Les 16 articles de la discorde

DJABALLAH, A PROPOS DE LA REVISION DU CODE DE LA FAMILLE

Les 16 articles de la discorde

Le Quotidien d’Oran, 8 septembre 2004

Fortement imprégnée de juridisme et de fiqh (jurisprudence musulmane), la conférence de presse organisée par Abdallah Djaballah a été, essentiellement, consacrée à la critique et au rejet des 16 points parmi les 36 que compte le projet de révision du code de la famille.

Pour l’essentiel, les critiques du mouvement El-Islah sont concentrées sur les questions relatives à la polygamie, au tutorat, à la place accordée au juge dans le projet de loi, à la garde des enfants, à l’obligation faite à la femme de participer aux dépenses du foyer, au divorce et aux conditions de l’annulation du mariage.

Djaballah entame son plaidoyer par critiquer «le pouvoir exorbitant accordé dans le projet de loi au juge dans des affaires qui concerne, pourtant, le droit privé, comme la polygamie et le divorce». Par ailleurs, il considère qu’«assujettir la polygamie à l’accord de la première épouse et de la future, ainsi qu’à l’appréciation du juge, équivaut à son interdiction pure et simple». Il considère qu’il ne peut y avoir d’Ijtihad sur cette question «à partir du moment où il existe un texte coranique clair et précis autorisant la polygamie sous certaines conditions». Concernant la suppression du «tuteur» (ouali, que certains traduisent par «garant») pour le mariage de la jeune fille, dont la majorité a été ramenée à 19 ans, l’orateur explique longuement que la commission de réforme du code de la famille «ne s’est même pas conformée au rite de l’imam Abou-Hanifa sur cette question, mais aux résolutions du congrès de Pékin de 1995».

A propos des autres dispositions litigieuses, Abdallah Djaballah dénonce «l’obligation faite aux femmes (art. 36 du projet) de participer financièrement au foyer», considérant qu’il s’agit-là d’une «charge supplémentaire très contraignante pour l’épouse». Il rappelle qu’en Islam, «c’est l’homme qui doit subvenir aux besoins matériels de son épouse et de ses enfants». Par rapport à la garde des enfants, tout en considérant logique que ce droit soit accordé, en premier, à la mère, le président d’El-Islah regrette que la grand-mère maternelle ne vient qu’en troisième position après le père. Pour lui, «il est clair que la commission s’est inspirée du rite djaâfarit des chiites». Et d’ajouter; «si ça continue, il ne faudra pas s’étonner qu’on aboutisse, dans de prochaines révisions, à la légalisation de «zaouedj el-moutaâ» (mariage de complaisance, ndlr)».

Que fera El-Islah si le code venait à être adopté par l’APN? «Nous lutterons pacifiquement pour que le projet ne passe pas», répond Djaballah qui considère que son parti ne doit pas être le seul sur le terrain de la contestation. A ce propos, Djaballah n’a pas manqué d’écorcher, au passage, les partis de la coalition, et dans une allusion claire aux islamistes du MSP et aux nationalistes du FLN, en déclarant que «ceux qui ont pris fait et cause pour la candidature du président de la République doivent tirer les conséquences de leur soutien». Pour lui, pendant la campagne électorale «Bouteflika n’a pas caché sa volonté de réviser un code qu’il considère être inspiré par un système de société dépassé», ajoute Djaballah.

En tout cas, les débats promettent d’êtres houleux à l’APN. Les députés islamistes en général et ceux d’El-Islah en particulier promettent «d’élargir le débat et d’évoquer l’ensemble des tabous comme ceux relatifs aux autres formes de la polygamie illégale que le courant laïc ne critique pas et ne considère même pas comme une atteinte aux droits de la femme», affirme un député d’El-Islah. Djaballah ne souhaite pas que ce projet atterrisse à l’APN car il pense qu’il suffit «de menacer de dissoudre l’APN pour que des députés qui défendent leurs propres intérêts se précipitent pour voter en faveur de ce projet, non sans quelques légères modifications».

Mohamed Mehdi