Nos chers amis !

Nos chers amis !

Par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 8 avril 2006

Même quand on est un sujet arabe obéissant, naïf et passif, impossible de ne pas noter la singulière concomitance: hier, le jour où la Commission européenne annonçait la suspension des aides aux Palestiniens, une réunion de l’Otan se déroulait au Maroc avec sept pays méditerranéens, six Etats arabes et Israël.

Que les journalistes si prompts à pointer le voisin lèvent la plume: à cette réunion, l’Algérie est partie prenante. On attend avec curiosité que dans la vieille «Mecque des révolutionnaires» quelqu’un exprime ne serait-ce que l’ombre d’un état d’âme ou se demande pudiquement ce que nous faisons dans cette galère.

En attendant, au Maroc, des gens ont manifesté pour refuser que leur pays soit inclus dans les «dispositifs agressifs» de l’administration américaine. Nos coeurs, chaque jour saignés par les incursions de la civilisation dans les territoires palestiniens occupés ou par les grands effets collatéraux de la démocratie aéroportée en Irak, sont avec eux.

Que les Etats fassent ce qu’ils veulent, ce n’est guère une nouveauté dans nos contrées, mais il est réconfortant que des citoyens arrivent à dire ce qu’ils pensent. Sur Al-Jazeera, un militant marocain des droits de l’homme disait tout haut le mal qu’il pensait de cette réunion et n’hésitait pas à parler d’entreprise impérialiste.

C’était, avouons-le, très rafraîchissant qu’en ces temps de lèche générale, quelqu’un dise franchement un peu de ce que nous ressentons tout bas. Nous n’avons aucune raison valable de faire ami-ami avec l’Otan et Israël. Au journaliste, platement réaliste, qui lui disait à «quoi bon manifester puisque la réunion se tient quand même», le militant a répondu par une évidence qui s’est perdue: »mais pour dire que nous ne sommes pas d’accord, même si on ne peut pas changer les choses !». Bref, le niveau le plus faible de la foi est bien de proclamer, quand on le peut, que le «réalisme» dont font preuve nos gouvernants est consternant.

Qu’avons-nous à discuter et à planifier avec Israël qui considère que le peuple palestinien est, globalement et dans le détail, un ennemi à soumettre, voire à jeter dans la mer ou dans les sables des Etats arabes voisins ? Qu’y a-t-il à coordonner militairement avec des Occidentaux qui exercent sans honte un chantage contre les Palestiniens et les punissent collectivement pour avoir exercé leur droit de choisir librement leur gouvernement ?

«C’est un événement de haut niveau, très significatif…», a déclaré, pince-sans-rire, le secrétaire général de l’Otan, Jaap de Hoop Scheffer.

Significatif ? De quoi ? D’une singulière perte de sens qui devrait nous alarmer au plus haut point. Car de l’autre côté, on ne perd pas le nord, l’ennemi est globalisé comme une caricature danoise du prophète. Jeudi, lors d’un briefing à l’usage des journalistes, le général Kimitt, numéro 2 du Centcom, expliquant le nouveau concept de la «Long War» qui doit remplacer la déjà usée Global War on Terror, a indiqué que la guerre se menait aussi sur Internet, dans le domaine de la finance et celui de la propagande. Et devinez le diapo qui illustrait les médias et la «propagande ennemie»: une mosquée ! Elémentaire, mon cher Kimitt !

Très significatif, comme dirait notre cher ami le secrétaire général de l’Otan !