Le temps de la dénégation des massacres est terminé

L’ambassadeur français à Guelma

Le temps de la dénégation des massacres est terminé

par Ali Babès, Le Quotidien d’Oran, 28 avril 2008

L’ambassadeur de France en Algérie s’est élevé, dimanche à Guelma, contre les atrocités commises par les colons et l’armée française, un certain 8 mai 1945 dans l’est du pays, à Guelma, Sétif et Kherrata, plus particulièrement.

Selon M. Bajolet, ces événements «ont fait insulte aux principes fondateurs de la République française et marqué son histoire d’une tache indélébile». Le diplomate français a souligné, dans son intervention devant les étudiants de l’université de Guelma, que pour les Algériens le 8 Mai 1945 est une grande tragédie. «Le 8 Mai 1945 (…) d’épouvantables massacres ont eu lieu à Sétif, Guelma et Kherrata», a dit le diplomate français, ajoutant que «ce déchaînement de folie meurtrière, dans lequel les autorités françaises de l’époque ont eu une très lourde responsabilité, a fait des milliers de victimes innocentes, presque toutes algériennes, ainsi que des milliers de veuves et d’orphelins», tout en ajoutant, que des Européens ont été tués, ce jour-là. Selon Bernard Bajolet, la France est prête (mais jusqu’où) à reconnaître ces massacres, cette tache noire du colonialisme barbare français, en Algérie.

«Le temps de la dénégation est terminé», a lancé l’ambassadeur français à l’adresse des étudiants de Guelma, futurs cadres de l’Algérie de demain et selon lequel «la France n’entend pas, n’entend plus, les (les massacres du 8 Mai 45) occulter». Par ailleurs, il a appelé à un «apaisement» des relations algéro-françaises, plaidant pour une «réconciliation» entre les deux communautés que les universitaires des deux pays doivent prendre en charge. «(…) pour que nos relations soient pleinement apaisées, il faut que la mémoire soit partagée et que l’histoire soit écrite à deux, par les historiens français et algériens. La France doit faire sa part de chemin, la plus grande, sans aucun doute, mais elle ne peut pas la faire toute seule», a-t-il précisé, appelant pour que «les tabous sautent, des deux côtés et que les vérités révélées fassent place aux faits avérés». Tout en rappelant que si le système colonial est condamnable, «les Français, ceux qui sont nés en Algérie, ont vécu et travaillé sur cette terre» méritent un autre sort. Avec beaucoup de doigté, de diplomatie, Bernard Bajolet estime qu’il est temps de dépasser certains tabous, certains blocages de l’histoire pour rebâtir des relations saines et de confiance entre les deux pays, les deux peuples. «La connaissance et la reconnaissance du passé ne doivent pas accaparer seules notre attention», relève-t-il, devant un aréopage constitué d’universitaires algériens et français, estimant qu’«elles peuvent nous aider, Français et Algériens, à mieux aborder, ensemble et fraternellement, l’avenir que nos jeunes sont en droit d’espérer (…)» . Selon lui, «ce qui a été réussi en Europe (après la Seconde Guerre mondiale) peut l’être aussi en Méditerranée». Pour le diplomate français, «il revient aux générations actuelles d’achever la réconciliation entre ceux qui se sont battus, hier, pour ouvrir aux plus jeunes un avenir de partage et de prospérité». Le prédécesseur de M. Bernard Bajolet, Hubert Colin de Verdière, avait également dénoncé la répression du peuple algérien en ce 8 Mai 45, la qualifiant, lors d’une visite à Sétif, «de tragédie inexcusable». La signature du traité d’Amitié entre l’Algérie et la France, que devaient signer les présidents Bouteflika et Chirac avait achoppé sur ce refus de la France officielle de reconnaître les massacres perpétrés en Algérie, particulièrement ceux du 8 Mai 45.

Les déclarations de l’ambassadeur français, après celles du Président Sarkozy, lors de sa visite à Constantine, augurent-elles d’une nouvelle «Realpolitik» de Paris vis-à-vis de l’Algérie, et plus généralement vis-à-vis d’un passé colonial plus que condamnable, au regard de l’histoire des peuples de la région méditerranéenne?