El Para aux enquêteurs du DRS
Les révélations de Abderrezak
El Para aux enquêteurs du DRS
El Watan, 12 décembre 2014
Amari Saïfi, alias Abderrezak El Para ou Abou Haydara, ex-parachutiste ayant déserté les rangs de l’armée pour se joindre au Groupe islamique armé (GIA) dès la constitution des groupes terroristes en Algérie, extradé du Tchad vers l’Algérie en octobre 2004 au terme d’une médiation d’El Gueddafi, n’a, depuis, jamais été jugé.
Cependant, il a été interrogé à maintes reprises par la police judiciaire des services de renseignement (DRS) dans le cadre de l’enquête préliminaire le concernant. Des sources concordantes, proches du dossier, révèlent certaines de ses réponses lors de ses interrogatoires, où il reconnaît avoir reçu une rançon de 5 millions de dollars de la part de l’Allemagne – ce pays avait toujours nié lui avoir versé de rançon – en contrepartie de la libération, en août 2003, de 14 touristes (9 Allemands, 4 Suisses et un Néerlandais).
Au cours de son interrogatoire, Amari Saïfi a reconnu que l’ANP avait déjà réussi à libérer 18 autres touristes enlevés par Abou Haydara et ses acolytes – ils étaient au départ 32 touristes à avoir été enlevés, en 2003, par les terroristes dans le Sud algérien. «Mon intention n’était pas d’effectuer un rapt. C’est au cours de notre déplacement que nous avons rencontré, par pur hasard, ces touristes et c’est à ce moment-là que m’est venue l’idée de les enlever pour demander une rançon en contrepartie de leur libération», a expliqué Amari Saïfi. «Je venais de créer la katiba Tarik Ibn Ziyad et je comptais une quarantaine d’éléments. Cette même katiba a été convoitée par la suite par l’actuel émir national du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), devenu Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI), ennemi juré de Hassan Hattab dont j’étais proche», ajoute El Para.
«Dès l’enlèvement de ces touristes, nous avons été traqués par l’armée qui a pu en libérer 18. Nous avons décidé de prendre la fuite avec les 14 autres touristes en nous réfugiant au nord du Mali, sachant que l’armée se refuse d’entrer dans le territoire d’un autre pays», a précisé aux enquêteurs Amari Saïfi, ancien «émir» de la zone 5 du GSPC né d’une dissidence, en 1998, du GIA. C’est peut-être de là qu’est venue aux terroristes l’idée de se retrancher au nord du Mali et d’y établir leur quartier général.
Argent
C’était en 2003. Les conditions de vie des plus difficiles dans cette partie du nord malien et les liens tissés par Mokhtar Belmokhtar avec certaines tribus auraient facilité les choses pour El Para et ses acolytes. «Nous nous sommes démarqués du GIA qui commettait des massacres contre les populations, en créant le GSPC, en 1998, avec Hassan Hattab et Mokhtar Belmokhtar (alias Khaled Abou El Abbès). Le départ de Hassan Hattab du GSPC s’explique par sa volonté de se repentir, mais également par son souhait d’échapper à Abdelmalek Droukdel (alias Abou Mossaab Abdelouadoud) qui, plus tard, a cherché à l’éliminer, à éliminer Khaled Abou El Abbès et à m’éliminer moi-même pour le contrôle de la katiba Tarik Ibn Ziyad», a également confié Amari Saifi.
Pour cet ancien «émir» de la zone 5 du GSPC, «Abou Mossaab Abdelouadoud, devenu ‘émir’ national de cette organisation terroriste, s’est intéressé à la katiba Tarik Ibn Ziyad après l’obtention de la rançon de 5 millions de dollars. C’était pour des questions d’argent que des ‘émirs’ du GSPC s’affrontaient». A en croire Abou Haydara, Abdelmalek Droukdel voulait placer à la tête de cette katiba un homme à lui, en la personne de Abdelhamid Abou Zeid – éliminé, rappelle-t-on, il y a plusieurs mois, par les armées française et tchadienne au nord du Mali.
Les «émirs» du GSPC et d’AQMI se faisaient la guerre pour l’obtention des rançons. C’est à partir de là que les enlèvements de ressortissants étrangers ont augmenté en nombre et en rythme. Ce qui se passait également entre «émirs» du GIA. Amari Saïfi a également évoqué les procédés utilisés pour l’achat d’armes et de munitions au Mali et au Niger avec l’argent des rançons. L’enquête préliminaire concernant El Para n’étant pas encore arrivée à terme, ce dernier n’a toujours pas été jugé bien qu’il soit cité dans plusieurs affaires programmées pour audience. Le ministre de la Justice, Tayeb Louh, s’est contenté de déclarer, le 4 décembre, que l’affaire El Para «est devant la justice qui doit se prononcer à son sujet».
Sofiane Abi