Tibhirine: Alger confisque les preuves

Tibhirine: Alger confisque les preuves

Par Jean-Baptiste Rivoire, Tibhirine, le 23 octobre 2014

Le 23 octobre 2014, à Paris, l’avocat des familles des moines de Tibhirine, Maître Patrick Baudouin, entouré de Françoise Boegeat, nièce du frère Luc Dochier et d’Elisabeth Lebreton, soeur de Frère Christophe, a dénoncé l’attitude des autorités algériennes. En refusant que Le juge Trévidic examine, en Algérie ou en France, les prélèvements effectués sur les têtes des moines, Alger “confisquerait des pièces clé de l’enquête”.

Une situation d’autant plus troublante que les premiers élements recueillis par les experts Français tendraient à contredire la version officielle (égorgement des moines par le GIA le 21 mai 1996) sur deux points clé:

-La date de la mort: l’examen des crânes laisserait penser qu’il s’est passé plus que 8 jours entre la date de la mise en bière des crânes (au plus tard le 29 mai 1996) et la date de la mort (officiellement, le 21 mai 1996, selon le communiqué signé GIA). En clair, les moines auraient été tués avant le 21 mai 1996. Si ces premières constatations se confirmaient, cela viendrait à l’appui de l’un des témoignages versés au dossier, celui de l’ancien informateur du DRS Karim Moulai, qui a déclaré en septembre 2011 sur Canal plus et en 2012 devant le juge Trévidic que les moines avaient été exécutés par des collègues du DRS “dès la fin avril 1996” et non pas le 21 mai.

-Les causes de la mort: l’examen des crânes laisserait penser que les moines ont été décapités post-mortem. Or les autorités Algériennes ont toujours affirmé (sur la foi du communiqué signé GIA du 21 mai 1996), qu’ils avaient été “égorgés”. Là encore, si elles étaient confirmées, ces premières constatations iraient dans le sens d’une exécution par un autre mode que celui admis jusque là, avec une décapitation post-mortem de nature à faire croire à la thèse de l’égorgement islamiste. En clair, un maquillage des vraies causes de la mort.

Le refus d’Alger que le juge Trévidic puisse examiner les prélèvements effectués sur les crânes est problématique pour une troisième raison. Seuls, ces prélèvements permettraient de s’assurer que les sept crânes entreposés par les autorités Algériennes dans les cercueils fin mai 1996 sont bien ceux des sept moines de Tibhirine.
Pour mémoire, quand leur supérieur, le père Armand Veilleux, avait obtenu, à force d’insister, le droit d’identifier ces sept crânes, il avait eu des doutes sur au moins deux d’entre eux. Fin mai 1996, deux crânes ont-ils été remplacés dans les cercueils pour éviter de laisser apparaître des indices troublants? seul, l’examen approfondi des prélèvements permettrait d’en avoir le coeur net. Mais une fois de plus, pour des raisons inexpliquées, Alger entrave l’enquête du juge Marc Trévidic. Jusqu’à quand?