Les « qui-tue-qui ? » sont de retour

Actualités : LES ÉLECTIONS SE RAPPROCHENT

Les « qui-tue-qui ? » sont de retour


Bureau du Soir à Paris, K. Baba-Ahmed, Le Soir d’Algérie, 20 septembre 2003

Ils reviennent à la charge. Les fameux «qui-tue-qui ?» étaient là, jeudi en force, faisant leur entrée d’automne au Centre d’accueil de la presse internationale à Paris. Leur marionnette du moment est Mohamed Samraoui, qui y présentait son livre Chronique des années de sang ou Comment les services secrets algériens ont manipulé les groupes islamiques, ouvrage qui vient d’être édité par Denoël.
Il y avait là, pêle-mêle, les immuables militants français de la thèse des «généraux assassins et des islamistes inoffensifs, modérés et démocrates» : François Gèse, José Garçon, Jean Baptiste Rivoire* et leurs compagnons : Souaïdia, Hakiki Talahilet Benderra et d’autres encore. Pour les lecteurs qui n’auraient pas entendu parler de l’auteur, l’éditeur le présente comme «ancien numéro 2 de la direction du contre-espionnage en Algérie en 1990. Il a été responsable de la sécurité militaire à l’ambassade d’Algérie en Allemagne en 1992, a déserté en février 1996 et a demandé et obtenu le statut de réfugié politique dans ce pays. Et l’éditeur de le qualifier d’«opposant résolu de l’islamisme radical, qui n’a pas accepté les effroyables méthodes utilisées pour le combattre». Ce livre marquerait un tournant et, nous dit-on «révèle pour la première fois les ressorts secrets de l’une des guerres civiles les plus atroces du 20e siècle». De révélation, il n’y en a point, ni dans le livre, ni lors de la présentation qui en a été faite jeudi par son auteur. Nous avons eu droit aux «journalistes indépendants manipulés par les généraux», à l’éculé discours de généraux qui détiennent le pouvoir en Algérie et qui le gardent pour préserver leurs fortunes et, cerise sur le gâteau, cette incroyable introduction par l’auteur : «La menace islamiste en Algérie n’a jamais existé». Cette menace est, selon lui, une création de toutes pièces des généraux. Dans son ouvrage bourré de contradictions, l’auteur poursuivra plus loin, en réponse à une question posée par José Garçon, la grande spécialiste des islamistes algériens, et relative à la centaine d’Afghans algériens» : «Lorsque j’étais en poste et que je m’étais déplacé au Pakistan parce que la sécurité de l’Algérie était en danger et qu’il nous fallait infiltrer et savoir qui finançait les islamistes, nous avions démembré, non pas cent mais 2000 Algériens qui étaient passés par l’Afghanistan et qui s’y étaient entraînés et dont certains, pas tous évidemment, sont retournés en Algérie» Alors, les GIA, création des généraux ou mouvance organisée, entraînée et financée de l’extérieur ? La deuxième thèse de Samraoui est celle déjà développée par ses prédécesseurs et qui consiste à affirmer que les actes terroristes de 1995 en France sont un «plan conçu par les généraux détenteurs du pouvoir à Alger», et d’aller plus loin affirmant : «Depuis le coup d’Etat de 1992 en Algérie la SM et la DST sont «clairement passées de la collaboration sur les affaires arabes à une sorte de cogestion dans la surveillance et la manipulation de la violence islamiste algérienne en France». Samraoui (comme tous les qui-tue-qui ? cités plus haut) prend-t-il les Algériens pour des débiles mentaux ou des amnésiques lorsqu’il avance cette énormité en page 24 de son livre : «Pour faire croire que les massacres de civils sont le fait des islamistes, la DRS a mis au point une technique presque infaillible, consistant à inclure de vrais islamistes dans les groupes des forces combinées chargées de ces opérations. Il s’agit d’individus préalablement arrêtés et retournés sous la torture ou tenus par les promesses de clémence pour des crimes commis antérieurement. Et lors des massacres, les habitants des premières maisons de la localité visée étaient volontairement épargnés, de manière à permettre aux survivants de témoigner ensuite qu’ils ont reconnu des islamistes». Pas moins que cela et tout le reste est du même acabit ! Pourquoi ces sauces réchauffées et pourquoi maintenant ? Il faut croire qu’à la veille des élections, le signal de départ de l’offensive a été donné pour que, comme a répondu l’auteur à une question qui lui était posée sur les solutions pour sortir de la crise, engager une «révolution soft» et arriver à la «conciliation entre tous les Algériens (tiens, tiens cela rappelle quelque chose) et comme si ce n’était pas clair, Samraoui de rajouter : «Il faut que les généraux rentrent dans leurs casernes et ne s’occupent plus de politique », En fait, il faut laisser le peuple algérien faire son expérience d’un islamisme moderne, démocrate, généreux, éclairé… et les Samraoui et consorts observer ce laboratoire et commettre régulièrement des livres à partir de Paris ou de Frankfort pour conseiller les idiots d’indigènes.
K. B-A.