Amendement du code de la famille: Bouteflika se donne du temps

Projet d’amendement du code de la famille

Bouteflika se donne du temps

par Mohamed Zaâf , Le Jeune Indépendant, 19 septembre 2004

Après avoir été courageusement «endossé» par le gouvernement Ouyahia, le code de la famille, objet de multiples et vives attaques, a finalement été écarté hier par le Conseil des ministres, réuni sous la présidence de Bouteflika. Une attitude qui renseigne sur le «blocage» qu’a engendré la mise dans le circuit institutionnel d’un projet dont le Président aura du mal à expliquer l’endossement à l’Algérie profonde, celle qui l’a élu.

L’actuel code ne laisse pas non plus les textes du pays à la traîne par rapport à ceux adoptés par le voisin marocain, en ce qui concerne la femme et qui sont présentés comme révolutionnaires en Occident. Sur ce plan, la démarche audacieuse, voire téméraire de Bouteflika qui, jusqu’ici, a déverrouillé à l’avantage de la femme de nombreuses voies d’accès aux postes de responsabilités, ne peut que gagner l’adhésion et la sympathie occidentales s’il va jusqu’au bout de sa démarche.

Car l’adoption du texte sur le code de la famille confortera l’image du Président à l’étranger où l’on ne tarit plus d’éloges sur les réformes introduites ou envisagées en Algérie. Cependant, chez nous en Algérie, au vu des réactions suscitées par le projet d’amendement du code de la famille, on ne peut avancer et dire que le texte tel qu’il est présenté emportera les enthousiasmes.

Si les efforts du Président pour concilier nos «spécifités» à l’universalisme et à la mondialisation trouvent suffisamment de supporters, il n’en reste pas moins que le texte sur le code de la famille rencontre une hostilité quasigénérale, présente jusque dans le cercle de l’alliance présidentielle.

Mis à part le RND, où les violons semblent bien accordés, comme le font apparaître les positions exprimées par MM. Ouyahia, Ghoulamallah et Bensalah, au FLN et au MSP, les critiques sont acerbes et l’on affiche une particulière aversion contre certains articles (notamment sur le tutorat, la polygamie et la question du bénéfice du domicile conjugal en cas de divorce).

Des voix protestataires qui sont, mathématiquement parlant, majoritaires au Parlement où le pouvoir législatif est réputé constitutionnellement souverain. Un Parlement réputé aussi conservateur, mais à qui reviendra en principe le dernier mot pour adopter ou rejeter le texte s’il sera transmis par le Conseil des ministres.

Un texte qui aboutira chez les parlementaires, accompagné des critiques de la mouvance islamo-nationaliste, de centaines d’exégètes et d’autres alliés puissants du Président, à l’instar des zaouias. La somme d’hostilité engrangée naturellement par le projet (au point d’exiger un référendum sur la question) d’amendement du code de la famille est telle que certains observateurs s’interrogent sur le maintien du texte en l’état, malgré la levée de boucliers.

Si les chances de le voir adopté par le Parlement ne sont pas totalement garanties, il reste que le présenter devant les deux chambres et mettre les législateurs devant leurs responsabilités est un acte qui a son importance et qui, après tout, vient conforter en lui-même l’image du Président et contribuer ainsi à l’opération de charme en direction de l’étranger, pense-t-on encore.

Et même si les tirs de barrage se font intraitables chez les parlementaires, le Président qui n’a jamais donné l’impression d’être à court de ressources pourra toujours faire appel à la débordante disponibilité manifestée par le successeur de M. Karim Younès, et lui souffler la manière d’arrondir les angles et d’»amender» les amendements.

Pour satisfaire tout le monde, chez nous et à l’étranger, ne faut-il pas couper la poire en deux ? A moins que Bouteflika, en redoutable manoeuvrier, ne veuille jeter l’eau du bain avec le bébé… M. Z.