Un mois pour faire la lumière sur le rôle de Rachid Ramda
Un mois pour faire la lumière sur le rôle de Rachid Ramda
Au premier jour d’audience, son avocat a tenté de le faire libérer
Par Patricia TOURANCHEAU, Libération, 2 octobre 2007
Chemise blanche et veste marron, collier de barbe bien taillé et soigné, le look de Rachid Ramda, «financier» des attentats islamistes de 1995 en France, tient du banquier ou de l’intellectuel. C’est de manière polie et posée que cet Algérien âgé de 38 ans a affronté hier le premier jour de son procès devant la cour d’assises spéciale de Paris, présidée par Didier Wacogne, pour complicité dans trois actes de terrorisme. Ce fils d’herboriste berbère, qui fit des études supérieures en Algérie, puis laissa tomber en 1989 l’architecture pour rejoindre le Pakistan puis la Grande-Bretagne s’exprime parfaitement en Français. Il a pourtant droit à quatre interprètes. Et hier, il n’a eu à dire hier que quelques mots : «Je m’appelle Rachid Ramda, né le 20 septembre 1969 à El Ogla, en Algérie.» Il a donné sa dernière adresse à Londres et s’est déclaré «sans profession».
Témoins. Sur les 202 parties civiles, 50 à 60 membres de familles de victimes et de rescapés de ces violences politico-religieuses se serrent sur les bancs du public. Certains se montrent un peu chagrins que Rachid Ramda se soit exprimé dans Libération (lire notre édition d’hier) sans leur réserver la primeur de ses réponses même dénégatrices. Les victimes attendent des explications de la part de cet homme accusé d’appartenir au GIA (Groupe Islamique armé) et d’avoir «servi d’intermédiaire entre les exécutants en France et le maître-d’œuvre en Algérie», à savoir le grand émir du GIA, Djamel Zitouni.
Une quarantaine de témoins sont appelés à venir déposer au fil de ce procès qui dure tout le mois d’octobre. Commissaires de police de la DST et de la police judiciaire antiterroriste vont défiler pour décortiquer les enquêtes. Le 10 octobre, les «exécutants» Boualem Bensaïd, coordinateur des attentats à Paris, et Smaïn Aït Ali Belkacem, l’artificier, tous deux jugés en 2002 et condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité, seront extraits de prison pour expliquer les liens qui les unissent à Rachid Ramda. Le lendemain, à la demande de la défense, les parents de celui-ci et son frère Mohamed témoigneront en sa faveur.
Mes Sébastien Bono et Anne-Guillaume Serre, avocats de l’accusé, ont également fait citer à la barre les ministres de l’Intérieur et de la justice de l’époque, Jean-Louis Debré et Jacques Toubon.
«Friandises». Les deux greffiers ont passé hier cinq heures à lire les trois arrêts de renvoi de Rachid Ramda pour complicité dans les attentats du RER B à la station Saint-Michel le 25 juillet 1995, au métro Maison-Blanche le 6 octobre, et dans le RER C à Musée-d’Orsay le 17 octobre. Dans le box, Rachid Ramda a écouté sans sourciller les charges qui pèsent contre lui, concentré et attentif, penché en avant, le menton souvent appuyé sur son poing serré.
Ces actes d’accusation mettent en exergue son rôle de «propagandiste» du GIA et de «financier» des attentats en France. Rachid Ramda aurait versé 5 000 livres sterling (38 000 francs) à Bensaïd le 21 juillet 1995, soit quatre jours avant Saint-Michel (8 morts), afin qu’il achète l’explosif, la perceuse (456 francs) qui a servi à ouvrir la bonbonne de gaz, les billets de trains et les nuits d’hôtels à ses comparses mais aussi les «friandises», les clous et les écrous utilisés comme mitraille dans les bombes.
Rachid Ramda a avancé hier un argument de droit pour se soustraire à son procès. Selon ses avocats, la cour se base sur «les mêmes faits matériels, à savoir transfert de fonds, transmissions d’instructions du GIA aux auteurs des attentats et suivi de la préparation de ces actes» que ceux ayant fondé sa culpabilité en mars 2006 pour le délit «d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste» qui lui a valu dix ans de prison. «Or, on ne peut pas être jugé deux fois pour les mêmes faits», a conclu Me Serre, qui a donc demandé à la cour d’annuler les poursuites et «d’ordonner la remise en liberté de Rachid Ramda». Sans espoir.