P. Baudouin: « Un certain nombre d’invraisemblances »
Algérie : Alors qu’une plainte a été déposée à Paris par des proches des moines de Tibéhirine, un « témoin-clé » nous livre sa vérité
Patrick Baudouin, avocats des plaignants de Tibéhirine
« Un certain nombre d’invraisemblances »
Lakhdar Belaid, France Soir, 25 février 2004
1 Pourquoi déposer plainte huit ans • après les faits?
A l’époque, il y a une version officielle. L’imputation totale de ces actes aux seuls islamistes. En 1996, déjà, il y a eu des interrogations. Cette version était suspectée de ne pas être crédible. Depuis, un certain nombre de présomption tendent à la remettre en cause. Des témoignages rejoignent plusieurs invraisemblances déjà relevées dans le dossier de Tibéhirine. Aujourd’hui, il existe au moins des indices justifiant l’ouverture d’une information judiciaire. Il ne s’agit pas de substituer une vérité à une autre. Mais la version officielle ne me paraît pas crédible dans son simplisme. Dans une guerre, les infiltrations sont chose commune. Mais si les infiltrations sont parfois allées jusqu’à la manipulation…
2 Un témoin comme Abdelkader Tigha est-il crédible?
Tigha est l’un des témoins importants. Parmi les plaignants, il y a une famille qui n’a pas fait son deuil de cette affaire et reste très interrogative. Il y a également l’ancien procureur général de l’ordre des cisterciens. Au moment de l’enlèvement, le père Armand Veilleux s’est immédiatement rendu à Alger. Il en est revenu avec beaucoup d’interrogations. Ses impressions, ses déductions rejoignaient assez largement les révélations de Tigha. Et le père Veilleux est quelqu’un de très sérieux. Enfin, Tigha n’est pas le seul témoin. D’autres anciens membres de l’armée algérienne se sont exprimés. Nous avons entendu l’ancien capitaine Chouchane. L’ex-colonel du DRS Mohamed Samraoui a publié des révélations. Celui-ci démontre l’implication des services algériens dans de nombreuses affaires. Sans oublier les propos de l’ancien émir Belhadjar du GIA. Je souhaite que Tigha soit entendu, mais avec beaucoup d’autres. Y compris du côté français.
3 A Alger, Abdelkader Tigha est présenté comme un dealer de drogue et un receleur…
On peut trouver curieux que ces accusations contre lui sortent aujourd’hui. Comme par hasard au moment du dépôt de la plainte et quand le témoignage de Tigha est évoqué. Depuis quelques jours, la presse algérienne véhicule une véritable campagne de calomnie, entre autres contre Tigha et moi. Pourquoi une telle réaction? S’agit-il de contrecarrer une plainte qui gène?
Propos recueillis par L. B.