La loi à l’épreuve de la pratique sociale

Quelques avancées ont été enregistrées dans les textes

La loi à l’épreuve de la pratique sociale

El Watan, 8 mars 2016

Le 8 Mars, une date et une journée pour observer une halte et faire le point sur l’évolution de la situation de la femme algérienne.

Depuis l’indépendance de l’Algérie, à travers le mouvement féministe, elle lutte pour arracher ses droits. Son cheval de bataille était et demeure la reconnaissance réelle et effective de sa citoyenneté et une égalité en droit avec l’homme. Cet objectif n’a pas encore été atteint malgré des avancées progressistes enregistrées dans le domaine social.

Certes, la femme a arraché de par ses luttes des acquis considérables, mais beaucoup reste à faire. Pour certains, la priorité, aujourd’hui, est de gagner la bataille de la société alors que d’autres considèrent que la société algérienne n’est pas du tout rétrograde et que le problème réside dans la volonté politique.

En 2005, le président de la République avait décidé de revoir le code de la nationalité, une démarche qui permet dorénavant à la femme de donner sa nationalité à ses enfants. Aucune voix ne s’est élevée pour contester cette disposition, qui n’était pourtant pas une revendication sociale. «Lorsque le pouvoir décide, lorsqu’il y a une volonté politique réelle, le pouvoir ne rencontre aucun obstacle pour concrétiser les préoccupations des femmes», expliquent des représentantes d’associations féminines.

Nadia Chouitem, députée PT, estime qu’aucun parti et aucun Président n’a donné de cadeau à la femme ; tout ce qu’elle a obtenu, elle l’a arraché grâce à des luttes intenses. Mme Chouitem a rappelé qu’en 1984, il y a eu une grave régression à travers la mise en œuvre du code de la famille qui était en contradiction totale avec la Constitution et le combat des femmes. Structurées dans des associations, les femmes ont multiplié les manifestations pour réclamer son abrogation et demander l’amendement du code pénal afin de criminaliser les violences faites aux femmes. Ce travail a porté ses fruits et le pouvoir a répondu favorablement à leurs doléances.

Le texte de loi sur la criminalisation des violences faites aux femmes a connu des réticences de la part des islamo-conservateurs, mais le Parlement a pu l’adopté et il a fini par être promulgué au Journal officiel. Cette loi prévoit de lourdes peines pour les actes de violences et punit sévèrement les actions de harcèlement de rue. Soumia Salhi, syndicaliste, pense que le pouvoir a lâché du lest parce qu’il a pris en compte l’évolution de la société ainsi que la situation des familles.

Changement dans les textes

Une mise à jour des dispositions législatives s’imposait au regard de la place qu’occupe désormais la femme dans la société. «50 ans après l’indépendance du pays, il y a eu des changements conséquents. Il fallait impérativement accompagner ces transformations par l’introduction de réformes. D’où l’abrogation du code de la famille, du code pénal criminalisant le harcèlement sexuel, le code de la personnalité, puis la criminalisation des violences faites aux femmes. Ces points représentent une avancée», note Mme Salhi, précisant que le défi à relever aujourd’hui est de parvenir à une égalité entre homme et femme et à lutter pour bouleverser les pratiques sociales. «Nous devons gagner la bataille de la société», pense Mme Salhi.

D’autres femmes estiment que la bataille qu’il faut aujourd’hui gagner c’est la bataille politique. Pour elles, les textes ne suffisent pas dès lors que dans la pratique, il subsiste des contradictions et de la discrimination, notamment dans la politique de l’emploi de par sa précarité et la violence de la législation sociale. «Aujourd’hui, nous ne sommes pas dans un processus progressiste. Nous constatons une discrimination envers les cadres, un harcèlement dans le domaine du travail, la femme est maintenue dans une situation vulnérable», note Nadia Chouitem.

Pour certaines femmes, l’idéal n’est pas d’apporter quelque modification au code pénal, mais de changer le statut de la femme pour qu’elle ne soit plus considérée comme une citoyenne de seconde zone. Néanmoins, le 8 Mars reste une journée de lutte internationale, une date pour rappeler l’histoire et le parcours des Algériennes et nul n’a le droit de le transformer en une journée de folklore et de le vider de son contenu.
Nabila Amir