Transparency international classe l’Algérie à la 9AC2e place sur 140 pays

Transparency international classe l’Algérie à la 92e place sur 140 pays

Quand la corruption devient une fatalité…

El Watan, 24 septembre 2008

Le Qatar avec un indice de 6,5 et une place de 28e au rang mondial, arrive en tête du classement destiné aux pays arabes suivi des Emirats arabes unis, du Sultanat d’Oman et du Bahrain. Des pays dont les efforts de lutte contre la corruption, souligne l’ONG internationale, ont bien porté leurs fruits.

Fondé sur différents sondages et enquêtes dirigés par des organismes indépendants, l’Indice de Perception de la Corruption (IPC) évalue le niveau de corruption touchant les administrations et la classe politique sur une échelle de 0 à 10, la note dix étant le plus faible degré de corruption. Six années durant, l’Algérie n’a pas réussi à se départir d’un classement médiocre avec un indice de 3 et une 99e place en 2007, un indice de 3,1 et une 84e place en 2006, un indice de 2,8 et une 97e place en 2005, et une note de 2,7 sur 10 et une 97e place en 2004.

« La situation siociopolitique et économique catastrophique qui prévaut en Algérie depuis plusieurs années déjà n’a cessé de favoriser les conditions de l’explosion de la corruption à tous les niveaux », indique la section algérienne de Transprency International qui estime que « le retour en force d’un Etat policier, autoritaire, répressif et liberticide, est un des principaux indicateurs de ce maintien de l’Algérie parmi les pays cancres de la corruption au sein de la communauté internationale ». Le rapport de TI intervient à l’heure où même le chef du gouvernement a reconnu la situation de déliquescence touchant les administrations et institutions publiques au point d’émettre une circulaire le 13 juillet dernier instruisant les services de contrôle et de coercition d’être implacables dans les affaires liées aux malversations financières et à l’atteinte aux deniers de l’Etat. La section Algérie de TI doute toutefois de l’existence d’une réelle volonté politique de lutte contre la corruption.

« Le gré à gré fait le lit de la corruption »

« Les discours officiels et autres déclarations où le chef de l’Exécutif et son ministre de la Justice évoquaient leur intention de lutter contre la corruption, tout cela était de la poudre aux yeux destinée aux partenaires internationaux, et qui a surtout servi au plan interne à régler des comptes pour des luttes de pouvoir », précise le même document. En guise d’argumentaire, l’Association algérienne de lutte contre la corruption évoque le blocage qui a touché la création de l’agence gouvernementale contre la corruption malgré la publication de son décret de création il y a 22 mois. Autre preuve de laxisme dans la lutte contre la corruption, ajoute la même association, l’éclatement et la dispersion du processus de déclaration du patrimoine qui ne peut être appliqué sans mesure de suivi et de contrôle.

Outre ces exemples, l’Algérie continue de s’opposer au sein des Nations unies à la mise en place de mécanismes internationaux d’évaluation de l’application de la Convention des Nations unies contre la corruption. « L’énorme manne pétrolière entre les mains du pouvoir, dans pareil contexte, ne contribue qu’à entretenir cette corruption… la réglementation sur les marchés publics étant systématiquement détournée et le gré à gré, encouragé par le pouvoir central, étant devenu la règle dans nombre de ministères et au niveau des exécutifs de wilayas », note encore la lettre de TI- Algérie qui qualifie le décret présidentiel du 23 juillet dernier portant réglementation des marchés publics de « scandaleux » et vise « à libéraliser davantage le code des marchés… la commande publique, tant au niveau central qu’à l’échelle locale, ne sera presque plus régie par des règles à l’avenir, le gré à gré devenant la pratique dominante, au lieu d’être l’exception, ce qui va encore ouvrir plus largement le lit de la corruption à tous les niveaux ».

Pas de lutte contre la corruption sans contrôle parlementaire

L’évaluation de l’année 2008 de l’IPC fait ressortir qu’« aussi bien dans les pays riches que dans les pays pauvres, la lutte contre la corruption exige le bon fonctionnement des institutions publiques et de la société civile. Les pays pauvres sont minés par des systèmes judiciaires corrompus et l’inefficacité du contrôle parlementaire ». La présidente de TI, Huguette Labelle, explique que juguler la corruption « exige un contrôle étroit exercé par le Parlement, l’application effective des lois, l’existence de médias indépendants et d’une société civile dynamique ». Les pays riches sont aussi mis à l’index par ce même rapport où des entreprises européennes sont accusées de pratiquer la corruption à l’étranger. « La grande corruption dans les transactions commerciales internationales prend des proportions de plus en plus inquiétantes. Ce n’est pas un hasard si les relations économiques et commerciales de l’Algérie avec les 10 pays en tête de ce classement, à savoir le Danemark, la Suède, la Nouvelle-Zélande, le Singapour, la Finlande, la Suisse, l’Islande, les Pays Bas, l’Australie et le Canada, ne représentent même pas 1% de ses importations », indique la lettre de la section Algérie de TI.

Comparatif par année

– 99e place en 2007 avec une note de 3 sur 10
– 84e place en 2006 avec une note de 3,1 sur 10
– 97e place en 2005 avec une note de 2,8 sur 10


Djillali Hadjadj (Président de la section algérienne de Transparency International)

« Le score de l’Algérie n’est pas une surprise »

– L’Algérie est le pays le plus corrompu du Maghreb et occupe la 10e place dans le classement des 18 pays arabes, selon les conclusions du rapport de Transparency International. Peut-on douter de la fiabilité de ces résultats comme pourraient le faire vos contradicteurs potentiels ?

– Il est sûr que le pouvoir en place n’apprécie pas du tout ce type de classement. Mais vous remarquerez que les résultats de cet Indice de perception de la corruption (IPC) correspondent parfaitement aux autres scores – tout aussi bas – qu’enregistrent l’Algérie dans divers classements internationaux qui évaluent les indicateurs de la bonne gouvernance, à l’image, entre autres, de ceux qui traitent de la compétitivité, du climat des affaires, du risque investissement, du risque sécurité et de la liberté de la presse. Mais pour ce qui est de l’IPC, le score de l’Algérie n’est pas une surprise : non seulement rien n’est fait par les pouvoirs publics pour contrer la corruption, mais bien au contraire des mesures aggravantes sont prises, dont la disparition, dans les faits, de la réglementation sur les marchés publics. Contrairement aux autres pays du Maghreb, plus particulièrement la Tunisie et le Maroc, la manne financière du pétrole paraît être une « malédiction » en Algérie.

– En parlant de l’Algérie toujours, vous affirmez que la corruption est « un instrument du pouvoir et de pouvoir ». Quels sont vos arguments pour l’étayer ?

– J’ajouterai que la corruption pour le pouvoir est aussi un instrument de règlement de comptes et des comptes entre les clans et les différentes factions qui les composent, civils et militaires. Par ailleurs, il y a un tel climat d’impunité au cœur même du pouvoir que les commis de ce pouvoir se croient tout permis, parce que protégés par leurs « parrains », à qui ces mêmes commis renvoient l’ascenseur pour bénéficier d’affaires juteuses, notamment en matière d’octroi de marchés publics. L’exemple même de l’affaire Khalifa et du procès de Blida, traités abondamment par votre journal, est édifiant à plus d’un titre quand on sait que nombre de personnes impliquées et issues de ce pouvoir ont pu, à ce jour, échapper à la justice. Comment peut-on expliquer aussi que le traitement judiciaire des affaires des ex-walis de Blida et de Tarf continuent de traîner en longueur, alors que les accusations sont plus qu’édifiantes ? La corruption comme instrument de pouvoir, nous la vérifions aussi avec la clémence criminelle dont bénéfice à ce jour le wali de Khenchela et un certain nombre de ses collaborateurs, alors que les charges contre lui, mises en exergue par notre association, sont extrêmement lourdes. Son maintien en place dans une région très pauvre est à la fois une prime à la corruption et une énorme provocation du pouvoir à l’encontre des populations les plus démunies qui souffrent des ravages de ce phénomène.

– Quels sont, selon vous, les moyens légaux de lutte contre ce fléau que le pays n’aurait pas mis en œuvre, justement ?

– Même si l’Algérie a fait une très mauvaise transposition en droit interne des Conventions des Nations unies et de l’Union africaine contre la corruption, les lois et décrets issus de la ratification de ces textes par l’Algérie ne sont pas appliqués, ce qui dénote, si besoin est, une totale absence de volonté politique pour lutter contre la corruption. Prenons quelques exemples. Pourquoi le gouvernement refuse-t-il à ce jour d’installer l’agence gouvernementale de lutte contre la corruption, créée il y a 22 mois par décret présidentiel ? Qui bloque cette installation ? Pourquoi le processus de déclaration de patrimoine est-il à l’arrêt et inappliqué à ce jour, alors que cela aurait pu être un instrument de prévention, de surveillance et de sanction de l’enrichissement illicite ? Pourquoi la cour des comptes est-elle gelée de fait depuis de longues années et son rapport annuel n’a été rendu public – alors que c’est une disposition légale – que deux fois en 28 ans d’existence ? Les moyens légaux existent pour lutter contre ce fléau, mais le pouvoir en place, parce que gangréné lui-même par les affaires, refuse de les appliquer.

Par Hocine Lamriben