Violence contre les femmes : Ce n’est pas l’apanage des grandes villes

Violence contre les femmes : Ce n’est pas l’apanage des grandes villes

El Watan, 18 octobre 2009

Des dizaines ,voire des centaines de femmes sont quotidiennement violentées, battues, insultées, humiliées, soit par leur conjoint, leur ex-mari, leur frère ou bien leur père. Les violences touchent toutes les catégories sociales. Parmi les victimes, on trouve des épouses de cadres supérieurs, des femmes qui ont suivi un cursus universitaire, comme on trouve des mères au foyer.

Aujourd’hui, en Algérie, le phénomène de la violence contre les femmes commence à être connu. Ce n’est plus un tabou puisque les langues commencent à se délier, mais la prise de conscience reste limitée, car un certain déni subsiste et très peu d’organismes sont mobilisés pour apporter une aide aux victimes. Ce constat a été fait hier par de nombreuses intervenantes lors du séminaire organisé par le Centre d’information et de documentation sur les droits de l’enfant et de la femme (Ciddef), autour du thème « La prise en charge des violences faites aux femmes ». Le Ciddef a mis en place un projet permettant de réunir les cas de violence contre les femmes identifiées au niveau des différents centres d’écoute. Dans le projet, présenté hier par Mme Marie-France Grangaud, il est mentionné que les centres d’écoute sont fédérés en réseaux et ont adopté un canevas commun de recueil des données. Quant au Ciddef, il intervient comme prestataire de services pour mettre en place les outils techniques nécessaires. Le réseau porte le nom de Balsam. L’intérêt de ce projet, selon ses initiateurs, est la valorisation du travail d’écoute qui se réalise, il permet aussi un enregistrement assez complet des cas des femmes qui s’adressent au centre, il est pérenne et révèle des cas de violence souvent tus.

Avant de détailler le contenu du projet, Mme Grangaud a précisé qu’au moment de la réalisation du projet, le réseau a travaillé sur 150 cas de femmes victimes de violence et l’analyse a porté successivement sur les caractéristiques des femmes victimes, puis celles des agresseurs pour aborder en troisième lieu l’analyse des violences elles-mêmes et enfin l’analyse des effets des violences et des réactions des victimes. Les femmes victimes de violence, qui ont fait appel à un centre du réseau, sont en grande majorité des femmes instruites : 50% ont un niveau secondaire ou universitaire, 23% un niveau moyen, 18% un niveau primaire et 10% seulement sont sans instruction. Ces données montrent que même les femmes instruites peuvent être et sont effectivement victimes de violence. S’agissant de leur profession : 68% des victimes sont des femmes au foyer, 6% des employées, les cadres moyens sont au nombre de 6% et figurent parmi les femmes violentées des cadres supérieurs avec un taux de 4%. 58% des femmes violentées sont mariées, 12% divorcées, 23% des célibataires, la majorité de ces femmes a un ou plusieurs enfants.

La violence, d’après Mme Grangaud, n’est pas l’apanage des grandes villes mais elle existe dans des villages et même dans des haouchs. Maintenant, pour ce qui est de l’agresseur, les femmes violentées sont pour la plupart victime d’un seul agresseur, par contre d’autres le sont par deux ou plusieurs. 91% des agresseurs sont des hommes, soit le conjoint, l’ex-mari, puis vient en second lieu avec 10% chacun, le père et le frère, et enfin d’autres membres de la famille. En outre, dans 5% des cas, les femmes sont violentées par des femmes notamment, l’épouse du père, 56% des femmes violentées subissent des violences physiques, les coups dominent le tableau des violences, les violences psychologiques se déclinent en une infinité de formes : insultes, menaces, remarques dévalorisantes, harcèlement moral chantages, accusations variées… Pour ce qui est des violences sexuelles qualifiées de très graves : 69 cas ont été enregistrés, dont 6 viols et 5 tentatives de viol, 7 cas d’inceste (par le père, le grand-père, le frère et l’oncle), 7 cas d’harcèlement sexuel.

« Un huitième cas d’inceste commis par le père sur sa fille handicapée est signalé par la mère, elle-même victime de violences de la part de son époux », rapporte Mme Grangaud, qui énumère d’autres cas incestueux notamment celui d’un homme avec sa belle-fille ou alors les viols répétitifs, avec la complicité du mari. Les organisatrices ont parlé également de la violence institutionnelle et salués l’enquête de prévalence, commanditée par le ministère chargé de la Famille et de la Condition féminine et réalisé en 2000, mais regrette que les résultats ne soient malheureusement pas publiés.

Par Nabila Amir