Avis d’expulsion pour Kamel Daoudi
Condamné à six ans de prison, ce Français risque l’exclusion.
par Dominique Simonnot, Libération, 22 février 2006
Un costume gris, une chemise blanche, une petite barbe, il est élégant Kamel Daoudi, 31 ans, extrait de la prison de la Santé pour comparaître, hier, devant la commission d’expulsion. Un petit signe à ses parents et à son frère. Arrivé en France à 5 ans, algérien, Daoudi appartient à la catégorie des étrangers protégés. Seulement voilà. Arrêté le 11 septembre 2001, il a d’abord été condamné à neuf ans de prison. Ramenés en appel à six ans avec interdiction du territoire, pour appartenance au réseau Beghal, «en relation avec une entreprise terroriste», donc.
Le ministère de l’Intérieur réclame son expulsion pour menace impérieuse contre la sûreté de l’Etat. Le dossier ainsi expliqué par la présidente de la 14e chambre du tribunal de Paris, Me Frédéric Bellanger proteste : «Je suis très surpris, un fait très important a été dissimulé à la commission. Mon client a été naturalisé français postérieurement à sa mise en examen. Il est resté français neuf mois, jusqu’à ce qu’on lui retire sa nationalité, bien avant sa condamnation et alors qu’il était présumé innocent !» Reprenant les faits, l’avocat assure : «Il n’a rien d’une tête de réseau, n’a jamais fomenté aucun attentat. Ce sont essentiellement ses amis et ses idées qui l’ont fait condamner.»
A sa suite, le brillant ingénieur chimiste plaide pour lui-même. Il raconte une histoire algérienne. Son père torturé par les Français, son grand-père tué. Et, «malgré cela, le choix de vivre en France». Il parle de la Méditerranée, «cette mer intérieure entre les pays», de Louis XIV, «qui fit construire la première mosquée en France pour y accueillir les ambassadeurs». Il se demande comment «faire fructifier ces points communs», au lieu de parler de «choc des civilisations». «Je me considère comme français, dit-il, et je vais vous surprendre, mon auteur préféré est Voltaire…» La juge l’interrompt : «Ce cours d’histoire est passionnant, mais nous sommes devant la commission d’expulsion…» Kamel Daoudi reprend : «Malgré des erreurs, mon parcours ne justifie pas que l’on m’expédie dans un pays où on m’appelle l’immigré, ou le Français.» Et continue : «Voulez-vous créer des gens qui auront toute leur vie un ressentiment, ou des hommes capables de réussir ? »
Avis favorable à l’expulsion.