Une commission d’enquête constate que le marché intérieur est une jungle

Algérie – Une commission d’enquête constate que le marché intérieur est une jungle

Kamel Hamzi, Maghreb Emergent, 14 Novembre 2011

La commission d’enquête parlementaire mise en place pour enquêter sur les causes de la pénurie et des hausses de prix des produits alimentaires fait un constat d’une affligeante banalité : le marché intérieur est une jungle et les mécanismes de contrôle sont inefficaces. Les grossistes n’ont pas daigné répondre à l’invitation de la commission d’enquête. Son président ne sait pas pourquoi !

Les mécanismes de contrôle du marché intérieur ne sont pas efficaces. Le constat est établi par la commission d’enquête sur la pénurie et la hausse des prix de produits alimentaires (céréales, lait, sucre et huiles) créée, il y a six mois, par l’Assemblée populaire nationale (APN), chambre basse du Parlement. La commission, dirigée par Kamel Rezgui (FLN) a remis dimanche 13 novembre son rapport au président de l’APN, Abdelaziz Ziari. « Ce rapport est couvert de confidentialité jusqu’à ce que l’Assemblée nationale décide de sa publication », a déclaré Kamel Rezgui à la chaîne III de la radio algérienne. « Les mécanismes de contrôle de l’Etat ne sont pas efficients. Le marché informel occupe une grande place. Il n’y a pas de facturation. On refuse d’utiliser le chèque. Les opérateurs économiques, eux-mêmes, disent qu’ils ne maîtrisent pas leurs distributeurs ce qui n’est pas normal » a-t-il soutenu. Selon lui, l’Etat n’est pas présent dans le circuit des huiles et du sucre. Cela est lié au fait que les unités publiques de production ont été privatisées depuis plusieurs années. « A travers les offices publics du lait et des céréales, l’Etat peut réguler le marché. Pour le sucre et les huiles, il faut trouver les moyens pour que l’Etat puisse intervenir », a-t-il souligné. Il s’agit, d’après lui, d’éviter les perturbations semblables à celles de janvier 2011 qui avaient été, selon la lecture officielle, à l’origine d’émeutes dans plusieurs régions du pays. Les grossistes n’ont pas répondu à l’invitation de la commission d’enquête parlementaire. «Nous ne connaissons pas les raisons de cela. Nous attendons la réponse du ministère du commerce. Cela nous a créé un petit vide dans notre enquête », a reconnu Kamel Rezgui. Il a expliqué que les membres du gouvernement, les opérateurs économiques et les représentants des administrations douanières et fiscales ont tous répondu à l’invitation.

Des prérogatives de contrôle transférées à un conseil qui n’existe pas !

Dans son rapport, la commission a constaté que le marché, notamment celui des huiles et du sucre, connaît une situation de dominance. Celle-ci est reconnue en tant que telle lorsqu’un opérateur domine le marché à 40 %. Kamel Rezgui a regretté l’absence du Conseil national de la concurrence (CNC). Celui-ci devait être mis en place en 1995 et mis sous tutelle de la Présidence de la République. Depuis cette année, la loi a été amendée deux fois pour que le Conseil soit mis sous l’autorité du ministère du commerce. « Les prérogatives de contrôle du ministère du commerce ont été transférées à ce conseil, lequel n’existe pas encore !», a-t-il noté. Il a rappelé que l’Etat débourse chaque année 300 milliards de dinars pour soutenir le prix des céréales, lait, huiles et sucre. «Or, l’huile, la poudre de lait et le sucre ne servent pas uniquement à la ménagère. En dehors du pain, la semoule sert à faire des pâtes. L’Etat soutient donc les boissons, les yaourts, les pâtisseries, etc. Il faudrait qu’il ait un contrôle pour tracer l’utilisation de ces matières. « Trouvez-vous normal que riches et pauvres, algériens ou étrangers achètent tous le sachet de lait à 25 dinars ? », s’est-il interrogé. La commission parlementaire a recommandé l’organisation d’un débat national pour revoir le système de subventions. « Il vaut mieux soutenir la production que la consommation. Il faut élaborer un fichier des démunis pour que le soutien de l’Etat aille à ces catégories », a préconisé Kamel Rezgui.