L’armée algérienne dément la libération des 15 otages
Un assaut saboté par… la rumeur
L’armée algérienne dément la libération des 15 otages
Le Quotidien d’Oran, 20 mai 2003
Une journée kafkaïenne. Les 15 otages européens encore détenus à Illizi par un commando du GSPC ont été libérés, selon plusieurs médias allemands et européens. Donné à Alger, Berlin et Berne, le groupe d’otages n’a pas donné signe de vie et serait toujours en captivité selon le ministère de la Défense nationale.
Le démenti du département du général de corps d’armée, Mohamed Lamari a mis fin à une rocambolesque journée de rumeurs, de spéculations et de supputations sur le sort des 10 Allemands, 4 Suisses et 1 Néerlandais encore détenus dans la région de Tamelrick. Le couperet est tombé sous la forme d’un communiqué de l’état-major de l’armée algérienne indiquant que: «l’état-major de l’ANP a formellement démenti les informations faisant état de la libération du second groupe d’otages». L’ANP qualifie «d’allégation», l’annonce par «plusieurs médias internationaux» de cette libération et précise que «tous les efforts continuent d’être entrepris par l’ANP et les services de sécurité» pour la libération des 15 touristes encore détenus.
Si l’état-major de l’armée, très discret sur le déroulement des opérations dans la région d’Illizi, a été obligé de démentir des informations faisant état du dénouement de cette affaire, c’est que la rumeur a enflé au point d’être crédible.
D’abord, lundi matin, le quotidien «El-Youm» annonce la libération du groupe des 15 touristes sans donner de précision. Agences de presse et télévisions européennes commencent alors à distiller des informations parcimonieuses sur cette prétendue libération. Plus tard, c’est la chaîne de télévision allemande, en continu, N-TV, qui annonce que le «groupe de touristes européens qui avaient été pris en otages en Algérie est libre et en route vers Alger», relayée aussitôt par Radio France International (RFI) qui ajoutera, citant des sources des services de sécurité algériens que: «tous les 15 otages restants ont été libérés dans la nuit de dimanche à lundi ou tôt lundi matin (…) Les otages libérés ont embarqué dans un avion», ajoute RFI, qui dit ne pas savoir si l’appareil fera escale à Alger ou volera directement vers l’Europe.
L’agence Reuters emboîte le pas et souligne que: «les derniers touristes enlevés sont libres», citant des sources militaires en précisant que l’information a été confirmée par un responsable algérien et un diplomate occidental. Mais le coup de grâce est venu d’une information de l’AFP Berlin qui n’indique pas que les touristes ne sont pas libres mais que: «plus aucun des 15 otages européens détenus par un groupe terroriste dans le Sud algérien n’était lundi entre les mains des ravisseurs mais l’on ignorait en milieu d’après-midi s’ils étaient sains et saufs», citant une source proche des forces de sécurité allemandes. L’AFP Berlin ajoutera que: «les autorités allemandes attendaient d’avoir davantage d’informations pour décider si elles envoyaient en Algérie un avion médicalisé de l’armée allemande, la Bundeswehr, ou un appareil normal», selon la même source.
Une information qui ne fera que rendre encore plus illisible une foule d’informations contradictoires surtout qu’elle émane de sources proches des services allemands de la BND qui sont impliqués, avec leurs collègues algériens du DRS, dans les opérations au sud-est algérien.
Même après le démenti de l’état-major algérien, une source diplomatique à Bamako, renchérit anonymement, en déclarant à l’AFP au Mali que: «je viens d’apprendre de très bonnes sources que tous les otages restants sont libérés».
Mais que cache réellement cette inflation de rumeurs autour du sort des 15 otages? On apprendra de sources informées que ces rumeurs ont «sabordé» le lancement d’un assaut contre le groupe du GSPC à 150 km au nord d’Illizi et la volonté est «d’entraver les opérations sur le terrain». L’état-major de l’armée, probablement irrité par tant de spéculations, aura décidé de mettre un terme à cet assaut que certains observateurs annonçaient comme «imminent».
Le plus problématique est que la globalité des informations, -certains diront des «fuites»- ont été diffusées depuis Berlin, selon des sources diplomatiques ou sécuritaires. Ce qui ne fait que renforcer la thèse que rien ne va plus entre Berlin et Alger sur la manière de libérer les otages. Surpris par le premier assaut qui a ciblé le groupe GSPC à Amguid, les Allemands n’ont eu de cesse de «baliser» tout effort, côté algérien, pour ne pas rééditer une opération militaire «risquée sur la vie des otages», selon le chef de la diplomatie allemande, Joschka Fisher. Et ceci, alors que des aveux des otages eux-mêmes, qui ont été diffusés par la télévision autrichienne, l’armée algérienne a mené un assaut «professionnel» en préservant les otages tout au long de l’opération.
Partisans d’un versement de rançon, les Allemands voudraient être associés à tout prix à toute prise de décision sur le modus operandi choisi par les Algériens. Quitte à saboter un assaut militaire?
Mounir B.