Financement extérieur : Recours exceptionnel ou interdiction définitive ?

Financement extérieur :

Recours exceptionnel ou interdiction définitive ?

par Lamine Bey Chikhi, Le Jeune Indépendant, 3 janvier 2007

«Nous n’avons pas chassé la dette par la porte pour la laisser revenir par la fenêtre…» C’est en substance ce qu’a déclaré le président Bouteflika dans son discours du 26 décembre 2006 devant les cadres de la nation, au sujet de l’endettement extérieur, mettant en garde contre toute démarche visant à contourner, par divers subterfuges techniques ou autres, l’interdiction de recourir au financement extérieur.

II ne serait en effet pas logique ni économiquement censé de réintroduire le financement extérieur pour le paiement des importations ou l’accompagnement de projets d’investissement, après avoir engagé massivement des ressources financières pour le remboursement anticipé de la dette extérieure et ramené son encours à 4 milliards de dollars.

Au surplus, cet encours lié à des crédits de type acheteur contractés directement par des entreprises avec la garantie de leurs banques, ou conclus puis rétrocédés par les banques publiques, fait actuellement l’objet de discussions pour son éventuel remboursement anticipé dans le cadre du mécanisme de la conversion en crédit interne à moyen terme en faveur des débiteurs.

Pour autant, de nombreux points restent à clarifier au sujet des dispositifs de prévention et de supervision en rapport avec les modalités de financement de notre commerce extérieur et des investissements dits productifs. L’instruction Ouyahia du 5 avril 2005 relative aux emprunts extérieurs ne prohibe pas le recours aux crédits concessionnels, autrement dit les crédits assortis de conditions préférentielles en matière de taux d’intérêt et de durée de remboursement.

Ces financements devant toutefois être préalablement approuvés par le Conseil des ministres. La même instruction ne dit mot des crédits extérieurs commerciaux ou assimilés qui viendraient à être contractés par le secteur privé sans la garantie des banques ou par des banques privées pour le compte de leur clientèle.

Ces exceptions (crédits concessionnels et crédits commerciaux du secteur privé) au principe de l’interdiction du recours au financement extérieur ne relativisent-elles pas la portée stratégique et les finalités macroéconomiques de la politique de désendettement engagée par l’Etat ? Faut-il, au contraire, comprendre que les pouvoirs publics maintiennent délibérément la possibilité du recours à un endettement contrôlé, ciblé, circonscrit au secteur privé et en phase avec à la fois les exigences du marché et celles de la mondialisation ? S’agissant des crédits dits concessionnels, il faut rappeler que la plupart d’entre eux, dont en particulier ceux consentis par la Banque africaine de développement, ont été remboursés par anticipation en 2004 non seulement parce que les moyens financiers de l’Algérie le permettaient, mais aussi et surtout parce qu’ils se sont révélés exorbitants et, dans la pratique gestionnelle les concernant, totalement à contre-courant du discours initial louant leurs avantages.

De nombreux opérateurs ont du reste fait les frais de ce que nous appellerions la fausse concessionnalité des crédits multilatéraux, se retrouvant dans l’incapacité d’honorer leurs obligations de remboursement avant d’être contraints par leurs banques à des procédures contentieuses longues et coûteuses.

Il convient aussi de souligner que des lignes de crédit relevant de cette catégorie avaient été conclues par l’Algérie avec la garantie de l’Etat sans une sérieuse étude de rentabilité et surtout sans une évaluation stratégique à la fois économique, financière, juridique et managériale.

Au demeurant, la décision prise de les rembourser par anticipation confirme a posteriori les insuffisances qui ont marqué les processus décisionnels à l’origine de la mise en place de ces lignes de crédit. L’incertitude continue d’ailleurs de peser sur la position que nos institutions se doivent d’adopter par rapport à ces financements qui restent certes réglementairement autorisés sous réserve d’un accord du Conseil des ministres, mais qui n’ont toujours pas fait l’objet de l’analyse critique que leurs mécanismes et leurs conditions auraient dû générer à la lumière de leur pratique par les banques algériennes depuis près de deux décennies.

En ce qui concerne les crédits commerciaux (différés de paiement considérés comme dettes à court terme, crédits fournisseurs, crédits leasing, sur des durées de 3 à 5 ans…) contractés par des opérateurs privés sous leur seule responsabilité juridique, il y aurait peut-être lieu d’en réexaminer l’opportunité compte tenu des objectifs de fond recherchés à travers la politique de désendettement prônée par l’Etat, notamment en matière de sécurité financière.

Et c’est parce que ces objectifs de fond transcendent la seule interdiction de principe, ou les approches qui tenteraient de justifier le crédit extérieur par des arguments étroitement microéconomiques, que la déclaration du président de la République sur le garde-fou à mettre en place pour que la dette ne se reconstitue pas sous d’autres formes ou d’autres modalités, prend tout son sens.

Il est donc de la plus haute importance de baliser les règles et les conditions de contrôle au niveau institutionnel bancaire des financements commerciaux tous types confondus, au regard des risques d’opacité susceptibles d’entacher leur arrangement et leur gestion.

Comme on s’en doute, la question du financement extérieur est une donnée globale structurelle qu’il convient d’appréhender comme telle. Jusqu’à présent, malheureusement, aucun bilan analytique n’a été établi au sujet de la politique financière extérieure du pays, les institutions concernées ne parvenant pas, pour des raisons que l’Etat gagnerait à tirer au clair, à produire autre chose que de la statistique.

Mais la statistique à l’état brut n’a, à ce jour, donné lieu à aucune anticipation digne de ce nom en matière de financement comme elle n’a toujours pas permis, par exemple, de répondre à la question de savoir ce que l’Algérie pourrait proposer pour coopérer avec les institutions financières étrangères (institutions multilatérales, agences de développement, banques commerciales internationales) sans nécessairement devoir contracter ou autoriser des crédits extérieurs.

Interrogation subsidiaire : que devraient et que pourraient faire les banques algériennes, à partir de l’importante enveloppe cash qu’elles gèrent au titre du paiement des importations, pour contribuer concrètement et efficacement au recentrage des relations extérieures économiques et financières de l’Algérie, autour d’un partenariat gagnant-gagnant ? L. B. C.