Rachid Ramda : “Tout le monde pense que j’ai toutes les réponses”
Bastien Bonnefous, France Soir, le mardi 29 septembre 2009
L’Algérien a condamné les attaques terroristes des GIA algériens, tout en accusant la cour d’assises spéciale de Paris d’être partiale à son encontre.
Finalement, Rachid Ramda parle très bien français. L’Algérien, qui fête ses 40 ans aujourd’hui et qui jusqu’à présent préférait s’adresser en arabe à la cour d’assises spéciale de Paris, l’a prouvé longuement lundi, au neuvième jour de son procès en appel. Complice présumé des attentats de 1995 en France, il a été interrogé « au fond » durant toute la journée, la cour s’attardant notamment sur la liste de scellés saisis pendant l’enquête. Quelque 452 pièces ont été récoltées dans cette affaire, dont 251 aux différents domiciles des protagonistes présumés ou condamnés. Parmi celles-ci, une bonne centaine ont été saisies au 30 Braybrook Street, le logement que louait à Londres Rachid Ramda avec deux autres Algériens.
Sur place, la police britannique a découvert, en vrac, des documents du FIS (Front islamique du salut) ou des GIA (Groupes islamiques armés) algériens, ainsi que des courriers de membres du réseau terroriste, comme Boualem Bensaïd, l’un des poseurs de bombes parisien. Plusieurs d’entre eux font référence à « Elyas » ou « Elyes », un des pseudos de Rachid Ramda, selon l’accusation.
« A Londres, tout le monde m’appelait Rachid », précise d’emblée l’Algérien. La cour lui fait néanmoins remarquer qu’il était entré sur le territoire britannique en 1993 sous un faux passeport au nom d’Elias Serbis. Pas de réponse. Par ailleurs, une boîte postale avait été ouverte à la même époque au nom de « Fares Elias ». Sur le récépissé de location de la boîte a été retrouvée l’empreinte digitale de Rachid Ramda. « Cette boîte postale n’a jamais été ouverte par moi », se contente de réagir l’accusé.
Quant au 30 Braybrook Street, c’était « le lieu où on se réunissait pour al-Ansar », journal considéré par les spécialistes comme le bulletin de propagande des GIA en Europe en 1995. Et à entendre Ramda, c’était une véritable auberge espagnole. « Cette maison était un lieu de rencontre de beaucoup de gens, ce n’était pas une maison d’habitation normale, mais une maison hors norme, une maison de passages », explique-t-il. Conclusion : « Je ne connaissais pas tout le monde, donc je ne peux pas commenter chaque document saisi. »
« Il manque beaucoup de choses dans ce dossier »
Si ses empreintes ont été également retrouvées sur certains courriers – comme l’ultimatum secret adressé le 27 août 1995 par Djamel Zitouni, chef des GIA, à Jacques Chirac –, c’est parce que « je suis un lecteur, j’aime tout lire, j’ai pu lire ces documents pour m’informer ou vérifier quelque chose », réplique Ramda, rappelant, ironique, qu’« al-Ansar était un journal comme les autres, sauf que les journalistes portaient la barbe ».
D’affable, Ramda devient peu à peu agressif. Jusqu’à accuser la cour d’être « à charge ». « Ce n’est pas connaître la vérité que vous voulez, j’ai l’impression que tout le monde ici pense que Rachid Ramda a toutes les réponses sur ce qu’il s’est passé en 1995. Il manque beaucoup de choses dans ce dossier. Il y a d’autres empreintes, mais elles n’intéressent personne parce qu’elles posent des problèmes, elles prouvent que la police et la justice n’ont pas fait leur boulot », s’énerve-t-il. Prudent, il prend la peine de préciser qu’il n’a « jamais approuvé les attentats ». Mais à sa façon. « Poser des bombes, ce n’était pas permis au niveau religieux ; au niveau politique, il n’était pas sage de faire ça dans un pays comme la France, qui aidait les Algériens », explique-t-il. Jeudi dernier, ses avocats, Mes Sébastien Bono et Anne-Guillaume Serre, ont saisi la cour d’un supplément d’information sur les conditions de l’enquête britannique, estimant que toutes les pistes n’avaient pas été explorées. La cour a décidé de surseoir à statuer, repoussant sa décision à la fin de l’examen des faits.