Qui dirige la Cour Suprême ?
Risques Internationaux, N° 64, 1 novembre 2006
www.risques-internationaux.com
Nommé président de la cour suprême – la plus haute juridiction
d’Algérie – par le président Bouteflika, le 27 septembre dernier,
jour de l’ouverture de l’année judiciaire, Kaddour Berradja
est officiellement présenté comme celui qui devrait appliquer la
réforme de la Justice. Le garde des Sceaux, Tayeb Belaïz, ne
gâche, d’ailleurs, aucune occasion de faire son éloge. La presse
algérienne – notamment le quotidien Liberté du 11/10/06 – le
décrit, elle aussi, sous un jour flatteur, rappelant qu’au cours de
sa carrière, il a été président des Cours de Chlef et de Tlemcen,
puis a occupé le poste de procureur général près la Cour
d’Alger de 1989 à 1990, et a été nommé, par la suite, au
même poste, à Tizi-Ouzou, et à Blida. Il est revenu en août
2000 à la cour d’Alger, toujours en qualité de procureur général,
un poste qu’il occupa pendant six ans jusqu’à sa nomination
de septembre.
Mais, à Blida, il a laissé des souvenirs d’un tout autre ordre,
qui font penser que Kaddour Berradja est, en fait, depuis
longtemps un homme du DRS (Département Renseignement
et Sécurité) c’est-à-dire de la police politique algérienne (l’exsécurité
militaire). Selon une source fiable, il avait, alors qu’il
était procureur général de cette ville, des relations étroites avec
le chef du CTRI (le centre local du DRS) le Colonel Djebbar
Mehenna. Durant toute la guerre civile, c’est lui, en tant que
procureur général, qui autorisait le CTRI à extrader certains détenus
des prisons, pour les faire torturer, alors que ceux-ci
étaient déjà condamnés ou en attente d’un procès. Considéré
comme une relation de confiance par le CTRI de Blida, il en
aurait même profité pour faire emprisonner son propre adjoint,
Saidani Mohamed (procureur général adjoint de Blida à cette
époque). Celui-ci a, ainsi, été arrêté et incarcéré pour « aide et
assistance à groupe armé ». Il semblerait que Kaddour Berradja
souhaitait alors se débarrasser d’un témoin devenu gênant dans
ses relations d’affaires avec le Wali de Blida (à l`époque Melizi
Tahar) et le Colonel Djebbar Mehenna.
Il est intéressant de constater que la police politique continue,
en Algérie, à placer ses hommes dans les plus importantes institutions du pays ; la Cour Suprême est d’ailleurs, par excellence,
le lieu où sont traitées les affaires sensibles.