Colloque sur “la prise en charge des femmes victimes de la violence extrême” interdit

Colloque sur “la prise en charge des femmes victimes de la violence extrême”

La rencontre interdite par le ministère de l’Intérieur

Souhila Hammadi, Liberté, 25 mars 2006

Un colloque sur la “prise en charge des femmes victimes de la violence extrême”, qui devait se tenir jeudi à la salle de conférences de l’EGT centre d’El-Hamma, a été interdit quelques minutes à peine avant l’ouverture des travaux.
Les 200 invités et les cinq associations organisatrices de la rencontre (Sarp ou Société algérienne pour la recherche en psychologie, SOS femmes en détresse, Bnet Fadhma n’Soumer et deux ONG françaises, Batic International et Clef ou Centre de liaison pour l’emploi et la formation) ont été surpris par la décision des autorités nationales. “Nous sommes sidérés par cette interdiction, parce que nous sommes légalistes. Nous ne devions que rendre compte du bilan du programme Anima, financé par la Commission européenne, qui a pris en charge des femmes victimes de la violence terroriste”, nous a expliqué Rachid Aït
Si Salem, président de l’ONG Clef. “Pourtant, pour éviter l’équivoque, nous avons préféré utiliser l’expression violence extrême, au lieu de violence terroriste, après la mise en œuvre de la charte”, a ajouté Houria Saouchi Yaha, directrice de la structure parisienne de l’association susmentionnée. Elle a précisé que les initiateurs du programme ont pris le soin, au démarrage de leur travail, de rencontrer des responsables du ministère de la Solidarité nationale. “Nous voulions avoir, avec ce ministère, une convention qui reconnaîtrait une existence légale aux deux ONG étrangères, afin qu’elles puissent créer des antennes à Alger. La convention-cadre n’a été finalement signée que le 22 mars, soit la veille du colloque. Nous n’avions pas l’agrément du ministère de l’Intérieur .”
À vrai dire, aucune demande n’a été introduite auprès des services de la wilaya et du département dirigé par Yazid Nourredine Zerhouni. “La Sarp a l’habitude d’organiser des rencontres publiques dans la salle de l’EGT sans demander la moindre autorisation”, a indiqué Mme Saouchi Yaha.
Cette fois-ci, un article de presse, paru dans l’édition de jeudi d’un journal arabophone, qui affirmait que des associations féminines se rencontrent clandestinement à El-Hamma pour débattre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, aurait incité les autorités nationales à interdire la tenue du colloque. “Nous souhaitons un simple report de cette activité. Malheureusement, notre contrat avec la Commission européenne expire le 27 mars. Nous introduirons, auprès de la Commission européenne, une requête pour avoir un délai supplémentaire”, a soutenu notre interlocutrice. Il faut croire que le projet, en cours depuis trois ans et demi, est assez ambitieux.
D’abord par son financement : environ 700 000 euros, assuré à hauteur de 80% par la Commission européenne. Et puis par ses objectifs atteints : prise en charge, au plan psychologique et social, de 954 femmes victimes du terrorisme (viols, biens détruits, témoins de massacres ou proches de personnes disparues) et 450 autres bénéficiaires indirects (enfants et maris). “La demande est énorme. Mais nous étions limités par les ressources dont nous disposions”, a rapporté la jeune femme. Les trois associations, partenaires du projet, se sont employées à assurer l’accompagnement psychologique et juridique des victimes suivies, mais aussi à créer des activités génératrices de revenus.
Batik International et Clef œuvraient au renforcement des capacités d’action de ces organisations, en les faisant participer à des séminaires de formation. “Nous avons élargi la formation à une vingtaine d’associations pour faire profiter un maximum d’acteurs de la société civile”, a souligné Mme Houria Saouchi Yaha. “Nous voulions leur apprendre les mécanismes de recherche de financement. Effectivement, cinq associations, sur les vingt qui ont suivi les formations, ont réussi à monter des projets en trouvant des bailleurs de fonds”, a affirmé Rachid Si Salem. Au-delà, le programme a permis, selon Emmanuelle Ruart, coordinatrice du projet, de créer une trentaine d’emplois à plein temps et d’impliquer des dizaines de bénévoles.

S. H.