Affaire El Para: L’analyse spectacle du Monde diplomatique

Affaire El Para

L’analyse spectacle du Monde diplomatique

Le jour d´Algerie, 13 mars 2005

C’était au tour du très sérieux Monde diplomatique de publier, dans sa livraison de février, une analyse accusant l’armée algérienne d’implications dans l’affaire de Abderrezak le Para. Objectif : maintenir la pression médiatique à l’encontre de tout rapprochement entre Alger et Washington.

D’emblée, l’article en question place l’affaire de l’enlèvement des otages européens à un moment où «le gouvernement algérien déploie d’intenses efforts diplomatiques pour obtenir de Washington un soutien financier et militaire», une approche polar similaire aux spectaculaires révélations du MAOL. La proximité du chef terroriste du GSPC serait ainsi une invention des services de renseignement algériens, les auteurs de l’article en question n’ayant pas pris le soin de vérifier que c’est précisément les médias français, l’AFP en l’occurrence, qui ont été les premiers a donné cette information. Et le monde diplomatique de faire un amalgame volontaire autour de l’affaire des otages européens, «libérés» à l’issue d’ «obscures tractations», alors que cela a nécessité, dans un premier temps, une opération coup de poing de l’ANP qui a éliminé 6 terroristes du groupe. Le déroulement de cette opération est qualifié de bizarre par Le Monde diplomatique qui interprète à sa manière les témoignages des otages. «Au lieu d’utiliser leurs otages comme des boucliers humains, les hommes d’El-Para les ont sommés de se protéger dans des grottes». En aucun cas, il n’est pris pour hypothèse que le but des terroristes, quitte à y laisser leur vie, n’est autre que de signifier au monde entier la spécificité «politique» et non «barbare» de leur combat et d’isoler l’Algérie au lendemain du 11 septembre,

Mais, pour le Monde diplomatique, l’épisode El Para et ses liens préfabriqués avec le GSPC n’ont d’autres visées que de légitimer l’implantation de l’armée américaine dans la région du Sahel, historiquement zone d’influence française. Analyse «tirée par les cheveux», si l’on peut dire, puisque nombre d’experts américains considèrent qu’une importante présence américaine serait justement une erreur à ne pas commettre, car créant une cible de choix et suscitant un redéploiement des groupes terroristes vers le nouveau champ de bataille que deviendrait le Sahel.

Néanmoins, et sans trop se préoccuper de la question, le Monde diplomatique, qui dresse le contexte de l’époque, ne souffle mot sur la tournée de Jacques Chirac au Mali et au Niger avec pour ordre du jour de relancer la coopération militaire et sécuritaire avec ces deux pays. Occultant les dimensions géopolitiques qui relèvent de la rivalité américano-française dans la région, marquée par le souci de Paris de ne rien concéder, les auteurs de l’analyse (une compilation de rappels) préfèrent revenir au passé et coller sur le dos des autorités algériennes tous, mais alors tous les attentats commis contre les étrangers de 1993 à ce jour. Et de tomber, plus loin, dans le jeu des groupes armés en les décrivant comme isolés de l’internationale terroriste, mais s’inscrivant «seulement dans une logique algérienne». Pourtant, les seuls journalistes a avoir pu approcher El Para ont été ceux de Paris-Match et pour lesquels El Para tenait d’ancrer Al Qaida dans la région. Mais, pour le Monde diplomatique, l’investigation est très simple : tous les documents du GSPC, surtout de son site Internet (entre les mains des opposants à Hattab, dont El Para fut le bras droit) sont authentiques, tous les documents des autorités algériennes sont faux. Et rien qu’à savoir que le co-auteur de l’article n’est autre que Jean-Baptiste Rivoire, à l’origine de nombreux «reportages» diffusés par les chaînes de télévision de l’Hexagone et dont l’objectivité est des plus douteuses, le lecteur est doublement édifié.

Amine B.