Incident au procès de Rachid Ramda
Justice
Incident au procès de Rachid Ramda
Au Palais de Justice de Paris, Bastien Bonnefous, France Soir, 2 octobre 2009
Jeudi matin, Boualem Bensaïd, un des poseurs de bombe lors des attentats de 1995, condamné en 2003 à perpétuité, a refusé de témoigner au procès de Rachid Ramda. Extrait de force de prison et présenté devant la cour, il a provoqué un incident, dénonçant une justice « barbare ».
La prestation fut brève mais spectaculaire. « Il faudra me torturer pour me faire parler ! » a crié hier matin Boualem Bensaïd à la cour d’assises spéciale de Paris, refusant de témoigner au procès Rachid Ramda. Encadré par cinq gendarmes, le coordonnateur des attentats dans la capitale, en 1995, ne digère toujours pas d’avoir été extrait de force quelques heures plus tôt de sa cellule de la maison centrale de Saint-Maur (Indre). Le crâne rasé et le corps musclé et épais typique du régime carcéral musculation-malbouffe, l’homme, âgé de 42 ans, a refusé de témoigner au procès en appel de son complice présumé, Rachid Ramda. Déjà, lors du procès en première instance en 2007, il avait fait faux bond.
Jeudi, il a fini par sortir de la salle des témoins sous bonne escorte, après de longues minutes d’attente dans une ambiance tendue. Habillé d’un survêtement laser Adidas de couleur bleue, avec chaussettes et sandales à scratch, il prend immédiatement la parole : « Je vous préviens, je ne vous réponds pas ! » envoie-t-il au président. « Vous m’avez amené par la force ! La question est simple : pouvez-vous me forcer à témoigner, oui ou non ? Si vous voulez la manière barbare, libre à vous. Qu’on continue la garde à vue, le tabassage ! » ajoute-t-il d’un seul jet.
Son arrestation, le 1er novembre 1995 au pied de son immeuble dans le XVIe arrondissement parisien, avait été houleuse. L’Algérien, qui pratiquait les arts martiaux, avait dû être maîtrisé sans ménagement par la police. Posant le visage tuméfié sur les photos de l’identité judiciaire, il avait par la suite accusé les enquêteurs de violences pendant sa garde à vue.
Jean-Louis Debré toujours aux abonnés absents
Devant son refus de témoigner, les différents acteurs du procès (avocat général, parties civiles, défense) ont vite battu en retraite et passé outre son audition. Quittant la salle moins de cinq minutes après y être entré, Bensaïd ne se calme pas pour autant. « Merci, au revoir, et continuez avec votre justice ! » conclue-t-il, provocateur, avant d’ajouter à l’intention de Rachid Ramda : « Courage ! »
Vendredi matin, la cour doit entendre un autre auteur des attentats, Smaïn Aït Belkacem, condamné lui aussi à perpétuité en 2002. Membre de la cellule lilloise du réseau de 1995, Belkacem avait comparu lors du précédent procès Ramda il y a deux ans. Il avait déclaré ne pas connaître l’accusé et avait reproché à la France de « juger un innocent qui n’avait rien à voir avec ce qui s’est passé en 1995 ». En revanche, le général Philippe Rondot, membre de la DST à l’époque et témoin clé dans l’autre procès du moment, celui de l’affaire Clearstream, ne devrait finalement pas être entendu, comme Jacques Toubon, garde des Sceaux en 1995. Jean-Louis Debré, ex-ministre de l’Intérieur, également cité, a fait savoir lui aussi qu’il serait absent pour cause d’autres « obligations de longue date ». « Nous ne renoncerons pas à cette audition », a prévenu hier Anne-Guillaume Serre, l’un des avocats de Rachid Ramda.