Convention sur les droits des femmes: L’Algérie maintient ses réserves

Convention sur les droits des femmes: L’Algérie maintient ses réserves

par Yazid Alilat, Le Quotidien d’Oran, 28 mai 2016

L’Algérie reste attachée à ses réserves sur certains articles de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), qu’elle a ratifiée en 1996. C’est ce qu’a affirmé jeudi devant le Conseil de la Nation le ministre des Affaires religieuses et des Waqfs, Mohamed Aïssa. «L’Algérie reste attachée aux réserves qu’elle a formulées au sujet des articles de la Convention internationale de lutte contre toutes formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), et qui sont contraires aux préceptes de la religion musulmane et à l’identité nationale». Le ministre a, dans sa réponse à une question orale d’un membre du Sénat, M. Hocine Saïdi, sur les effets des réserves de l’Algérie à la CEDAW, indiqué que l’Etat «est conscient de la sensibilité de la question» et que «les réserves émises par l’Algérie sont maintenues». Le 30 mars dernier, la ministre de la Solidarité nationale, de la Famille et de la Condition de la femme, Mounia Meslem, avait expliqué, face aux appels de certaines ONG algériennes et internationales pour la levée des réserves de l’Algérie à l’égard de la CEDAW, que «la révision des réserves de l’Algérie concernant certains articles de (cette Convention) se fera dans le strict respect de la charia», en particulier «la Kafala» et la présence du tuteur de la femme pour le mariage. Elle a ajouté que «la révision des réserves de l’Algérie concernant certains articles de cette convention et à laquelle a appelé le président Bouteflika dans son message à l’occasion de la Journée mondiale de la femme se fera dans le strict respect de la charia». Le président Bouteflika avait lancé un appel aux instances habilitées les invitant à reconsidérer les réserves de l’Algérie concernant certains articles de la Convention «en adéquation avec les acquis réalisés en matière de promotion et de protection des droits de la femme», mais que «ces réserves doivent en effet être reconsidérées dans le strict respect de la charia». L’Algérie a voté cette convention qui compte 30 articles tout en formulant des réserves à l’égard de certains, notamment en ce qui concerne l’égalité des sexes face au mariage, l’adoption d’enfants… C’est le 21 janvier 1999 que le Comité sur l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) avait examiné le rapport présenté par l’Algérie, qui a ratifié la Convention.

Dans son rapport, la FIDH estime que «le code de la famille algérien comporte plusieurs dispositions qui mettent à mal le principe d’égalité entre homme et femme; pour préserver dans sa législation des institutions discriminatoires telles que la polygamie et la répudiation, l’Etat algérien a émis de nombreuses réserves à la convention CEDAW. Ces réserves, en raison de l’étendue et de l’importance des thèmes qu’elles visent, sont incompatibles avec l’objet et le but de cette convention qui prohibe d’ailleurs ce type de réserve (article 28.2). Depuis le mois de septembre 1998, des amendements au code de la famille sont à l’ordre du jour de l’Assemblée populaire nationale et n’ont pas encore été adoptés. S’ils le sont, la situation de la femme algérienne sera améliorée sur certains points comme le sort du domicile conjugal en cas de divorce, la possibilité de saisie du salaire ou des biens de l’ex-mari… mais la femme sera néanmoins maintenue dans un statut d’inégalité par rapport à son mari, incompatible avec les termes de la Convention. Ainsi, par exemple, l’époux restera en tout état de cause le seul à pouvoir exercer la tutelle sur les enfants». Depuis, bien des changements ont été adoptés et introduits pour l’amélioration de la condition de la femme algérienne. Le ministre des Affaires religieuses relève par ailleurs qu’à la faveur de cette position, «toutes les appréhensions à ce sujet ont été dissipées», et, «même vingt ans après l’adoption de ce document, il n’a été constaté aucun dérapage comme le mariage sans l’approbation du tuteur ou autre». Il y a en fait «une nécessité de soutenir les efforts consentis en Algérie pour préserver les droits de la femme sur la base de l’égalité des sexes et de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales», estime le ministre qui a rappelé le message du président à la Journée internationale de la femme. Dans ce message, M. Bouteflika avait affirmé que «l’Islam préserve indéniablement les droits de la femme et que les réserves qui doivent être levées sont celles qui sont en conformité avec l’amendement constitutionnel et ne touchent aucunement aux préceptes de la religion ou aux fondements de l’identité nationale».

En clair, pour M. Aissa, la polémique suscitée par la position de l’Algérie vis-à-vis de la CEDAW «n’est qu’une sortie médiatique et partisane vaine et sans aucun fondement». Mieux, «le gouvernement poursuivra ses efforts en matière de promotion et d’insertion de la femme pour garantir son émancipation et consolider ses droits», et que l’exécutif lutte «contre toute forme de violence à l’égard des femmes, en renforçant les instruments de protection juridique et les mécanismes de contrôle». En outre, la dernière révision constitutionnelle a permis «un saut qualitatif dans ce domaine en ouvrant la voie à la femme pour occuper de hautes responsabilités et en élargissant la représentation féminine dans les assemblées élues et autres», selon le ministre des Affaires religieuses qui a rappelé également que «la position du ministère des Affaires religieuses et des Wakfs (sur cette Convention) est celle du gouvernement».

Par ailleurs, M. Mohamed Aïssa a expliqué, concernant la nécessité de définir des règles claires pour la prière des Tarawih lors du mois sacré du ramadhan, que son ministère «s’abstient d’interférer dans la gestion des affaires internes des mosquées, de fixer la durée de la prière des Tarawih ou des sourates précises ou encore imposer aux imams une méthode à suivre dans la pratique de cette prière, qui serait différente de celle qu’ils ont apprise de leurs chouyoukh ou enseignants». En fait, explique-t-il, le rôle du ministère «se limite uniquement à accompagner la mosquée et à former des imams qui sachent guider les fidèles et leurs faciliter la pratique religieuse».