Aït Ahmed, Nezzar, Betchine, Chadli… Retour sur le début d’un déballage sans précédent
Par Yacine Babouche, TSA, 12 janvier 2016
Depuis quelques jours, la scène médiatique algérienne est le théâtre d’échanges d’affirmations et d’accusations entre des personnalités algériennes ayant occupé les plus hautes fonctions de l’État durant la Décennie noire. Les échanges ont donné lieu à des tirs croisés entre différents intervenants. Nous vous proposons un retour sur les différentes déclarations et accusations.
Tout a commencé par une intervention du général à la retraite Khaled Nezzar. Ce dernier s’exprime sur le site Algérie Patriotique – dont il est propriétaire – le samedi 8 janvier, une semaine après l’enterrement de Hocine Aït Ahmed, afin de faire savoir à l’opinion publique qu’il n’a « à aucun moment proposé à feu Aït Ahmed le poste de président de la République, contrairement à ce que les uns et les autres ont déclaré ».
Cependant, le même jour en début d’après-midi, TSA publie une vidéo extraite du documentaire « Autopsie d’une tragédie (1988-2000) », dans laquelle le défunt Hocine Aït Ahmed affirme notamment que Khaled Nezzar l’a rencontré « pour voir si j’acceptais en cas d’interruption des élections, le cas échéant d’être dans leur magouille ». Dans la même vidéo, Ali Haroun, ancien membre du Haut Comité d’État, confirme la rencontre entre Nezzar et Aït Ahmed, ainsi que le refus de ce dernier de prendre la présidence.
Samedi en fin de journée, Khaled Nezzar tient une conférence de presse pour contester le contenu de la vidéo. Il maintient une nouvelle fois n’avoir « à aucun moment fait une telle proposition » à Hocine Aït Ahmed. « Et puis, je vais proposer quoi ? Avant de régler la crise, on va distribuer les rôles ? C’est impossible et ce n’est pas moi qui vais le faire », a insisté l’ex-chef d’État-major. Au sujet de la vidéo, le général Nezzar se dit « surpris » et avoir « l’impression que c’est un montage ».
Le 11 janvier, c’est au tour d’Ali Haroun de déclarer ne pas se souvenir « avoir tenu ces propos ». « Je n’ai jamais affirmé que Khaled Nezzar a proposé la présidence de la République à Hocine Aït Ahmed », affirme l’ancien membre du HCE au journal Liberté. Dans TSA, la réalisatrice du documentaire, Séverine Labat, dément quant à elle catégoriquement tout montage. Elle confirme qu’Ali Haroun a bien tenu ces propos.
En parallèle, durant la journée du 8 janvier, l’ex-ministre de la Défense affirme dans le journal Ennnahar que l’armée n’a pas poussé le président défunt Chadli Bendjedid (décédé en 2012) à démissionner en 1992, mais qu’elle n’a rien fait pour l’empêcher de quitter le Palais d’El-Mouradia. Une version corroborée par les déclarations de Khelifa Bendjedid, frère de l’ex-président, qui soutient que Chadli Bendjedid avait « démissionné par conviction et n’avait pas été poussé à la démission par les militaires ». Même son de cloche pour Halima Bendjedid, épouse de l’ex-président, qui affirme également que son mari avait quitté le pouvoir de « son propre gré ».
Le dimanche 9 janvier, l’ancien patron de la Sécurité militaire à la fin des années 1980 Mohamed Betchine rompt le silence pour contredire Khaled Nezzar au sujet de Hocine Aït Ahmed. Dans un entretien accordé à Echourouk, le général à la retraite Betchine affirme que « Nezzar a proposé à Aït Ahmed de devenir président ».
L’ancien chef des services de renseignements tire également à boulets rouges sur l’ancien ministre de la Défense nationale, Khaled Nezzar. « Le général à la retraite Khaled Nezzar était chef d’État-major tandis que j’étais le premier responsable des services de renseignement et je n’avais aucune relation avec lui pour qu’il me donne des ordres », souligne Betchine qui affirme qu’en tant que premier responsable des services de renseignement, il n’avait de comptes à rendre qu’au président Bendjedid.
Ce mardi 12 janvier, Mohamed Betchine revient à la charge dans Ennnahar pour affirmer que lui et l’ex-président Liamine Zeroual ont été « poussés à quitter le pouvoir », et que « des pressions ont été exercées » sur Zeroual. Betchine affirme par ailleurs que les négociations qu’il a « menées à l’époque du président Zeroual; Abbassi Madani et Ali Belhadj » ont été « torpillées ».
En parallèle, dans la même journée de mardi, Khaled Nezzar contre-attaque dans Echourouk en accusant Betchine d’être responsable des « tortures contre les jeunes manifestants » durant les événements d’octobre 88. Khaled Nezzar ouvre un nouveau front et accuse également dans le même entretien Mouloud Hamrouche, à l’époque chef du gouvernement sous Chadli Bendjedid, d’avoir « ordonné de tirer sur les manifestants ».