Assassinat des moines de Tibhirine : Interview avec Karim Moulai, l’ancien agent secret qui accuse le DRS

Assassinat des moines de Tibhirine : Interview avec Karim Moulai, l’ancien agent secret qui accuse le DRS

KalimaDZ, 19 septembre 2011

Dans le crime des moines, devenu une affaire d’Etat, deux versions s’affrontent. Celle qui implique les islamistes du GIA dans l’enlèvement puis l’assassinat des sept religieux et la seconde qui impute le crime aux services secrets algériens, le DRS (Département de la sécurité et de la recherche).

Le journaliste Jean-Baptiste Rivoire, auteur de plusieurs enquêtes sur le sujet, publie un livre « Le crime de Tibhirine, révélations sur les responsables » (éditions La Découverte) et a réalisé un documentaire « Le crime de Tibhirine » qui est diffusé par la chaîne française câblée Canal+ le lundi 19 septembre. Le documentaire s’appuie en grande partie sur le témoignage de Karim Moulai, ancien agent de la sécurité militaire algérienne devenue ( DRS) qui a trouvé refuge depuis 2001 en Écosse.

Dans son témoignage sur l’affaire de Tibhirine, il accuse le DRS d’avoir torturé et assassiné les moines dans l’enceinte même de la caserne du CTRI (Centre territorial de recherche et d’investigation) à Blida. Depuis l’annonce de la diffusion du documentaire, des journaux algériens rejettent la thèse de l’implication du DRS et évoquent la présence d’un émissaire français auprès du chef du GIA, qui aurait malencontreusement précipité les choses.

Pour en savoir plus KalimaDZ a posé des questions à Karim Moulai pour tenter de comprendre comment il a pu obtenir ces informations :

Vous accusez dans le documentaires les services secrets algériens d’avoir torturé et assassiné les moines dans la caserne du CTRI à Blida alors que vous étiez basée à Ben Aknoun ? Comment expliquez vous avoir eu accès à ces informations ?

J’étais, en effet, basé à Ben Aknoun mais il y avait une très grande coordination entre Blida et Ben Aknoun. L’un de mes supérieurs est devenu le chef du DCSA ( la sécurité de l’armée) à Médéa de la fin 1995 à l’automne 1996. A ce titre, il participait à la coordination des opérations entre Ben Aknoun et Blida. J’allais souvent, avec mes chefs, à Blida au CTRI ainsi qu’à Médéa dans la caserne du DCSA. J’y croisais la totalité des officiers et j’étais présent lorsqu’il y avait des réunions. J’étais en contact direct avec les officiers soit la bas sur place, soit lorsqu’ils venaient également à Ben Aknoun.

Quant à mon témoignage sur l’assassinat, je le tiens directement de membres du commando qui l’ont exécuté. Quatre d’entre eux, étaient des types avec qui je travaillais. Je vivais avec eux. On partageait beaucoup de choses. Ils ne m’ont rien dit avant, ils m’ont parlé après. Ils m’ont dit ils l’ont fait. On les a tués. A l’intérieur du CTRI de Blida.

Pourquoi, selon vous, le DRS prendrait le risque d’emmener les moines à l’intérieur d’un caserne, s’il manipulait, comme vous le dites, Djamel Zitouni ?

Au début, les négociations étaient gérées par le DRS et la DST française. A partir de la mi-avril, les français ont eu des doutes sur le comportement des services secrets algériens. La DGSE est alors entrée en piste et a envoyé un homme prendre contact directement avec le GIA de Zitouni. Quand le DRS l’a appris il y a eu une panique. Le DRS craignait que la DGSE ne se rende compte que Zitouni travaillait, en fait, pour les services secrets algériens et comprennent qu’ils étaient eux mêmes derrière l’enlèvement des moines. Il y a eu une cellule de crise au CTRI pour éviter une catastrophe. le DRS prend alors la décision de ramener les moines vers la caserne du CTRI de Blida.

Des journaux algériens, évoque l’envoi d’un émissaire français pour négocier directement avec Zitouni. Ce serait lui, selon cette version, qui aurait précipité les évènements. Pourtant, dans votre témoignage, vous n’évoquez à aucun moment cet émissaire français.

Cette histoire de l’émissaire qui serait allé au maquis pour rencontrer les moines et même Djamel Zitouni, c’est de la pure affabulation. Comment imaginer un agent de la DGSE, monter au maquis rencontrer Djamel Zitouni, alors que la région est quadrillée par l’armée et que tous les agents français sont sous stricte surveillance.

Vous prétendez connaître les noms de quatre des membres du commando qui auraient, selon votre version, participé à l’assassinat des moines.

Oui, je connais les noms de quatre des membres du commando qui ont participé aux meurtre des moines. Ils faisaient partie de l’escadron de la mort, 192, de Ben Aknoun. Quand je dis je connais les noms, je parle des vrais noms et non pas des pseudo. Je suis disposé à témoigner et à communiquer les noms et les informations à la justice.

KalimaDZ