L’OTAN joue l’apaisement

L’OTAN joue l’apaisement

par Ghania Oukazi, Le Quotidien d’Oran, 7 décembre 2008

Les dernières réunions ministérielles de l’Organisation atlantique Nord (OTAN), tenues à Bruxelles, ont marqué un recentrage important aux positions des pays occidentaux, notamment celles en confrontation, américaines et russes.

Le ton était vraiment à l’apaisement lors des réunions des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN, qui se sont tenues à Bruxelles les 2 et 3 décembre passés. Il était, en tout cas, emprunt d’une sérénité remarquable par rapport aux élans de va-t-en- guerre qui ont été affichés lors du Sommet des chefs d’Etat atlantistes, tenu au début de l’année à Bucarest.

L’on se rappelle que la présence à ce sommet du président américain sortant, George Bush, avait plombé l’atmosphère pour donner à ce rendez-vous un dangereux caractère provocateur. La provocation était en évidence américaine et dirigée, sans nul doute, vers la Russie. Tout a été sorti à Bucarest, de la guerre contre les Talibans, du déploiement du bouclier antimissile en Pologne, à l’adhésion à l’OTAN de l’Ukraine et de la Géorgie en passant par l’indépendance du Kosovo. Enfin, tous les dossiers qui étaient fermement soutenus et férocement défendus par l’administration Bush et par lesquels les velléités de déstabilisation de la Russie étaient flagrantes. La semaine dernière à Bruxelles, les coulisses de l’OTAN fonctionnaient en gardant à l’esprit les dernières déclarations de Bush à propos de la sale guerre qu’il mène en Irak et la fin de mission de sa secrétaire d’Etat, qui en vantait les conséquences désastreuses. Ce ne sont pas véritablement des regrets que Bush avait exprimé, mais des accusations contre ses services de renseignements qui, selon lui, lui ont menti ou lui ont donné de fausses informations sur la détention de Saddam Hussein d’armes de destruction massive.

Encore une attitude veule qu’il choisit d’adopter à quelques heures de son départ de la Maison-Blanche. L’Amérique de Bush cède la place à celle de Obama sous les coups des lamentations et des adieux à tout bout de champ.

C’est le cas de Condoleeza Rice qui, à chaque pas à Bruxelles, se confondait en adieux parce que, disait-elle à chaque fois, « ce sont mes dernières réunions à l’OTAN ». Comme si elle voulait soutirer une compassion au reste du monde après l’avoir mené au suicide au vrai sens du terme. Il est vrai que ce genre d’attitude de ses puissants dirigeants ne laisse pas indifférent. Le communiqué final, qui a sanctionné mercredi dernier les ministérielles atlantistes de Bruxelles, en a été assez marqué. « Consciente qu’il n’existe pas de solution purement militaire, l’OTAN se tient également prête à soutenir les efforts menés par les Afghans pour parvenir à un règlement politique du conflit », lit-on dans ce communiqué.

«Les Talibans font partie du tissu social du pays»

On est loin des élucubrations du ministre américain de la Défense qui, au lendemain du 11 septembre, avait annoncé que son armée allait anéantir les Talibans en l’espace d’une saison. C’est ce que le Pentagone avait surnommé « l’offensive du printemps ».

Il n’en a rien été, bien au contraire, la situation s’est dangereusement détériorée en Afghanistan, mettant quotidiennement en péril des vies humaines. A Bruxelles, l’OTAN a reconnu la semaine dernière, officiellement, que ses Etats membres approuvent la démarche du président afghan, Hamid Kerzaï, appelant les Talibans à un dialogue. James Apathuraï, le porte-parole du secrétaire général de l’OTAN, a à cet effet parlé de « programme d’ouverture social » et de « bonne gouvernance afghane». Apathuraï avait affirmé que «la solution militaire n’est pas suffisante, si le gouvernement élu choisit de parler de réconciliation, l’OTAN l’appuiera ». Récusant dans ce cas l’idée de l’échec de l’OTAN à Kaboul, le porte-parole de Jaap De Hoop Scheffer a même rappelé que « les Talibans font partie du tissu social du pays». Et, disent les Alliés dans leur communiqué, « à cet égard, (…) nous aiderons le gouvernement afghan à chercher à atteindre tous les citoyens afghans afin de favoriser la bonne gouvernance ». Mettant de côté leur enthousiasme à « forcer » à partir du Sommet de Bucarest, à l’adhésion de l’Ukraine et de la Georgie à l’Alliance atlantique Nord, ces mêmes Etats membres se sont contentés, cette fois à Bruxelles, de noter par la voix de Apathuraï, que les deux pays doivent encore déployer des efforts pour être aux normes de l’OTAN ».

Bush, Rice et le canal de Panama

Dans le communiqué, ils le disent ainsi : « les deux pays ont certes accompli des progrès, mais il leur reste beaucoup à faire ». Non pas que l’Ukraine et la Géorgie ne vont pas être admises à l’OTAN, mais leur admission se fera lorsque les esprits s’apaiseront entre les Alliés et Moscou. Pour ne pas perdre la face, l’OTAN s’est accrochée à ce qui s’est passé en Géorgie en août dernier, pour tirer probablement les dernières cartouches vers Moscou avant qu’il ne se doivent tous de recentrer leurs positions. A propos de ce qu’ils appellent l’intégrité territoriale de la Géorgie, les Alliés écrivent « nous réaffirmons notre adhésion à ces valeurs et principes et engageons la Russie à faire preuve qu’elle y souscrit elle-même. Nous appelons la Russie à s’abstenir de toute déclaration de nature progressive, notamment une revendication d’influence (…) ». Mais plus loin, ils notent à propos de la Russie, que « nous ne menons plus nos activités habituelles au sein du Conseil OTAN-Russie (COR) depuis le mois d’août.(…). Compte tenu de ce qui précède, nous avons adopté une approche mesurée et échelonnée : nous avons donné mandat au secrétaire général de renouer le contact avec la Russie au niveau politique, nous sommes convenus de mener des discussions informelles au sein du COR et nous avons invité le secrétaire général à nous faire un rapport avant toute décision relative à des contacts formels avec la Russie au sein du COR ». Le tout se fera en prévision du Sommet des chefs d’Etat de l’Alliance prévu en avril prochain entre Strasbourg, la française, et Kehl, l’allemande, comme le veut le président Zarkozy en signe de consolidation, avait-il dit à Bucarest, de l’amitié franco-allemande. D’ici là, Bush sera parti, Condoleeza Rice ne sera plus sa secrétaire d’Etat, Obama sera installé officiellement à la Maison-Blanche et sera certainement présent à ce sommet en tant que président des Etats-Unis. Si, comme disent les médias occidentaux, Obama n’est pas le messie, il ne fera pas en tout cas aussi ou plus mal au monde que Bush. Ce dernier aura quitté le commandement du monde en avouant officiellement qu’il a laissé son propre pays en profonde récession, qu’il a mené une guerre désastreuse sur de fausses informations et qu’il n’a pas réussi à faire créer l’Etat palestinien. En attendant, Moscou a pénétré hier pour la première fois depuis de longues années, les eaux du canal de Panama situé entre l’Atlantique et le Pacifique. C’est hier que la Russie a marqué cette région de sa présence militaire. Des signes avant-coureurs pour des esquisses d’un nouvel ordre mondial multipolaire, en remplacement des folies hégémoniques ? Il devient impératif d’y croire.