Code de la famille: Bouteflika tranchera au printemps
RÉVISION DU CODE DE LA FAMILLE
Bouteflika tranchera au printemps
El Watan, 25 janvier 2003
Le code de la famille a été au centre des débats jeudi à l’Institut national de la magistrature (INM) à Alger. Des magistrats et des personnalités religieuses se sont penchés sur la question et ont tenté d’expliquer et de justifier les incohérences et les contradictions d’un texte de loi qui est loin d’assurer «la cohésion familiale». Objectif visé par les politiques lors de son élaboration et son adoption en juin 1984.
Boutheina Cheriet, ministre déléguée chargée de la Famille et de la Condition féminine auprès du chef du gouvernement, a tenu à préciser, lors de son intervention à l’ouverture des travaux par M. Ksentini de la journée d’étude organisée par la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’homme (CNCPPDH) dont il est président, qu’il fallait situer le débat dans le contexte actuel de la société algérienne avec toutes ses contradictions et ses mutations. Comme elle a indiqué que le débat devait être mené «dans la sérénité et loin de toute polémique. Car ce débat concerne la famille et non la femme.» Toute la confusion est là. Les interventions et le débat ont d’ailleurs porté justement sur ces questions à travers les thèmes choisis par les organisateurs, à savoir le «Consentement de la femme au mariage et le rôle du tuteur dans l’acte de mariage», «Le droit de l’épouse à la rupture des liens du mariage», «Les conséquences du divorce» et «La garde des enfants». Professeur en droit à l’université de Constantine et membre de la CNCPPDH, Souad Bendjaballah a relevé, à travers sa communication intitulée «Le code de la famille, et le droit comparé», les contradictions dans les textes de lois et dans le code de la famille, notamment concernant le consentement de l’épouse et le rôle du tuteur dans l’acte de mariage. Elle a rappelé que ce code de la famille a été élaboré dans un contexte exclusivement politique, celui de «penser élaborer un texte de rupture avec la loi coloniale régissant le statut personnel, mais sans fondements. On ne sait pas ce qu’il vise», a-t-elle souligné. Pour l’universitaire, la réforme du code de la famille est obligatoire en raison des nouvelles mutations de la société dictées par la mondialisation. Elle recommande sa modernisation suivant les changements qui s’opèrent au sein de la société algérienne. «Le corps des magistrats compte près de 27 % de femmes. Elles prononcent le divorce des autres femmes mais elles sont contraintes à la présence d’un tuteur pour établir leur acte de mariage», a-t-elle relevé en indiquant que le législateur doit éclairer le rôle du tuteur qui est l’élément constitutif du mariage. «Lorsqu’il s’agit de divorce, le tuteur est absent. Aucune loi n’oblige sa présence. L’épouse doit bénéficier de garanties lors de son consentement au mariage et le législateur doit établir des garanties dans le cas d’une éventuelle codification claire et précise des préceptes de la charia», a-t-elle ajouté. Laouarmi Allaoua, président de la Chambre du statut personnel auprès de la Cour suprême, a quant à lui relevé que la loi islamique interdit le mariage forcé et autorise l’annulation de l’acte de mariage qui «ne peut être établi sans le consentement de l’épouse». Mais, soutient-il, les traditions et la morale dans la société algérienne interdisent à la femme mariée de force le recours à la justice. Il fait état d’un seul cas d’une jeune fille dont le père s’opposait à son mariage, traité par la Cour suprême. Le droit au divorce dans le code de la famille et le droit comparé, souligne Amari Mohamed, membre de la CNCPPDH, est consacré par la charia en faisant référence au Khol’. Il estime que le code de la famille est victime d’une accusation à tort «alors qu’il est inspiré de la charia», a-t-il noté. La dernière intervenante, Leïla Zerouki, expert au sein de la Commission de la promotion des droits de l’homme auprès de l’ONU, a mis l’accent sur les contradictions dans les textes de lois algériens par rapport aux conventions internationales ratifiées par l’Algérie. Elle cite, entre autres, la Convention de Copenhague signée sous réserves. La juriste a également relevé la dichotomie dans les lois internes, à savoir la Constitution, le code de la famille et le code de la nationalité en matière d’égalité. A noter que les travaux de cette journée seront sanctionnés par des recommandations. Lesquelles seront contenues dans le rapport national de la CNCPPDH qui devra être soumis avant le 31 mars prochain au président de la République. Il pourrait, selon certaines indiscrétions, promulguer la loi par ordonnance.
Par Djamila Kourta