Khaled Nezzar perd son recours
par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 24 novembre 2012
L’affaire du général à la retraite Khaled Nezzar, accusé devant la justice suisse, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, vient de connaître un nouvel épisode, ce jeudi. La défense de l’ancien ministre de la Défense, assurée par des avocats suisses et algériens, dont Me Ali Haroun, ont porté le dossier sur le terrain procédural, en contestant la compétence des autorités judiciaires suisses. L’ex général a ainsi perdu un nouveau recours sur la compétence des tribunaux helvétiques à le juger. Le Tribunal fédéral, la plus haute instance juridique de la Suisse, a jugé irrecevable ce recours, emboîtant le pas au Tribunal pénal fédéral (TPF), une juridiction de première instance, qui avait rendu le même jugement en juillet dernier.
M. Nezzar, 75 ans, avait été arrêté à Genève, le 20 octobre 2011, à l’occasion d’un voyage pour raisons de santé. Il avait été entendu pendant deux jours par le ministère public de la Confédération suisse (MPC) et avait été libéré contre une promesse de participer à la suite de la procédure. Celle-ci avait été suspendue à la suite de la saisine du tribunal d’un recours en annulation des poursuites. Après son audition, le MPC avait décidé d’ouvrir une enquête pénale pour des «crimes de guerre et des crimes contre l’humanité», commis en Algérie entre 1992 et 1999, suite à une plainte déposée par l’association «Trial» de lutte contre l’impunité et par deux Algériens résidant en Suisse, l’accusant de crimes de guerre et de torture. En rendant sa décision, en juillet dernier, le TPF avait tenu à souligner que l’affaire constituait «un premier cas d’application des nouvelles compétences exclusives, attribuées en 2011, par le législateur au MPC, pour la poursuite pénale de génocides, crimes contre l’humanité et crimes de guerre». Pour rappel, la décision de la justice suisse de ne pas accorder l’immunité au général à la retraite, Khaled Nezzar, avait surpris plus d’un et en premier le concerné lui-même. Joint par téléphone par «Le Quotidien d’Oran», Khaled Nezzar avait simplement exprimé son étonnement devant ce jugement rendu en sa défaveur. Le tribunal fédéral suisse avait ainsi tranché sur le dossier numéro «BB.2011.140» pour conclure que le général Khaled Nezzar ne pouvait se prévaloir d’une immunité pour éviter les poursuites judiciaires qui ont été engagées contre lui, en Suisse. Il ne pouvait non plus invoquer l’argument de souveraineté et de non-ingérence. Contacté par l’AFP, l’ex membre du Haut Comité d’Etat avait estimé, pour sa part, que le refus d’un tribunal suisse de lui accorder l’immunité, dans le cadre d’une instruction « pour suspicion de crimes de guerre», n’était qu’une étape dans l’affaire.
Le tribunal fédéral suisse a également rejeté l’argument que les poursuites engagées constituaient une ingérence de la Suisse dans «les affaires intérieures algériennes et porte atteinte à la souveraineté de cette nation». Il admet que le principe de non-ingérence est fondé en Droit international et que l’article 3 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève, du 12 août 1949, relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II), souligne qu’aucune disposition « ne sera invoquée en vue de porter atteinte à la souveraineté d’un Etat ou à la responsabilité du gouvernement de maintenir ou de rétablir l’ordre public dans l’Etat ou de défendre l’unité nationale et l’intégrité territoriale de l’Etat, par tous les moyens légitimes». Le droit suisse autorise la poursuite de certaines infractions au droit international, notamment les violations des Conventions de Genève, dès lors que le suspect se trouve sur son territoire.