A propos des récentes déclarations du général à la retraite Khaled Nezzar
Boussaad Bouaich, Huffpost 12/01/2016
« A aucun moment, je n’ai fait une proposition à Hocine Aït Ahmed. Je ne pouvais parler tant que la dépouille d’Aït Ahmed n’était pas encore rapatriée, il n’avait pas été encore enterré, mais quand j’ai vu sur un site des vidéos, je devais parler pour rectifier », nous dit M. Nezzar.
Et à la question de savoir pourquoi attendre la mort d’Ait Ahmed pour réagir, il répond : « Je ne savais pas, je ne regarde pas toutes les vidéos, mais quand ça a commencé à parler, j’ai pu voir et on a l’impression d’un montage, un montage du ‘qui tue qui ?’ de José Garçon (ancienne journaliste de Libération) ». Peut-on lire dans un compte-rendu du journal El Watan de la conférence de presse tenue par Khaled Nezzar à son domicile le 9 janvier dernier.
Soit, ces déclarations prêteraient presque à sourire, si ce n’est la nature de la tragédie dont on parle, au regard des différents témoignages qui contredisent la version de Nezzar et sur lesquels il est inutile de s’étaler ici. Il y a eu en effet la déclaration d’Ali Haroun dans le documentaire « Algérie, 1988-2000 : Autopsie d’une tragédie », réalisé par Malik Aït Aoudia et Séverine Labat et diffusé pour la première fois en 3 parties les 5, 7 et 10 octobre 2003 sur France 5.
Comme il y a eu tout récemment la déclaration de l’ancien patron de la Sécurité militaire, le général à la retraite Mohamed Betchine qui dit clairement que « Nezzar a proposé à Aït Ahmed de devenir président ».
Pour ma part j’aimerais rappeler que, contrairement à ce qu’affirme Nezzar, Ait Ahmed avait évoqué ce sujet devant lui-même lors du procès en diffamation qu’il avait intenté à Habib Souadia en juillet…2002.
En effet, dans les minutes du procès intégralement retranscrites et publiées par les éditions La Découverte (consultables aussi en ligne), on peut lire qu’Ait Ahmed est revenu lors de son témoignage sur ses rencontres avec Khaled Nezzar.
» …j’ai eu un très long débat avec M. Nezzar. En fait, je n’avais pas compris le but de sa démarche. C’est par la suite qu’on m’a dit que peut-être il désirait que je sois à la tête du pays parce que je suis un » historique » , parce que si on allait chercher Boudiaf au Maroc, loin, en négligeant ceux qui sont sur place, ce ne serait pas compris des gens. Ou bien m’inclure dans le Haut Comité d’État. Je n’ai pas compris, c’est par la suite qu’il y a eu des interprétations. Bref, mon souci c’était de lui dire : « S’il vous plaît, n’intervenez pas ».
Comme on peut le constater à travers cette déclaration, Ait Ahmed n’était pas si catégorique concernant les intentions de Nezzar à vouloir faire de lui un chef d’Etat, mais une chose est sûre, Ait Ahmed avait bel et bien évoqué cela devant Nezzar qui n’a pas démenti lors de sa prise de parole qui a suivie celle d’Ait Ahmed. Il ne peut donc pas affirmer aujourd’hui qu’il n’a découvert cette déclaration qu’à travers une vidéo datant de 2010.
Le mensonge comme seule stratégie de défense
Plus le mensonge est gros, plus il passe ? Telle est, semble-t-il, la stratégie de Nezzar et de ses amis. Car toujours lors du procès de Paris qui l’avait opposé à Souaidia, deux de ses témoins, à savoir Mme Leila Aslaoui, ancienne ministre, et Omar Lounis, membre du Comité national de sauvegarde de l’Algérie en janvier 1992, avaient tenté, toute honte bue, de détourner le sens de la fameuse marche du 2 janvier 1992 à laquelle avait appelé Ait Ahmed et son parti, le FFS. Pour eux, et contrairement à ce que tout le monde sait – et là aussi les archives existent- ce n’était pas Ait Ahmed qui avait organisé la marche et ce n’était non plus vrai qu’Ait Ahmed avait tenu un discours depuis le balcon du célèbre l’Hôtel Aletti !
Devant de telles énormités, Ait Ahmed avait alors déclaré – et ce qui pourrait servir aussi aujourd’hui de réponse posthume à Nezzar : « Je peux vous assurer, M. le président [du tribunal], quelquefois je me demande si on est dans le même univers ! Cela fait quarante ans qu’on produit des mutants, qui mentent, qui ont le culot de vous parler en face et de vous embrasser et qui vous préparent une embuscade ». Pas besoin d’en rajouter.