Le drame des cadres en détention provisoire
Certains sont en prison depuis plusieurs années
Le drame des cadres en détention provisoire
Hadjer Guenanfa, TSA, 12 novembre 2013
L’ex-directeur général de la Générale des concessions agricoles (GCA) de la région sud est décédé, mardi dernier, en prison à Ouargla où il était en détention depuis plus de six ans en attente d’un procès.
« La mort de Medjouel est dramatique dans la mesure où elle succède à près de 7 longues années d’attente, où toutes nos demandes de mise en liberté conditionnelle ont été systématiquement refusées par les trois magistrats de la chambre d’accusation », regrette son avocat, Me Kouider Gasmi, cité ce mardi 12 novembre par le quotidien El Watan.
Le cas de Chérif Medjouel vient rappeler la situation de dizaines de cadres détenus dans des dossiers liés à des affaires présumées de corruption, dont celles de Khalifa et Sonatrach. Certains attendent en prison leur procès depuis plusieurs années. Les exemples sont nombreux. Parmi eux, l’ex-PDG du Crédit populaire d’Algérie (CPA) et son fils, détenus depuis 2010. « Ils sont en détention préventive. La chambre d’accusation a rendu un arrêt de renvoi devant le tribunal criminel. Ils ont fait un pourvoi en cassation. On attend l’arrêt de la Cour suprême », explique à TSA son avocat Me Mokrane Aït Larbi.
« C’est un drame épouvantable aussi bien pour ces personnes que pour leurs familles », commente Me Farouk Ksentini, joint au téléphone. « Je ne peux que le déplorer parce qu’il s’agit de détentions abusives qui se perpétuent. C’est vraiment regrettable de voir ces détentions se prolonger depuis des années, alors que la loi est formelle : la détention provisoire ne doit pas être excessive », ajoute-t-il.
Même si les avocats tentent de lutter contre ces détentions provisoires prolongées, « les choses ne changent pas », déplore Farouk Ksentini qui dirige pourtant la très officielle Commission nationale de promotion et de protection des droits de l’Homme (CNNPDH). Dans les affaires criminelles, la détention provisoire peut aller jusqu’à 24 mois, précise-t-il. Quand il s’agit d’une affaire liée au terrorisme, elle peut durer jusqu’à 44 mois. « Mais en dehors de ces cas, la détention ne doit pas dépasser les 16 mois », affirme Me Ksentini qui parle d’abus en matière de détention provisoire.
L’une des causes du prolongement de la détention provisoire sont les pourvois en cassation devant être traités au niveau de la Cour suprême. « La Cour suprême prend du temps pour trancher sur les pourvois en cassation », explique Me Noureddine Benissad, président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’Homme (LADDH). Cette dernière s’est prononcée, à plusieurs reprises, sur cette question, rappelle-t-il. « La liberté est le principe, les détentions doivent être une exception », insiste-t-il.
Mais en matière de pourvois en cassation, les procédures peuvent durer, nuance un autre avocat. « Le délai de la détention (préventive, ndlr) pendant l’instruction est fixé par la loi. Quand la chambre d’accusation rend son arrêt et quand il y a des pourvois en cassation, le délai est ouvert », précise Me Mokrane Aït Larbi. Est-il nécessaire dans ce contexte de revoir le Code de procédures pénales ? « Là, on rentre dans le domaine politique. C’est l’affaire du législateur. La procédure est respectée par les magistrats », conclut-il.