Restrictions sur les importations: Le gouvernement fait marche arrière

Restrictions sur les importations

Le gouvernement fait marche arrière

Le Soir d’Algérie, 15 août 2017

Pour arrêter la saignée des devises, Abdelmadjid Tebboune s’est attaqué surtout aux importateurs, en décrétant des restrictions draconiennes en matière de commerce extérieur. Mais, la riposte des tenants des intérêts menacés et leurs soutiens politiques l’ont vite contraint à faire machine arrière.

Lyas Hallas – Alger (Le Soir) – «Après avoir ordonné la libération ‘’sans délai’’ des marchandises importées avant l’instauration du régime des licences et qui sont en souffrance dans les zones sous-douane, le gouvernement a décidé d’appliquer la même mesure aux produits alimentaires et industriels dont l’importation a été suspendue en juillet», nous apprend hier le journal online TSA qui fait référence à une note de l’Association professionnelle des banques et des établissements financiers (Abef).
Ce faisant, les restrictions avaient touché des produits utiles, voire indispensables et il a fallu rectifier le tir. Mais, ce revirement du gouvernement, intervenant dans un contexte tendu où le Premier ministre fait l’objet d’un lynchage médiatique sans précédent, entame sérieusement son autorité. Et ce, indépendamment de l’inefficacité de l’administration qui serait allée un peu trop loin dans la besogne en appliquant le plan d’action du gouvernement. C’est le Premier ministre qui a donné le la à la campagne de rationalisation des dépenses en devises. Et non seulement il a surestimé la capacité de l’économie algérienne à approvisionner correctement le marché, mais il n’a surtout pas ménagé les hommes d’affaires qui disposent de relais puissants au sommet de l’Etat.
Or, à la prise de ses fonctions, il y a trois mois, Abdelmadjid Tebboune s’est distingué par deux annonces phares : l’interdiction de l’importation des produits superflus ou fabriqués localement ainsi que la révision du cahier des charges relatif à l’activité de montage des véhicules qui s’est avérée une importation déguisée. On a assisté déjà depuis quelques jours à l’allègement de ces mesures en libérant des marchandises bloquées aux ports et qui sont censées avoir été commandées avant l’entrée en vigueur des restrictions décrétées par le gouvernement. Dans ce contexte, il convient de rappeler qu’il n’est pas rare que les gouvernements algériens reviennent sur des décisions sensées ou qui paraissaient comme telles à la moindre contestation de la rue ou des tenants des intérêts menacés. Comme s’ils ne se sentaient pas assez légitimes pour imposer des mesures détestables, indépendamment du bien-fondé de ces mesures. On peut citer l’abrogation en 2011 du décret fixant la grille de classification dans la Fonction publique des nouveaux diplômes délivrés par l’université après sa réforme, le retour sur la suppression de la retraite anticipée, etc.
Tebboune, qui avait pour feuille de route d’empêcher l’argent de peser sur la politique, et, par conséquent, sur 2019, et, dans la même logique, réunir les conditions d’un rendez-vous politique sans problèmes, n’a pas manqué de susciter la méfiance du clan présidentiel qui voit dans sa démarche une tentative de réorganisation des réseaux d’affaires qui pourrait menacer plutôt les équilibres politiques en place. En s’acharnant sur la personne du patron de l’ETRHB Haddad, allant jusqu’à le chasser d’une cérémonie à laquelle il était officiellement invité en tant que président de la plus importante organisation patronale, le Premier ministre a provoqué une guerre ouverte. Une guerre qui a sorti le frère du Président de l’ombre pour exprimer sa solidarité avec le patron du FCE.
Ceci dit, peut-on s’attendre au limogeage de Tebboune comme le prédisent certains ? Personne n’a intérêt à le faire à court terme, cela ferait désordre et accréditerait à jamais l’idée que ce sont les forces de l’argent qui tiennent la décision en Algérie. Mais qu’en est-il des autres mesures prises pour réguler le commerce extérieur comme le contingentement des importations ? Seront-elles maintenues ou renforcées au retour de Tebboune de son congé ? En son absence, le ministère du Commerce a, en tout cas, fait machine arrière en revenant sur certaines restrictions.
L. H.