Cadres injustement incarcérés: Le gouvernement va indemniser les victimes
par Z. Mehdaoui, Le Quotidien d’Oran, 26 avril 2016
Le gouvernement serait en passe de procéder à l’indemnisation financière de tous les cadres incarcérés injustement pour des faits qui n’ont jamais été prouvés.
La décision aurait été prise par le Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Ce dernier, avons-nous appris de sources fiables, serait sur le point d’installer une commission pour étudier, au cas par cas, les cadres emprisonnés, dont certains n’ont jamais été jugés.
Cette information, si elle venait à être confirmée, serait un véritable camouflet à l’endroit de tous ceux qui avaient assumé la responsabilité de la détention de centaines de cadres algériens durant des années, sans jugement ni relaxe. Certains d’entre eux, faut-il le rappeler sont décédés en prison sans jamais avoir été déférés devant une juridiction, ce qui constitue du point de vue de la loi, une injustice caractérisée et renseigne sur l’instrumentalisation de la justice par l’exécutif, notamment.
Il y a quelques jours, le président du conseil consultatif de promotion et de protection des droits de l’homme (CCPPDH), Farouk Ksentini, a clairement signifié que l’institution judiciaire devait reconnaître ses erreurs en ce qui concerne tous les cadres incarcérés sans fondement de culpabilité. M. Ksentini, qui s’exprimait sur les ondes de la radio chaîne 3, avait plaidé en ce sens pour une » réparation et une réhabilitation morales » afin que ces cadres » continuent à vivre et à survivre « .
Le président de la CCPPDH, connu pour son opposition au recours systématique de la justice au » mandat de dépôt » qui dure de longues années, a déclaré que la réglementation et la limitation de la détention préventive est un acquis » fondamental « . Il appelle au passage au respect de la liberté individuelle afin que la dignité d’une personne ne soit plus exposée à quelque danger que ce soit. » Le juge ne doit obéir qu’à la loi et à sa conscience « . Un magistrat, rappelle-t-il, » ce n’est pas un fonctionnaire, ni un domestique « , mais quelqu’un qui est chargé d’appliquer la loi et de protéger le droit du citoyen, sa liberté et la protection de son patrimoine.
Réhabilitation des cadres, le cheval de bataille du FLN
Le FLN, sous Amar Saadani, a fait également de la » réhabilitation » des cadres incarcérés sans jugement son cheval de bataille.
Même si en toile de fond, c’est Ahmed Ouyahia qui était dans le viseur de Amar Saadani pour avoir été derrière les premières arrestations et détention des cadres dans les années 1990, il n’en demeure pas moins que le FLN est le premier parti politique à revendiquer sans équivoque que justice soit rendue à tous ces hauts fonctionnaires détenus.
» Nous exigeons une amnistie générale en faveur de toutes nos compétences qui ont été jetées de façon arbitraire en prison sur une simple lettre ou une observation. Le temps est venu pour réparer ces injustices « , avait réclamé le secrétaire général du FLN lors d’une récente sortie.
Amar Saadani invite la justice à rouvrir les dossiers et à prendre des mesures « courageuses » et « audacieuses », car il est inadmissible, selon lui, qu’on mette quelqu’un en prison pendant 20 ou 30 ans alors qu’il est « innocent ». À ses yeux, ceci s’apparente à une « machination » qui visait avant tout l’Algérie. « Après tout, c’est notre pays qui en pâtit puisqu’il ne peut pas profiter de ses compétences, et Dieu seul sait combien nous en avons besoin. Malheureusement, des forces occultes les ont brisées ou marginalisées. Il est temps donc de réhabiliter ces gens, de leur rendre la dignité après tout ce qu’ils ont enduré. Certains ont même bénéficié de l’acquittement après plusieurs années passées en prison. C’est quoi ce comportement ? Est-ce cela l’État de droit ? Assurément pas. Il faut que les choses bougent, ça ne peut pas durer comme ça « , a-t-il promis en s’appuyant de ce fait sur la nouvelle Constitution qui est appelée, à en croire ses dires, à instaurer la deuxième République. » Ce texte fondamental va être le socle de la démocratie, du respect des libertés, de l’édification de l’État de droit, de la consécration de l’indépendance de la justice et de la séparation des pouvoirs. La loi sera réellement au-dessus de tous. Certains pensent que c’est une utopie, mais c’est ça la réalité », a soutenu le SG du Front de libération nationale qui appelle, dans la foulée, ses cadres et ses militants à plus de mobilisation et de sensibilisation.
La revendication du FLN de redorer son blason à la justice algérienne est louable. Des centaines, voire des milliers de cadres ont terriblement souffert en prison. Des familles entières ont été tout simplement brisées et disloquées à cause de l’incarcération sans jugement de leurs proches.
Le FLN, qui reste la première force politique du pays, veut-il réellement l’instauration d’un véritable Etat de droit ou veut-il simplement régler ses comptes avec d’autres clans au pouvoir ? La question mérite d’être posée, sachant que depuis l’indépendance du pays c’est toujours le clan le plus fort au pouvoir qui nomme, qui dégomme, qui décide et qui instrumentalise toutes les autres institutions, en contradiction avec la constitution et toutes les autres lois de la République.
La deuxième question qui mérite également d’être soulevée c’est le cas des cadres morts en prison sans être jugés. L’argent pourra-t-il réhabiliter ces Algériens victimes de lutte de clans qui ont perdu ce qui qu’ils ont de plus cher, leur vie ?