M. Ziane Hasseni libre de rentrer en Algérie

La chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris a rendu son verdict

M. Ziane Hasseni libre de rentrer en Algérie

Le diplomate algérien Mohamed Ziane Hasseni est enfin libre de quitter la France. Ainsi en a décidé la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris qui a rendu son verdict hier en début d’après-midi. Mohamed Ziane Hasseni reste toutefois mis en examen jusqu’à sa confrontation avec son accusateur, Mohamed Samraoui, et il ne peut se rendre en Allemagne où Mohamed Samraoui est réfugié depuis 2003. Pour Mohamed Ziane Hasseni, c’est un cauchemar de plus de six mois qui vient de prendre fin depuis son interpellation à sa descente d’avion à Marseille en provenance d’Alger, le 14 août 2008. Il n’est plus sous contrôle judiciaire contraignant. Il reste que Mohamed Ziane Hasseni devra être confronté à Mohamed Samraoui.

Paris. De notre bureau, El Watan, 28 février 2009

L’accusateur du diplomate, Mohamed Samraoui, ex-officier des services de renseignements, réfugié en Allemagne depuis 2003, ne s’est pas présenté le 18 décembre devant le juge Thouvenot pour être confronté à Mohamed Ziane Hasseni. Du fait, semble-t-il, d’un mandat d’arrêt international lancé par l’Algérie contre lui. Pour qu’il puisse l’auditionner, le juge d’instruction devra demander une commission rogatoire, ce qui pourrait prendre plusieurs mois. Mais Mohamed Samraoui connaît-il réellement Mohamed Ziane Hasseni ? Tout tend à montrer le contraire. Sinon comment expliquer qu’il le confonde avec un autre diplomate en exercice ? Comment peut-il être formel et affirmer devant une caméra de télévision (France 3) reconnaître même de dos Mohamed Ziane Hasseni ? La défense du diplomate Mohamed Ziane Hasseni a plaidé, vendredi 20 février, devant la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris l’annulation du placement sous contrôle judiciaire de son client pour « complicité » présumée dans l’assassinat de l’avocat André-Ali Mecili – qui lui interdisait de quitter la France et l’obligeait à pointer une fois par semaine au commissariat depuis le 15 août 2008. La décision du tribunal mise en délibéré a été rendue vendredi. Il est à rappeler que la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris avait rejeté, le 14 octobre dernier, la requête de la défense au motif que Mohamed Ziane Hasseni n’avait pas apporté la preuve de l’erreur de personne dont il s’est toujours dit victime.

Confusion d’identité

Plaidant l’erreur judiciaire, la défense du diplomate algérien Mohamed Ziane Hasseni avait interjeté appel, fin août, au sujet de la mise sous contrôle judiciaire de son client par le juge Thouvenot auprès de la chambre d’instruction. La défense contestait les motivations de la mise sous contrôle judiciaire du diplomate algérien, faisant valoir l’erreur judiciaire induite par une confusion d’identité entre son client qui était en poste en Allemagne en 1987 et le coupable recherché. Depuis son interpellation à l’aéroport de Marseille le 14 août 2008, le chef du protocole au ministère des Affaires étrangères, Mohamed Ziane Hasseni, n’a eu de cesse de dire qu’il n’est pas l’officier Rachid Hassani, lequel est accusé d’avoir sous-traité avec Abdelmalek Amellou l’assassinat d’Ali Mecili en avril 1987. Mohamed Ziane Hasseni a accepté de se soumettre, courant novembre, à des tests ADN et à une analyse graphologique que lui avait proposés le juge d’instruction Baudoin Thouvenot, le 1er septembre, lors de sa première audition et qu’il avait d’abord refusés parce que la démarche lui paraissait déplacée du fait qu’il lui semblait évident que la méprise dont il était l’objet allait vite être levée. Mohamed Ziane Hasseni a également accepté de se soumettre à une expertise graphologique afin de comparer son écriture avec la signature de l’ordre de mission retrouvé chez Abdelmalek Amellou. Entendu une première fois sur le fond par le juge Baudoin Thouvenot, le 1er septembre 2008, Mohamed Ziane Hasseni s’est formellement déclaré étranger à cette affaire, affirmant qu’il n’a rien à voir avec Rachid Hassani.

A l’appui des dires de son client, la défense de Mohamed Ziane Hasseni avait remis au juge Thouvenot la copie des deux photos illustrant un article du site payant Médiapart, photos sur lesquelles Mohamed Samraoui avait affirmé reconnaître Rachid Hassani. Or, l’homme représenté sur la photo ne correspond pas à Mohamed Ziane Hasseni. « Cet élément nouveau a été versé au dossier, il fragilise l’accusation du juge Thouvenot et rend peu crédible le témoignage de M. Samraoui, seul véritable accusateur », nous a déclaré Me Jean-Louis Pelletier, un des trois avocats de Mohamed Ziane Hasseni avec Hervé Temime et Khaled Lasbeur. « La personne représentée sur les photos ne peut pas être Mohamed Ziane Hasseni. « Cette mise en examen et ce contrôle judiciaire n’ont aucune justification », avait ajouté l’avocat. Le juge d’instruction Baudoin Thouvenot avait émis un mandat d’arrêt international en décembre 2007 contre Rachid Hassani, présumé commanditaire de l’assassinat de Me Ali Mecili, militant du FFS, sur la base du témoignage de Mohamed Samraoui, ex-officier des services secrets algériens, comme étant l’homme qui, en sa présence, avait versé à Amellou, l’assassin présumé de Ali Mecili, une partie de l’argent de son « contrat » dans un hôtel de Skikda, en 1987. C’est en vertu de ce mandat d’arrêt que Mohamed Ziane Hasseni a été arrêté le 14 août 2008 à l’aéroport de Marseille en provenance d’Alger et mis en examen le lendemain. Le juge d’instruction Baudoin Thouvenot n’avait pas reçu l’aval du parquet pour cette procédure. Celui-ci avait requis un non-lieu. Après la mutation du juge Thouvenot au tribunal de Melun, l’enquête a été reprise en janvier par le juge Alain Philibeaux.

Froid entre Alger et Paris

La mise sous contrôle judiciaire, depuis le 15 août 2008, du diplomate Mohamed Ziane Hasseni que le gouvernement algérien qualifie de non fondée, voire de « prise d’otage » d’un diplomate « au mépris des règles diplomatiques internationales » avait suscité un froid dans les relations entre Alger et Paris. « Il est temps de mesurer l’importance de cette affaire et le risque qu’elle peut entraîner sur les relations algéro-françaises », nous avait indiqué récemment une source algérienne autorisée. Les autorités algériennes se sont montrées jusqu’à ces dernières semaines soucieuses de ne pas envenimer les relations entre les deux pays, espérant que la justice française finirait par reconnaître l’innocence de Mohamed Ziane Hasseni et que « cet incident regrettable » qu’elles n’ont eu de cesse de déplorer serait clos, nous avait-on encore indiqué de même source. Les autorités algériennes, qui n’ont trouvé aucun répondant de la part des autorités françaises, ont déploré une « absence de dialogue », convaincues que « l’innocence de ce haut fonctionnaire injustement mis en cause » est « une évidence avérée », alors que l’immunité diplomatique « n’a pas été respectée ». A la discrétion des autorités algériennes à Alger et de la représentation diplomatique à Paris, considérée par d’aucuns comme un lâchage du diplomate Hasseni, notre source rappelle que « l’ambassade d’Algérie à Paris, qui a pris connaissance de l’interpellation le 14 août 2008 en début d’après-midi de Mohamed Ziane Hasseni, par d’autres voies que le Quai d’Orsay, a aussitôt mobilisé les consulats de Marseille et de Paris pour assurer la protection du diplomate ». Et de préciser les démarches suivies : dans la soirée du 14 août, l’ambassade a pris attache avec les services du protocole du Quai d’Orsay. Une note verbale datée de ce même jour a été adressée au Quai d’Orsay, signalant l’incident et demandant des explications. Une deuxième note verbale datée du 19 août a été adressée au ministère français des Affaires étrangères au sujet des conditions de l’interpellation de M. Hasseni « sans aucune précaution d’usage de respect des dispositions de la convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques ».

« Ces deux notes, n’ayant pas reçu de réponse des autorités françaises, ont été relayées par une démarche officielle de l’ambassadeur d’Algérie auprès du secrétaire général du Quai d’Orsay, Gérard Errera le 11 septembre. » Le 28 août, le porte-parole du gouvernement, M. Boukerzaza, déclarait que l’incident était « regrettable », espérant que le diplomate algérien « sera innocenté et rétabli dans ses droits ». Après la confirmation du verdict par la chambre d’instruction, le 14 octobre, du maintien sous contrôle judiciaire de Mohamed Ziane Hasseni, le ministre des Affaires étrangères, MouradMedelci, rencontrait « sous le signe de l’urgence » son homologue français, Bernard Kouchner, le 15 octobre pour lui exprimer « la grande préoccupation du gouvernement algérien devant cette affaire qui a pris une tournure inquiétante vis-à-vis du diplomate algérien, malgré des preuves d’erreur sur la personne qu’il a présentées ». M. Medelci avait exprimé « l’étonnement des autorités algériennes devant la lenteur excessive de la justice française » et avait dénoncé « la campagne médiatico-politique déclenchée sciemment autour de cette affaire ». A la faveur de la visite à Alger du ministre néerlandais des Affaires étrangères, le 26 novembre, M. Medelci avait souligné, lors d’un point de presse : « Je me suis permis d’attirer l’attention du ministre (des Pays-Bas) lorsqu’on a évoqué la question des droits de l’homme sur une situation paradoxale que les droits de l’homme sont en train de connaître, dans un pays ami et partenaire, la France. » « Ce qui est exactement le contraire des principes des droits de l’homme. » Et de souligner qu’un de ces principes « est de se considérer comme innocent jusqu’à preuve du contraire ». « Ce droit est, semble-t-il, quelquefois un peu perdu de vue. »

Par Nadjia Bouzeghrane