Massacres du 8 Mai 1945: Les contrevérités de la version française

Massacres du 8 Mai 1945

Les contrevérités de la version française

El Watan, 8 mai 2011

Six décennies après les événements du 8 Mai 1945, le cauchemar du mardi noir est toujours vivace dans la mémoire des derniers rescapés qui ne veulent ni pardonner ni oublier.

D’autant plus que les nostalgiques de l’Algérie française excellent encore et toujours dans l’intox et la désinformation : «Il suffit de prendre connaissance du compte rendu de l’Agence France presse (AFP) du 13 mai 1945 pour mesurer l’ampleur du mensonge, monté de toutes pièces par la France coloniale qui n’a pas voulu souffler mot à propos des milliers d’indigènes enterrés dans des fosses communes à Sétif, Amoucha, Aïn Abassa, Aïn Kebira, Bouandas, Beni Fouda, Aïn Roua et Beni Aziz, pour ne citer que ces endroits. Elle passe en outre sous silence les disparus et les exécutions sommaires perpétrées par les milices qui ont donné un sacré coup de main à l’armée, aidée par la Légion étrangère, l’aviation et les bateaux de guerre pillant à partir des côtes de Béjaïa et Jijel.

Dire que les paysans d’Amoucha étaient munis d’armes automatiques et que Déluca, président de la délégation spécial de Sétif, a été tué chez lui, c’est faire offense à la vérité et à l’histoire», martèlent Lamri Boukhalfa et Smaïl Ratteb, deux des derniers rescapés de la tragédie, soutenus par Abdelhamid Salakdji, président de la Fondation du 8 Mai, section de Sétif, qui réclame à son tour réparation. Pour étayer les propos de nos interlocuteurs, nous avons jugé utile de reproduire de larges extraits du précité document qui entame son récit par la «rumeur» : «Trop de rumeurs incontrôlables circulent encore entre Alger et Constantine pour qu’il soit dès aujourd’hui possible de faire le point des incidents dramatiques qui ont ensanglanté la région de Sétif depuis le 8 mai.

Il est clair, cependant, que le principal foyer de l’agitation se situe entre Sétif et la mer, dans les montagnes des Babors, pays sauvage qui donne son cadre grandiose aux ruines de l’antique Cuicul et dont les crêtes dépassent 2000 mètres et que coupent en deux les gorges abruptes du Défilé de la Mort»
Cette région peu accessible est peuplée de tribus berbères frustes et misérables dont l’hostilité latente apparaissait périodiquement dans des attentats isolés. Des maisons forestières et petits centres de colonisation clairsemés y représentent toute l’influence européenne à l’écart des grandes routes. Le 8 mai dans la matinée, un taxi arrivait à Sétif venant d’Alger. Un pneu ayant crevé, le conducteur, sans prendre le temps de réparer, avait roulé sur la jante pendant les derniers 17 km : c’est le mot d’ordre insurrectionnel qu’il apportait (…).

De paisibles Européens attablés aux terrasses des cafés qui fêtaient la victoire ont été poignardés, assommés, leurs cadavres mutilés au point que certaines victimes n’ont pu être identifiées quelques instants à peine après la fin du drame.» En parlant du sang qui a coulé, le document, qui ne fait à aucun moment état du massacre des indigènes, balance une autre «information» : «C’est dans un couloir intérieur de son logis que s’écroulait mortellement frappé le président de la Délégation spéciale, M. Deluca ; M. Vaillant, ex-président du tribunal, subissait le même sort.

A coups de hache, le président de la section locale du Parti communiste avait les deux bras sectionnés. La police et la troupe, celle-ci consignée depuis la veille dans toute l’Algérie, devaient intervenir par tous les moyens à leur disposition pour arrêter l’émeute et rétablir l’ordre. Mais dans les centres isolés environnants, les troubles ont simultanément éclaté. Les Amouchas, tribu particulièrement fruste, munis d’armes automatiques de provenances variées, assaillent maisons forestières, fermes européennes et centres de colonisation où s’étaient réfugiés la plupart des Européens isolés. Des scènes atroces se déroulent en maints endroits et aussi des prodiges de courage et de dévouement.»
Pour rassurer la consommation interne, le communiqué ne manque pas de signaler en bas de page que l’ordre est rétabli et le calme est revenu. Alors que la répression qui a fait des milliers de morts s’est poursuivie, d’après de nombreuses sources, jusqu’au mois d’octobre.

Kamel Beniaiche