M. Charfi: «Oui, la corruption existe et la justice n’est pas indépendante»
M. Mohamed Charfi, ministre de la Justice, garde des Sceauxau Jeune Indépendant
«Oui, la corruption existe et la justice n’est pas indépendante»
Entretien réalisé par Sihem H., Le Jeune Indépendant, 28 janvier 2003
Dans un entretien accordé au Jeune Indépendant, le ministre de la Justice, garde des Sceaux, M. Mohamed Charfi a affirmé que l’indépendance de la justice dans notre pays est loin d’être consacrée. Il justifie ses propos par le fait que le magistrat ne bénéficie pas des différents éléments lui permettant de ne subir aucune influence de son environnement direct ou indirect. «Le magistrat est fragile», assure-t-il. Le ministre revient longuement sur les différentes réformes qu’il compte initier dans son secteur. Pour lui, l’Etat de droit est un processus long qu’il faut amorcer avec «une vision claire, une démarche mesurée et des objectifs quantifiés».
Le Jeune Indépendant : Quels sont les grands chantiers de réforme initiés dans le secteur ?
Mohamed Charfi : Nous avons annoncé, à travers le programme du gouvernement en 2001, qu’il y avait un programme structurel de réforme de fond axé autour de dix chantiers. Le premier porte sur la refonte de la législation civile et pénale et la révision de la loi portant statut de la magistrature et celle relative au Conseil supérieur de la magistrature. En ce qui concerne la législation civile et pénale, les premiers blocs d’amendement seront présentés au cours de la législature de printemps à l’APN. Ces amendements porteront essentiellement sur le renforcement de la présomption d’innocence en introduisant certaines dispositions, telles que des alternatives à la détention, et en réaménageant peut-être des dispositifs concernant la décision de mise en détention elle-même.
Concernant la législation civile et particulièrement les procédures civiles, nous introduirons une plus grande souplesse dans l’exercice du droit de recours et des mécanismes à même d’assurer une plus grande efficacité pour l’exécution des décisions de justice.
Ensuite, il y a une élaboration d’une loi de programmation judiciaire, sur la période des cinq années à venir, qui fixera les objectifs et qui déterminera les moyens pour les réaliser. Cette loi est prête, elle est sur le bureau du secrétaire général du gouvernement. Il y aura aussi l’élaboration d’un programme législatif qui, lui, se différencie en deux tranches. La première consiste en l’audit du dispositif juridique actuel pour l’adapter et le modifier en introduisant de nouveaux instruments législatifs pour prendre en charge les nouveaux contentieux et les nouvelles infractions apparues ces dernières années.
C’est à dire…
Je parle par exemple de la cybercriminalité, du problème du blanchiment de l’argent, du problème des nouveaux contrats électroniques…
Le quatrième axe de la réforme englobe les ressources humaines, particulièrement les magistrats. Cela, à travers une meilleure organisation de la carrière des magistrats et des professions y afférentes.
Dans ce sens, il y aura la création d’un corps de notificateurs pénaux qui s’occuperait de la notification en matière pénale pour accélérer le traitement des dossiers.
Ensuite, il y a l’adaptation des structures avec des moyens matériels et techniques à la disposition de la justice.
La justice manque-t-elle de ces moyens ?
Nous savons que l’outil informatique qui a été introduit en 1990 n’a pas eu l’effet légitimement escompté. C’était le cas dans tous les secteurs de la vie publique. L’ordinateur n’a rien fait de plus que de remplacer la machine à écrire. Or, ce n’est pas cela la modernisation. C’est pour cette raison que nous avons créé la direction générale de la modernisation ; elle sera chargée de définir les nouvelles méthodes et l’organisation du travail. Le sixième axe, c’est l’adaptation du système judiciaire, c’est-à-dire l’organisation judiciaire. La loi relative à cette organisation sera débloquée bientôt. L’actuel projet, si le Parlement l’adopte, sera adapté immédiatement après.
Pourquoi ce projet nécesserait-il une adaptation ?
Le projet d’organisation judiciaire date des années 1998. De nouvelles contraintes et de nouveaux objectifs sont apparus depuis. On est associés avec l’UE, et nous sommes sur le point d’accéder à l’OMC aussi. Les demandes et les attentes de l’économie algérienne et des citoyens en général se sont exprimées de façon accélérée ces dernières années de sorte que nous irons vers une spécialisation non pas des structures, parce que cela n’a pas de sens, mais de la spécialisation des magistrats. Le huitième axe, c’est le renforcement du rôle de la justice dans la protection de la société. Là nous parlons d’abord de l’élaboration d’un code de déontologie judiciaire. Et c’est à ce moment qu’intervient la nécessité de lutter contre le favoritisme, les passe-droits en introduisant les mécanismes nécessaires pour permettre, en toute transparence, à chacun de n’avoir que ce qui est dû. L’autre axe, c’est l’appui aux autres réformes économiques. Il faut savoir que la réforme du système de la justice n’est pas seulement celle du secteur, mais c’est quelque part la réforme de l’Etat. Il ne peut y avoir de réforme de la justice si, par ailleurs, les réformes économiques ne sont pas menées à bon terme et vice-versa. L’arbitrage qui est un instrument extraordinaire dans les réformes économiques ne sert à rien s’il n’est pas maîtrisé par les magistrats puisque la décision de l’arbitrage aura besoin de la justice pour l’exécuter. Certes, le code de commerce, nous devons le réformer et l’adapter, mais seul, il ne sera d’aucun secours pour les réformes économiques. Il doit être accompagné d’autres initiatives législatives et réglementaires qui toucheront les secteurs ciblés. Le neuvième axe, c’est la réforme pénale en générale et la réforme pénitentiaire en particulier. Il s’agit, entre autres, de trouver des alternatives à la peine. Ensuite, en cours d’exécution de la peine, nous allons introduire de nouveaux mécanismes pour mieux prendre en charge la personnalité de chaque détenu et pouvoir mieux l’aider à être réinséré dans la société. Le volet de l’action postpénal doit tendre totalement vers la réinsertion sociale des détenus. C’est toute la problématique posée par le nouveau type d’établissement de réinsertion sociale. Une idée très généreuse et avant-gardiste que nous allons mettre en œuvre dans le cadre de la coopération avec l’Organisation des Nations unies qui a considéré que la réforme, sur ce plan-là, correspond parfaitement aux principes fondateurs pour lesquels l’ONU a été créée. C’est ce que j’appelle moi la défense sociale rénovée.
Quand pourrons-nous ne plus parler de réforme ? C’est-à-dire que tout fonctionnera normalement ?
Au risque de vous décevoir, je commencerai par ce que j’ai toujours dit : une réforme n’a de raison d’être que si elle prépare déjà une autre réforme. Il faut que la réforme soit elle-même porteuse de possibilité d’adaptation et d’évolution, sinon elle sera oubliée totalement.
Et la perfection n’étant pas de ce monde, c’est une quête permanente. Si on arrêtait de réformer, cela voudrait dire qu’on est arrivé à un résultat qui nous satisfaits tous et qu’on aura atteint la cité idéale. Mais cette cité n’existe pas.
ll ne faut pas s’attendre qu’on se réunisse un jour en Algérie et qu’on se dise voilà, aujourd’hui l’Etat de droit est définitivement consacré. Il s’agit d’un processus qu’il faut amorcer et développer avec une vision claire, une démarche mesurée et des objectifs quantifiés. C’est ce que nous faisons dans le cadre du programme de réforme de la justice. Mais vous avez tout de même fixé des délais…
Evidemment. Nous avons des échéances. Le programme législatif est établi jusqu’en avril 2004.
La programmation judiciaire, elle, devra s’étaler sur cinq ans. C’est long mais c’est normal, ce sont des activités matérielles et non intellectuelles. Si cela nécessite deux ans, on ne peut pas faire autrement. La seule chose dont on est sûr, c’est que les échéances existent et elles seront respectées. C’est un agenda présenté au gouvernement et dont le ministre est comptable.
Je dois rendre des comptes auprès du chef du gouvernement.
Pourquoi avoir attendu jusqu’à maintenant pour parler de la réforme de la justice ?
On n’a pas attendu. J’étais secrétaire général du ministère de la Justice en 1989 et je suis magistrat depuis trente ans. J’ai vu naître le programme de réforme du système pénitentiaire en 1972. C’était un programme à l’avant-garde à l’époque. Aucun pays du Bassin méditerranéen n’avait un code de la réforme pénitentiaire aussi complet et aussi avant-gardiste que celui qu’avait l’Algérie. Malheureusement, il n’a pas été appliqué.
Au risque de choquer, je dirai que la véritable réforme aujourd’hui consiste à appliquer celle de 1972. Aussi, depuis 1989 on parle de l’humanisation des prisons. Elle a été retardée parce qu’on était au bord de la faillite. On n’avait plus d’argent. C’était dans une logique de priorité des besoins. Toutefois, l’important ce n’est pas de regarder maintenant ce qu’on doit faire. Après l’exécution du programme de réforme, le visage de notre justice sera tout autre.
Ce programme est inspiré du rapport Issad…
Je n’ai pas honte de le dire. Je serai flatté si l’on pouvait dire un jour que M. Charfi a mis en œuvre les recommandations de la commission de réforme. Il ne faut pas perdre de vue que c’est une commission nationale composée des meilleurs magistrats et des meilleurs avocats, et elle était conduite par un professeur qui a beaucoup de mérite. Il est vrai que c’était des recommandations qui étaient juste des orientations et non des solutions directes, mais leur application serait d’un grand secours à notre secteur.
Plusieurs prisons ne répondent plus aux normes requises dans le monde. Comment a-t-on pu atteindre un tel degré de précarité ?
On nous a appris quand on était petits que construire une école, c’est fermer une prison. C’est bien beau tout cela. Mais où est la société idéale où il n’y a pas de crimes et de délits ? Comme on a besoin d’hôpitaux et d’écoles, on a besoin aussi de prisons.
Il ne faut pas se voiler la face en disant que c’est une dépense superflue. C’est une dépense aussi socialement justifiée que celle de la construction d’un hôpital. On a des alternatives à l’hôpital ; le malade peut se soigner chez lui. Mais un délinquant si on n’a pas où le mettre, il viendra taper chez vous et vous nuire. La prison est plus justifiée que les autres infrastructures sociales. Il s’agit de neutraliser pour un certain temps les personnes qui ont démontré qu’elles peuvent être nuisibles pour la société, mais aussi et surtout de les amener à ne plus le faire. Donc, la construction des prisons n’est pas à justifier ou à défendre. C’est une nécessité.
Quel est votre programme dans ce sens ?
Dans le cadre de la loi de programmation judiciaire, il est prévu qu’au niveau de chaque tribunal un établissement de prévention et un établissement de rééducation devant chaque chef-lieu de cour.
On pourra assurer cela peut-être dans cinq ou huit ans. Mais l’essentiel, c’est que c’est inscrit dans le cadre de ladite loi. Cela va certes coûter beaucoup d’argent, mais c’est indispensable pour avoir un système équilibré. L’essentiel, c’est de poser le principe. Il faut qu’on accepte que chaque tribunal ait en face de lui un commissariat, une brigade de gendarmerie et un établissement de prévention. Ces quatre éléments marchent ensemble. Il ne peut pas y avoir de justice autrement. Si on adopte ce principe, on aura la paix pour toute la vie puisque l’Etat sera présent et la société sera bien servie. La détention préventive est déjà assez considérée comme une sanction avant terme. Il faut alléger au maximum la détention.
Peut-on s’attendre à un retrait de la loi organique portant organisation judiciaire après les décisions de la commission paritaire ?
Je ne peux pas préjuger de la décision que va prendre le Parlement avant le débat public. Mais je pense que c’est la conclusion contraire qui sera prise. La commission paritaire est arrivée à une formule consensuelle que le Parlement dévoilera au cours du débat public. Il appartiendra aux deux chambres du Parlement de dire quel est leur point de vue, mais de toute manière en ce qui concerne le ministère de la Justice, il est prêt à toutes les éventualités. Comme il a été prêt à toutes les éventualités concernant le statut de la magistrature. Quelle que soit la décision du Parlement, l’alternative est entre mes mains. Soit pour présenter le nouveau code ou les amendements nécessaires. Donc, je ne serai pas surpris.
Comment justement le code de la magistrature a-t-il été rejeté par le Conseil constitutionnel ?
Le statut de la magistrature n’a pas été rejeté en tant que tel par le Conseil constitutionnel. Cette institution a considéré que les procédures suivies pour son adoption et la forme choisie dans le cadre de l’initiative législative, à savoir une loi alors qu’il en fallait deux, étaient inconstitutionnelles.
En réalité, cela était prévisible parce qu’en 1998 le syndicat de la magistrature avait lui-même dit que c’était inconstitutionnel de mettre une loi pour les deux thèmes.
Donc l’analyse de la Constitution montre qu’il y a une lecture possible qu’il faut deux lois, comme il y a une lecture possible qui dit qu’une loi est possible. La lecture qui prévaut constitutionnellement est celle du Conseil constitutionnel Le ministère de la Justice en a pris acte, et j’ai introduit deux lois, l’une sur le statut de la magistrature et l’autre sur le Conseil supérieur de la magistrature, qui vont être soumises au Conseil du gouvernement le 2 février prochain. Donc, il n’y pas de problématique dans ce sens. La problématique qui se pose aujourd’hui, c’est celle de l’alternative que j’ai présentée. Certains cercles reprochent au système judiciaire l’inexistence de la liberté conditionnelle et de la liberté sous caution…
La libération conditionnelle est prévue par la loi depuis 1972, et il y a des organes au niveau de l’administration pénitentiaire qui proposent au ministre des mesures pour ce genre de libération. Par définition, ce sont des mesures adaptées à la personnalité des détenus. Par exemple, un état de santé précaire ou encore poursuivre des études, mais cette condition ne peut être satisfaite que si le détenu a purgé une partie de sa peine. C’est vrai qu’elle n’est pas suffisamment utilisée. Cela veut tout simplement dire qu’il n’y a pas suffisamment de détenus qui sont éligibles. Pas seulement d’une manière mécanique. Cela veut dire aussi que c’est le système de rééducation, lui-même, qu’il faut revoir. Il faut aussi reconnaître que les mécanismes de détection des détenus qui peuvent bénéficier de cette mesure ne sont pas parfaits.
Et pour la liberté sous caution ?
Pour la libération sous caution, il y a deux courants d’idée. Il y a ceux qui disent que cela existait en Algérie jusqu’en 1981 avant d’être supprimé parce qu’on considérait que c’était défavorable pour les Algériens. On disait alors que c’était une justice à deux vitesses. Il ne faut pas que quelqu’un, qui peut se permettre de payer sa caution, peut bénéficier de la liberté et qu’un autre qui n’en a pas les moyens ne puisse pas bénéficier de cette mesure.
Elle était considérée comme une condition supplémentaire.
D’autres disent non. On élargit la panoplie du juge d’instruction en lui donnant plus de flexibilité pour lui permettre de mettre quelqu’un en liberté. Entre les deux points de vue, nous verrons quel est celui qui est majoritaire et qui requiert l’adhésion de la majorité des magistrats. S’il faut qu’on l’introduise dans le code de procédure pénale, personnellement je n’ai aucun préjugé ni aucun parti pris en faveur de l’un ou de l’autre point de vue. Seulement, une situation qui existait et qui a été supprimée, il faut justifier son retour.
En tant que premier responsable du secteur, pensez-vous que la justice est réellement indépendante ?
Il faut d’abord s’entendre sur ce que veut dire l’indépendance de la justice. S’il s’agit d’une indépendance mécanique entre les différentes institutions dans le cadre de la logique de la séparation des pouvoirs, je vous dis, dès à présent, que l’indépendance est formelle. Si on la considère en tant que telle, cela voudra dire qu’elle est un contre-pouvoir. Ce qui n’est pas le cas. Si on prétend que c’est un contre-pouvoir, cela voudra dire que vous acceptez que le pouvoir lutte pour la brouiller. Il est donc impératif de soustraire la justice de ces logiques et de la placer au-dessus de ces contingences.
Pour moi, l’indépendance de la magistrature, c’est autre chose.
La justice est une vertu qui transcende le pouvoir puisque la justice est appelée à juger les appareils de l’Etat à tous les niveaux.
A ce moment, l’indépendance de la justice voudra dire la justice de la conscience. C’est-à-dire un juge qui n’est pas soumis à l’influence de son environnement personnel direct et qui ne juge pas par les sentiments ou par une tentation matérielle, politique ou encore par une tentation idéologique d’une façon générale. C’est aussi un juge qui n’est pas soumis à son environnement indirect, c’est-à-dire l’administration. En d’autres termes, le juge qui n’a pas besoin de tendre la main pour avoir son logement, son véhicule ou encore les autres avantages dont les citoyens disposent. S’il doit tendre la main, c’est qu’il y a marchandage et contrepartie.
L’indépendance, c’est aussi un juge qui ne doit sa carrière qu’à des critères objectifs gérés par un organe objectif, qui ne subit ni l’influence des magistrats humains ni celle de la magistrature. Dans ce sens, il faut qu’il y ait un organe placé sous la responsabilité du président de la République directe et qui sera composé de gens élus par le magistrat et des personnalités désignées par le président de la République en tant que garant de la Constitution.
En somme, pour moi, l’indépendance de la justice, c’est un juge qui n’a peur que d’être un mauvais juge.
Vous voulez dire que l’indépendance de la justice n’est qu’une illusion…
Je vous dis que le juge n’est indépendant que lorsqu’il sait qu’il n’a rien à craindre de rien et de personne. Et dans les conditions actuelles, on n’en est pas encore là. On ne peut pas demander à un magistrat qui dort dans les bains maures et qui fait du stop pour aller à son lieu de travail d’être indépendant. Ce n’est pas cela le magistrat qui est censé nous protéger puisqu’il est fragile. Le statut que je présente a justement pour objet d’éliminer cette fragilité. J’œuvre pour lui donner les conditions de son indépendance, mais aussi de mise en œuvre de sa responsabilité. Parce que autant vous le consolidez, autant il faut éviter qu’il devienne un super dieu. Il doit être comptable devant la société. Sur un autre plan, vous ne pouvez pas parler d’indépendance avec des magistrats incompétents ; c’est comme si vous donniez une arme à une personne qui ne sait pas l’utiliser et au lieu de vous défendre, elle risque de vous tuer. La justice est une arme trop redoutable pour être confiée à des incompétents.
On parle de plus en plus de généralisation de la corruption dans l’appareil judiciaire. Que comptez-vous faire pour combattre ce phénomène ?
Je parlais tout à l’heure de fragilité. C’est le mécanisme actuel qui fait que les magistrats ont recours à ces malversations.
Mais rien ne justifie la corruption…
C’est vrai. Ce n’est pas le niveau du salaire qui doit fixer un bon juge. Il y a encore des magistrats honnêtes, nous les connaissons, et avec un salaire misérable ; ils ont toujours gardé leur dignité. Toutefois, si on donne à un magistrat un statut différent des autres citoyens, celui-ci doit être à la hauteur de ce statut. J’ajouterai à cet effet que indépendance égale conscience. Mais les cas de corruption retenus seront évidemment sanctionnés.
Dans ce sens, je m’adresserai aux magistrats pour leur dire que même dans la misère, ils doivent rester seigneurs. Ils ne doivent rien attendre de la société. Les citoyens, eux, doivent éviter de mettre la main à la poche et de traiter leurs affaires dans les recoins du tribunal alors que cela doit se faire dans la salle d’audience.
La délivrance de récépissé pour les titres de presse, à quelques exceptions près, est bloquée depuis plus de trois ans…
Je vous étonnerai en vous disant que je viens de voir le procureur signer un récépissé pour un nouveau titre de presse ! C’est dire qu’il n’y a pas de décision systématique de blocage. Il y a peut-être des problèmes pour certains titres qui leur seront notifiés, mais sans plus. C’est un retard comme dans les autres affaires. Il y a des affaires qui sont aujourd’hui renvoyées à 2007 à la cour d’Alger. D’ailleurs, je tiens à annoncer qu’un programme de sauvetage pour la cour d’Alger, visant à résorber ces retards, sera mis en œuvre prochainement.
Quel a été le résultat des rapports des enquêtes après la série d’incendies qui ont touché plusieurs pénitenciers du pays ?
Les auteurs matériels et directs de ces incendies ont été identifiés et sanctionnés. Je tiens à rassurer que cette enquête a catégoriquement écarté l’éventualité de la complicité d’une main extérieure à ces établissements.
Les détenus de la Kabylie attendent d’être jugés depuis plusieurs mois. Pourquoi ce retard ?
Ces détenus eux-mêmes refusaient d’être jugés. Ce n’est que récemment qu’ils ont repris contact avec les magistrats. La justice a besoin de sérénité et n’a pas intérêt à fonctionner dans la tourmente. Il y a quelques jours, ce qui se passait dans la région ne leur était pas favorable. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y aura aucune interférence et les magistrats jugeront ces affaires en leur âme et conscience. Dans la crise qui touche la Kabylie, j’estime que chaque partie qui peut apporter une pierre au dialogue doit le faire. S. H.