Les femmes en quête de réussite économique et sociale

Les femmes en quête de réussite économique et sociale

Le commerce informel a permis à de nombreuses algériennes de s’émanciper

El Watan, 25 mars 2013

Si les activités économiques informelles étaient jusqu’au début des années 1990 l’apanage quasi exclusif de la gent masculine, depuis une vingtaine d’années on observe que les femmes sont de plus en plus nombreuses à s’adonner au commerce informel qui irrigue l’économie algérienne.

Ces pratiques marchandes exercées en marge de la légalité ont induit de profondes transformations dans le mode de vie de celles, de plus en plus nombreuses, qui s’y adonnent. Les profits substantiels engrangés par les plus dynamiques d’entre elles leur ont permis de prendre possession de certains espaces publics autrefois réservés exclusivement aux hommes avec, à la clé, une notable promotion sociale et une relative émancipation vis-à-vis des archaïsmes patriarcaux.

Des milliers d’algériennes trouveront ainsi la voie de l’émancipation dans les pratiques lucratives du business informel qui leur permettent de relever le niveau de vie de leur famille, de s’affranchir des archaïsmes patriarcaux et, dans certains cas, de se constituer des patrimoines consistants.

La crise a poussé la femme au travail

Moins exposées aux pesanteurs sociales, les émigrées algériennes réaliseront davantage de prouesses en matière de négoce informel en entretenant un courant permanent d’affaires entre le pays d’accueil et leur pays d’origine. Les émigrées disposant en Algérie d’une boutique qu’elles approvisionnent à partir du pays où elles résident (notamment la France) sont en effet légion et la tendance semble s’inscrire durablement dans le temps.

Mais, le commerce informel pratiqué par les femmes entre les deux rives de la méditerranée n’est en réalité pas nouveau, puisque depuis longtemps déjà (fin des années 1960) les algériennes émigrées ou, seulement en voyage dans les pays d’Europe à forte migration maghrébine, ont eu tendance à mettre à profit leurs vacances au bled pour y vendre des marchandises objets de pénuries et bon nombre d’entre elles en avaient même fait une activité lucrative régulière. Ces pratiques marchandes informelles prendront une tout autre tournure au début des années 1990 à la faveur de la démonopolisation du commerce extérieur et la crise économique qui avait mis au chômage plus de 500 000 travailleurs.

Ces deux facteurs contribueront d’une part à amplifier la pratique du commerce informel et, d’autre part, à pousser les femmes à aider financièrement leur mari, si ce n’est à se substituer à lui en matière de revenus, que leur époux au chômage ne pouvait plus assurer. L’argent gagné à la faveur des pratiques commerciales informelles sert, en effet, avant tout à faire vivre la famille, à assurer le quotidien ou à maintenir un niveau de vie perdu dans les années 90 avec la crise politique et économique qui avait touché de plein fouet, notamment, les classes moyennes subitement reléguées dans la précarité. C’est dire l’importance du rôle de stabilisateur de budgets familiaux qu’ont joué ces femmes durant la récession des années 90. Elles ont dans certains cas empêché leur famille de sombrer dans la détresse sociale, voire même l’extrême pauvreté.

1200 sociétés détenues par des algériennes

Si elle est déjà fortement impulsée en termes de circulation commerciale (les femmes se déplaçant à l’étranger pour effectuer des achats destinés à la vente étant de plus en plus nombreuses), la dynamique de conquête de l’espace public (ouverture de boutiques, création d’ateliers de confection et autres) témoigne d’une entrée de plus en plus massive des algériennes dans des activités commerciales, voire même industrielles. La mixité dans les espaces commerciaux urbains a, de ce fait, pris beaucoup d’ampleur au cours de ces dix dernières années.

L’association des Femmes Entrepreneuses (SEVE) a recensé pas moins de 1200 sociétés (EURL et SARL) détenues par des algériennes, mais les services du registre du commerce en avaient comptabilisé pas moins de 4451 à la fin de l’année 2010. S’agissant de celles qui continuent à activer, pour une raison ou une autre, dans l’informel, le chiffre pourrait allègrement dépasser une vingtaine de milliers, si évidemment on y intègre les activités artisanales à domicile. Cette offensive économique et commerciale des femmes a toutes les chances de gagner à terme les espaces ruraux desquels elles étaient exclues pour des raisons essentiellement culturelles.

Du point de vue des espaces d’achats, force est de constater que les commerçantes algériennes sont désormais fort nombreuses à fréquenter les places marchandes les plus avantageuses en Europe et en Méditerranée, certaines poussant même leurs déambulations commerciales jusqu’en Asie. Les espaces de vente auraient également connu un élargissement significatif, marqué par un glissement du privé (domicile) vers le public (ouverture de boutiques et de sociétés commerciales légalement constituées ou, comme c’est plus souvent le cas, informelles). L’entrepreneuriat privé algérien est, de ce fait, de plus en plus mixte.

Les femmes de plus en plus visibles dans les espaces commerciaux

Dans le sillage des pionnières des premières années d’ouverture économique, qui ont apporté la preuve que les femmes pouvaient émerger socialement et financièrement au moyen du commerce informel, les algériennes n’hésitent plus à investir ce créneau, notamment quand les conditions d’insertion sociale leur sont refusées (chômage, revenus salariaux insuffisants, mal logées, etc.). Convaincues que la réussite est au bout de l’effort, elles ne se contentent plus de revendre des marchandises achetées en Algérie, prenant le risque d’aller chercher elles-mêmes les produits sur les marchés étrangers offrant le meilleur rapport qualité-prix.

Elles sont devenues tout au long des années de fines connaisseuses en matière d’achats et approvisionnements qu’elles mettront utilement à profit dans les boutiques ou entreprises qu’elles ouvriront lorsqu’elles auront accumulé les capitaux requis. On constate, par ailleurs, que les femmes ne se cantonnent plus, comme aux toutes premières années de l’ouverture économique, à la vente à domicile. Elles sont de plus en plus nombreuses à aider leur mari à revendre les produits que ces derniers ont rapportés de l’étranger en leur prêtant main forte, ou en les remplaçant en cas d’absence aux commandes des boutiques familiales. Les femmes sont, de ce fait, de plus en plus visibles dans les espaces commerciaux, notamment dans les grandes villes.

Mais l’implication croissante des femmes dans les activités marchandes implique de leur part de plus en plus de disponibilité et de mobilité dans l’espace urbain. Les absences fréquentes et souvent prolongées de leur foyer auquel elles se consacraient quasi exclusivement avant que les activités marchandes n’accaparent l’essentiel de leur temps, vont brutalement remodeler leurs rapports avec leur famille et la société en général.

Si de nombreux maris s’accommodent avec l’activité de leur épouse qui contribue à améliorer sensiblement l’ordinaire de la famille, d’autres ont du mal à s’adapter à la nouvelle situation qui requiert de laisser leur femme séjourner longtemps à l’étranger pour effectuer des achats. Même si les cadeaux ramenés de l’étranger ont pu amadouer certains d’entre eux, de nombreux divorces en auraient malheureusement résulté. Le métier est effectivement très prenant, car en matière de commerce, les femmes comme les hommes doivent développer des compétences relationnelles particulières, élargir leurs contacts bien au-delà des sphères domestique, familiale ou de voisinage.

Pour faire prospérer leurs affaires, elles doivent souvent entretenir et cultiver des réseaux de connaissances qui dépassent le cadre géographique dans lequel elles furent longtemps cantonnées. Connaissant la mentalité machiste ambiante qui prévaut dans notre pays, il faut assurément une très forte dose de courage et de détermination à réussir pour s’affranchir des archaïsmes et autres pesanteurs sociales qui rendent leur émancipation malaisée.

Gagner en affaires sans perdre… son mari !

En effet, si la circulation commerciale est à l’évidence plus aisée pour les femmes célibataires qui peuvent justifier leurs activités «peu féminines» au regard d’un entourage conservateur, par la nécessité de subvenir aux besoins de leur famille, elle l’est beaucoup moins pour les femmes mariées qui doivent faire face aux suspicions et aux diktats de leur époux. Nombreuses sont ces actrices du commerce informel qui, une fois mariées, ont dû se résoudre à arrêter leurs activités pour préserver leur mariage et le statut social qu’il leur confère. Ce sont autant de femmes qui ratent ainsi la chance de lancer un jour leur propre affaire, comme elles l’avaient souhaité lorsqu’elles s’étaient lancées dans le commerce informel.

Mais avec ou sans le soutien de leur famille, de nombreuses algériennes ont réussi à monter des affaires qui tournent si bien qu’elles ont changé positivement le cours de leur vie. Les bénéfices engrangés leur ont, selon les cas, permis de créer des entreprises ou, tout simplement, d’améliorer leur standing de vie en acquérant le logement de qualité, la voiture de luxe et autres emblèmes de réussite sociale (bijoux, vêtements) qu’elles avaient longtemps convoités.

Certaines femmes bafouées par leur époux, leur famille et la société en général, ont pu ainsi trouver dans le commerce informel l’occasion de prendre leur revanche sur une vie qui ne leur avait jamais fait de cadeau en montant, notamment, de prospères affaires qui consacrent leur autonomie financière et leur confèrent davantage de liberté de mouvement dans une société traditionnellement réservée aux hommes.

Pour légitimer leur intrusion dans les milieux des affaires traditionnellement réservés aux hommes, elles feront valoir les conduites exemplaires de certaines épouses du Prophète et de ses compagnons qui furent des commerçantes vertueuses et emblématiques pour la communauté musulmane toute entière. Elles feront également largement usage du principe de la séparation des biens consacré par le Coran et la Charia pour légitimer le droit des femmes d’être propriétaires attitrées de biens matériels parmi lesquels des capitaux et autres actifs sociaux. Autant d’arguments qui font merveilleusement recette dans une société profondément sensible et à l’écoute des argumentaires religieux.

Admirées pour leur réussite, bon nombre de jeunes algériennes n’hésitent plus à suivre le chemin de leurs aînées en tentant elles aussi leur chance dans ce type de business, en commençant par le «commerce de la valise», peu risqué et requérant peu de capitaux. Il constituera pour bon nombre d’entre elles le point de départ d’une «succès story» qui changera positivement le cours de leur vie en les propulsant, à terme, au rang de respectables cheftaines d’entreprises. On a pu le constater à l’occasion de nos déplacements en Turquie, en France et dans certains pays arabes, les algériennes en «voyage d’affaires» constituent une part non négligeable des passagers empruntant les lignes aériennes concernées.

Même si, précisent nos sociologues, certaines ne jouent que le rôle de simples «mulets» assurant seulement le transport pour le compte de revendeurs ou de gros importateurs informels installés en Algérie, il est bien évident que toutes ces «trabendistes» y trouvent leurs comptes en engrangeant des revenus non négligeables qui les aideront, selon le cas, à améliorer l’ordinaire de leur famille et, parfois même, à lancer leur propre affaire.

Et même si le modèle patriarcal qui prévaut aujourd’hui encore en Algérie continue à sévir à l’encontre des femmes sujettes à un contrôle social coercitif, le commerce informel continuera longtemps encore à exercer sur elles une certaine fascination, car il constitue l’espoir de toute une frange de la population féminine en désespoir, auxquelles les portes du travail légal et de l’émancipation sociale sont fermées.

Nordine Grim


 

Femmes chefs d’entreprise en Algérie

l’entrepreneuriat féminin face à la persistance des préjugés

Malgré tous les dispositifs d’aide à la création d’entreprises, la dernière enquête socioéconomique de l’ONS révèle qu’à peine 6% des dirigeants d’entreprises algériennes sont des femmes.

Par ailleurs, avec 75% de femmes diplômées de l’enseignement supérieur et plus de 50% de la formation professionnelle, il est clair que ces dernières sont en moyenne plus diplômées que les hommes. Alors que le diplôme ne constitue pas leur meilleur atout, les femmes ayant envie de créer leur entreprise doivent encore s’armer d’endurance et de persévérance pour pouvoir s’affirmer en tant que dirigeantes, surtout dans des secteurs typiquement masculins. Etre une femme chef d’entreprise en Algérie relève du parcours du combattant. Est-ce l’esprit d’entreprise qui manque, ou alors la faute à la persistance des préjugés et au poids des stéréotypes ? Les femmes algériennes seraient-elles encore aujourd’hui victimes de barrières mentales qui les empêcheraient de percer dans le monde des affaires ?
Hind Slamani


 

Naïla Bennaceur Merouane. General Manager chez UM (société du groupe IPG)

«Les préjugés ne sont pas spécialement présents en entreprise»

«Chez UM, nous sommes presque que des femmes», déclare notre interlocutrice Naïla Bennaceur merouane, qui après des études supérieures en France en mathématiques et statistiques, est rentrée en Algérie en 2005 et a intégré une agence média locale pour prendre en charge, en 2009, la direction de la société UM du groupe IPG ; une agence spécialisée dans le conseil média, présente dans plusieurs pays à travers le monde.

-D’après votre expérience, que pouvez-vous nous dire sur la participation de la femme à l’activité économique en Algérie ? Quelles sont les difficultés et les opportunités liées à cette participation ?

La participation de la femme à l’activité économique est indispensable. Les femmes apportent sur beaucoup de questions une vision différente, parfois plus pragmatique, qui permet à tous d’avancer et de s’améliorer. Dans bien des cas, le progrès économique et social des sociétés s’est accompagné de la participation des femmes à l’activité économique et l’Algérie, je l’espère, n’échappera pas à cette règle.

-Les statistiques révèlent que les femmes chefs d’entreprise en Algérie représentent un taux de 6%. Comment pouvez-vous justifier le fait que les femmes soient sous-représentées à la tête des entreprises ?

Ce chiffre peut paraître faible en effet, mais il faut le mettre en regard avec la structure de la population active dans notre pays ; aujourd’hui, les femmes ne représentent qu’environ 20% de la population active en Algérie, je pense que la première barrière se situe à ce niveau. En France par exemple, les femmes chefs d’entreprise ne représentent que 16%, alors que 84% des femmes sont actives.

-Les femmes seraient-elles victimes de barrières mentales et de préjugés qui persistent du type : «Les femmes ne sont pas faites pour commander et avoir des responsabilités» ?

Même si je ne l’ai pas vécu personnellement, il est probable que dans certains secteurs ce soit le cas. Pour moi, les préjugés ne sont pas spécialement présents en entreprise, mais au sein-même des familles et parfois même chez les femmes elles-mêmes.

-Il est vrai aussi que, pour beaucoup de femmes, il n’est pas évident d’accéder à ce type de poste ; pour des raisons sociales ou familiales, elles ne peuvent même pas imaginer accéder à ce type de fonction…

La solution viendra certainement d’une évolution globale de l’image des femmes dans notre société. Encore une fois, je pense que la première étape serait d’augmenter la part des femmes actives ; la tendance va dans ce sens : à l’indépendance, moins de 5% des femmes travaillaient ; aujourd’hui, nous sommes 20% et je pense que ce chiffre va continuer à évoluer positivement.
Quand les femmes seront présentes de manière plus importante dans le monde du travail, elles auront forcément de plus en plus accès à des postes de haute responsabilité

-Quels sont, selon vous, les facteurs-clés de réussite pour une femme dans le monde des affaires en Algérie ?

A mon avis, ce sont les mêmes que pour les hommes : le travail, l’ambition, la rigueur et la passion.

Hind Slamani


 

Ouhila Djebari. Manager de Algerian Trade & Exhibitions

«La femme entrepreneuse doit s’armer de beaucoup d’endurance et de persévérance»

Ouhila Djebari est à la tête de la SARL Algerian Trade & Exhibitions. Avec un effectif de 10 employés, son entreprise est spécialisée dans l’organisation d’événements professionnels, notamment des événements d’envergure internationale tels que la semaine de l’énergie en 2006, la conférence et exposition internationale sur les ressources minières en 2007, ainsi que le congrès mondial sur le gaz naturel liquéfié en 2010, et la conférence internationale «corporate ambassador program» ayant pour objectif le développement de l’entrepreneuriat féminin dans la région MENA.

-Que peut-on dire aujourd’hui sur le statut de femme chef d’entreprise en Algérie ?

Une anecdote : souvent, quand je suis à la réception du bureau et qu’un visiteur arrive pour la première fois, il me demande à voir «le patron»… ; mais, malgré cela, la femme chef d’entreprise en Algérie a les mêmes opportunités et droits qu’un homme. A elle de saisir sa chance et démontrer son aptitude, elle doit conjuguer avec plus de difficultés que ceux imposés aux hommes, mais la société l’a forgée sur cette base, donc cela fait partie de son quotidien.

-Quels sont les avantages liés à ce statut ? Autrement dit, en Algérie, est-ce que le fait d’être femme présente des avantages dans le monde des affaires ?

Sincèrement non, mais comme en ce moment on fait de l’équité du genre et de la parité un phénomène de mode et un faire-valoir dans le monde moderne, aux femmes de saisir cette opportunité pour obtenir leurs droits et essayer de se positionner à tous les niveaux. Mais aussi, les femmes commencent à bénéficier de beaucoup de crédibilité quant à leur sérieux et à leur efficacité, de manière implicite, et surtout au sein des entreprises privées ou étrangères les femmes sont privilégiées durant le recrutement, mais pas souvent pour les postes de responsabilité.

-Y a-t-il des domaines qu’on peut qualifier de plus accessibles que d’autres pour une femme dans le contexte algérien ?

A part la coiffure, la manucure ou la couture, la femme est très présente dans l’enseignement et la médecine (des métiers éthiquement convenable) ; c’est rassurant de voir dans de petits villages dans les zones les plus recluses des femmes enseignantes et médecins, pour le reste c’est à la femme de faire valoir ses droits.

-Quelles solutions préconisez-vous pour vaincre les stéréotypes ?

Je pense que le temps, la nécessité et la volonté des femmes le feront naturellement ; on ne peut pas aller plus vite que la musique, mais on peut changer de compositeur… un travail de fond doit être fait pour que les générations à venir (femmes) ne soient plus conditionnées dans le choix de formation et de carrière par des contraintes sociétales, mais par des affinités personnelles.

-Quels sont les outils susceptibles de promouvoir l’esprit d’entreprise des femmes ?

Les outils de communication tels que la télévision et la radio. Pas que des émissions ou des reportages mais aussi des séries ou téléfilms pour banaliser et démystifier «la femme entrepreneuse». L’école et l’université à travers des ateliers ou conférences. Nos jeunes filles sont conditionnées pour chercher un travail, pas pour réfléchir à la possibilité de monter leur propre business, et ce, même si toutes les facilités existent. Eventuellement des pépinières d’entreprises, le coaching ou le parrainage de porteuses de projet par des seniors dans le même secteur, tous les moyens sont bons. Il suffit juste de bonnes volontés et surtout être prédisposée à préparer la relève.

Hind Slamani


 

Khedidja Belhadi. Présidente fondatrice de l’Association des algériennes managers et entrepreneuses (AME)

«La promotion de l’entrepreneuriat féminin n’est pas une simple vue de l’esprit»

AME est une association professionnelle à caractère économique de femmes algériennes managers et entrepreneuses. Sa présidente, Khadidja Belhadi, est propriétaire Gérante de l’entreprise Edecor. Diplômée en psychologie industrielle et en OST (Organisation scientifique du travail), formatrice en management des PME/PMI (GTZ Allemagne), Khedidja Belhadi possède un Certificat en gestion et management (Université d’Aix. II Marseille) et un Certificat en gestion et marketing (MEET US USA).

-Pouvez-vous nous communiquer quelques informations chiffrées en ce qui concerne les adhérentes à l’association ? Le nombre d’adhérentes, les tranches d’âge, leurs profils, leurs motivations, les secteurs dans lesquels elles sont le plus présentes… ?

L’Association compte quelque cinq cents membres (500) sur l’ensemble du territoire national, qui compte quelque 9000 femmes d’affaires. Dans le cas de notre association, ce sont soit des femmes entrepreneuses qui possèdent leurs propres affaires, ou des femmes qui évoluent à des niveaux de responsabilité dans l’administration, les institutions et diverses organisations économiques et financières, ou bien des femmes porteuses de projets à titre privé ou dans le cadre de coopératives.

Nous avons un fichier de suivi des membres qui est en constante évolution. Pour votre information, notre association vient de lancer un projet de construction d’une plateforme opérationnelle d’information et de communication avec un grand bureau national de communication, et avec le soutien de la Banque africaine de développement (BAD), à travers laquelle nous comptons innover en matière de communication et sortir du «flou statistique» dont souffrent nos associations. Dans au plus tard deux mois, vous pourrez nous sonder à partir de votre écran, et peut-être vous joindre à nous si notre projet vous intéresse.

-Que pouvez-vous nous dire sur la place de la femme dans la participation à l’édification économique et sociale de la société algérienne ?

Rappeler certaines choses permettrait de ramener au niveau du conscient notre triste réalité. Sur une population en âge d’activité (15 ans et plus) de 26 663 000 d’algériens, 49,6% sont des femmes, avec 11 millions inactives (les femmes au foyer représentent plus de la moitié de cette population). Toujours en matière d’emploi, la population occupée en 2010 était estimée à 9 735 000 personnes où les femmes représentaient 15,1% de la population totale occupée, soit un effectif de 1 474 000 personnes, réparti également entre secteurs public et privé. Dans le paysage économique, les femmes d’affaires comptent pour 8% des registres de commerce recensés en 2011. Soit un nombre de 111 094 registres détenus par des femmes, contre 1 275 166 registres de commerce en cours de validité.

Quant aux difficultés de participation, la femme d’affaires les partage également avec les hommes en matière de financement et d’accès à la commande publique, sauf qu’en nombre elles sont très peu nombreuses à partager le privilège de contribuer au défi du développement.
Les opportunités sont immenses, si l’on considère le réservoir potentiel des femmes instruites, en âge et en condition de travailler, on se rend compte que la promotion de l’entrepreneuriat féminin n’est pas une simple vue de l’esprit.
Hind Slamani


Hassiba Sayah. Manager, consultante, MDEconsult

«J’avoue avoir eu les mêmes chances que les hommes»

Hassiba Sayah est la fondatrice et gérante de l’entreprise de conseil MDEconsult active dans l’économie verte avec un effectif de 9 employés ; elle exerce également en qualité de représentante régionale zone Afrique, au sein d’une association internationale basée en Allemagne (Premanet) pour la protection de l’environnement.

-Parlez-nous de votre parcours professionnel ainsi que des difficultés et des opportunités que vous avez rencontrées tout au long de ce
parcours ?

A l’issue de mes études universitaires, j’ai travaillé comme cadre commercial en entreprise, tout en perfectionnant ma formation. J’ai ensuite intégré l’enseignement universitaire. Parallèlement, j’enchaînais des missions professionnelles dans des programmes de coopération en Algérie et à l’étranger en qualité de consultante. Cette étape de ma carrière m’a conduite à créer ma propre entreprise, en mettant à profit mon expertise. Concernant les difficultés, j’en ai rencontrées, notamment en début de parcours, compte tenu de mon choix lié au domaine du conseil, à une période où le marché pour ce type d’activité n’était pas encore développé.

D’autre part, j’ai été confrontée aux problèmes que les femmes rencontrent quand elles doivent concilier entre la vie de famille et la profession. Les principales opportunités qui se sont présentées à moi se résument aux diverses formations dans le cadre de programmes de coopération allemande, qui m’ont permis d’intégrer un large réseau professionnel et de participer à des projets d’envergure internationale tout en renforçant mes références. Ceci, sans oublier les facilitations obtenues lors de la création de mon entreprise à travers le dispositif Ansej.

-Quelles solutions préconisez-vous pour faire face à la persistance des préjugés ?

Quand vous posez à un enfant algérien (fille ou garçon) une question sur son emploi futur souhaité, dans la majorité des cas il vous répondra médecin ou ingénieur, mais très rarement chef d’entreprise. Je pense que la solution commence par l’amélioration du système éducatif en intégrant la notion d’entrepreneuriat dans les cours. Mettre en avant la réussite et les success stories dans l’entreprenariat et plus particulièrement celui des femmes. Dans ce cadre, le rôle des médias et de la société civile est extrêmement important dans la promotion de la femme en tant dirigeante au même titre que l’homme.
Hind Slamani