La justice française est saisie de l’affaire des moines de Tibéhirine
Communiqué de Maître William BOURDON
COMMUNIQUÉ DE PRESSE
Paris, le 10 décembre 2003
Le vendredi 5 décembre, M. Abderrahmane El-Mehdi MOSBAH, réfugié politique algérien vivant en France depuis 1994, âgé de 33 ans, père de deux enfants français, a déposé plainte contre le Général Larbi BELKHEIR devant le Procureur de la République de Paris pour faits de torture.
Ayant appris de source sûre que le Général BELKHEIR se trouvait à Paris, à l’Hôpital du Val-de-Grâce, M. MOSBAH a en effet demandé à son conseil, Me William BOURDON, de saisir sans délai le Procureur de la République pour que celui-ci ordonne immédiatement, compte tenu de l’extrême urgence, l’ouverture d’une enquête préliminaire aux fins de procé-der à l’interpellation et à l’audition du Général BELKHEIR et ensuite de procéder à l’ouverture d’une information. M. MOSBAH a déposé plainte en collaboration avec l’Association de droit néerlandais JUSTITIA UNIVERSALIS, dont le Président fondateur, Me Brahim TAOUTI, avocat réputé, installé au Danemark, lui a apporté un précieux concours.
En novembre et décembre 1993, M. MOSBAH a été sauvagement torturé, pendant qua-rante jours, à la Brigade de Gendarmerie de Birkhadem à Alger, qui se trouve en face de l’immeuble abritant l’État-Major de l’armée algérienne.
Le Général Larbi BELKHEIR a été Ministre de l’Intérieur du 18 octobre 1991 au 19 juillet 1992, puis Conseiller du Président de la République Algérienne depuis 1999. En dépit de la cessation de ses fonctions de Ministre de l’Intérieur, il n’a jamais cessé de participer active-ment et directement à l’organisation du pouvoir en Algérie et plus précisément à la direction des forces armées et des forces de sécurité. Comme en attestent les nombreux témoignages et documents produits par M. MOSBAH, le Général BELKHEIR a acquis un pouvoir de facto absolument déterminant au sein de l’appareil d’État et de la hiérarchie militaire. Sa responsa-bilité dans la mise en place d’une politique généralisée de torture à la date où les faits ont été commis à l’encontre de M. MOSBAH résulte non seulement des témoignages précités, mais également des différents rapports des organisations nationales et internationales de défense des droits de l’homme.
Il en ressort que le caractère systématique de l’usage de tortures dans des lieux de détention nécessairement sous le contrôle de fait ou de droit du Général BELKHEIR, rend totalement invraisemblable le fait que ce dernier, dans les fonctions — officielles ou non — qui ont été les siennes, quelles que soient les périodes concernées, ait pu ignorer la réalité de ces cri-mes ; et hautement probable qu’il en a été l’un des instigateurs voire l’instigateur principal.
C’est ce constat qui fonde la plainte de M. MOSBAH devant la justice française, conformément aux dispositions du Code de Procédure Pénale française, notamment les articles 689-1 et 689-2, qui stipulent que « pour l’application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le 10 décembre 1984, peut être poursuivie et jugée » par les juridictions françaises, « si elle se trouve en France, toute personne qui s’est rendue coupable hors du territoire de la République, […] de tortures au sens de l’article 1er de la Convention », mais aussi toute personne qui s’est rendu complice de tortures (article 121-7).
Suite à cette plainte, à la demande du Parquet, une enquête a été confiée lundi 8 décembre 2003 à la Brigade criminelle. On ignore si le Général Larbi BELKHEIR est toujours présent en France à ce jour. M. MOSBAH, pour sa part, a été longuement entendu par la Brigade cri-minelle le 9 décembre 2003 et il a pu faire état en détail des sévices qu’il a subis et des raisons qui le conduisent à incriminer la responsabilité du Général BELKHEIR.
M. MOSBAH se félicite qu’une enquête ait été ordonnée et souhaite très vivement que cette enquête soit poursuivie avec la plus grande détermination, d’autant qu’il est de notoriété publique que le Général BELKHEIR ne ménage pas ses efforts pour échapper aux poursuites dont il peut être l’objet sur le territoire français, comme en témoigne notamment un article paru dans l’édition du 3 décembre 2003 du quotidien algérien arabophone El-Youm, où a été publiée une fausse information selon laquelle il serait soigné en Suisse.
M. Mehdi Mosbah se réserve la possibilité de se constituer partie civile.
William BOURDON
Avocat à la Cour
156, rue de Rivoli
75001 PARIS
Tél. 01 42 60 32 60
Voir aussi
Témoignage de Mehdi Mosbah lors du procès intenté par le général Khaled Nezzar contre l’officier Habib Souaidia pour diffamation
Dépôt d’une plainte contre le général algérien Larbi Belkheir (Libé, 11.12.03)