne qu’elle sera ouverte auprès du Collège de défense qui se trouve à Rome. La formation et l’entraînement des militaires a été aussi au menu. Les pays du DM ont demandé à étudier avec l’OTAN la possibilité d’ouvrir à cet effet un centre au Moyen-Orient où leurs militaires et ceux de l’initiative d’Istanbul recevraient des cycles de formation et d’entraînement. Mais avant, ils réclament, tout autant que l’OTAN, une étude de faisabilité pour évaluer leurs besoins en la matière.
Etude qui définira le contenu des programmes susceptibles de développer ces aspects. Il est question par ailleurs de développer et de renforcer les outils de partenariat pour la paix.
Jugé satisfaisante par les responsables de l’OTAN, la réunion de Séville aura rappelé que le dialogue politique entre l’Alliance et les pays du DM se renforce au vu du nombre de rencontres qui ont déjà eu lieu. L’on cite la réunion de Bruxelles où les ministres des Affaires étrangères des deux parties se sont réunis, celle de Taourina qui a regroupé les ministres de la Défense, et celle de Rabat où s’est tenu le Conseil de l’Atlantique Nord.
Au plan pratique, on énumère les domaines au sein desquels se traduit la coopération, à savoir 100 en 2004, 200 en 2005, 400 en 2006 et 600 en prévision de 2007. Ces domaines sont par excellence ceux liés aux activités militaires, entre autres les exercices, l’entraînement, la formation, la doctrine, les contacts, les activités logistiques, la médecine militaire et les plans civils d’urgence pour lesquels les pays du DM ont exprimé un grand intérêt.
Entre autres conférences de presse tenues hier à la clôture de la rencontre de Séville, celle du SG de l’OTAN, Jaap de Hoop Scheffer, qui a souligné, entre autres, et au titre de sa réunion avec les pays du DM, «qu’il n’est pas dans l’intention de l’OTAN d’ouvrir des bases militaires au Moyen-Orient». Il est juste question, selon lui, «de renforcer la confiance entre nous».
Pour ce qui est de l’Iran, Scheffer a indiqué que «certes, les programmes nucléaires constituent une menace pour le monde, mais on n’a pas l’intention d’intervenir dans ce dernier; il est traité par d’autres regroupements».
Le ministre russe de la Défense, qui est venu au titre de la réunion du Conseil OTAN-Russie, s’est exprimé sur l’Afghanistan en soutenant que «c’est une menace pour nous tous; c’est pour cela que nous sommes prêts à coopérer avec l’OTAN à ce sujet».
Il ne manquera pas cependant de rappeler qu’entre la Russie et l’OTAN, et précisément les Etats-Unis, «il y a des divergences de taille, mais nous sommes un partenaire stratégique en matière de sécurité pour le monde».
Le ministre russe avouera dans ce cadre que «le contrôle du commerce des armes n’est pas facile à faire, mais nous devons nous y atteler tous».
Il note au passage que «les armes du Hezbollah sont de marques israélienne et américaine…».