L’Algérie évite le déficit de justesse

Le solde de la balance commerciale divisé par deux

L’Algérie évite le déficit de justesse

El Watan, 21 janvier 2015

C’est un fait attendu, l’Algérie a fini l’année 2014 sur une importante contreperformance en matière de commerce extérieur.

Si la balance commerciale a évité le déficit de justesse, elle a inscrit un solde positif mais divisé par deux par rapport à 2013. Selon les données du Centre national de l’informatique et des statistiques (CNIS) affilié aux Douanes algériennes, dont nous avons obtenu une copie, la balance commerciale a dégagé en 2014 un léger excédent de 4,63 milliards de dollars, soit une baisse de 53,49% par rapport à l’exercice précédent. Un résultat positif mais qui est loin de rassurer.

Le fait est que la baisse brutale de l’excédent de la balance commerciale est issue de l’effet combiné du recul des exportations en valeur, notamment en hydrocarbures, et de la hausse de la facture à l’importation. Il est vrai que malgré la chute des cours du brut les exportations algériennes en la matière n’ont reculé que de 4,47% passant de près de 63 milliards de dollars en 2013 à un peu plus de 60 milliards de dollars en 2014. Le recul des cours du brut aura donc coûté à l’Algérie près de 3 milliards de dollars.

Cependant, à la vue du déclin des cours du baril, lequel a perdu 60% de sa valeur depuis le mois de juin, les résultats de l’Algérie à l’export n’ont en aucun cas été compensés par les «performances» du secteur hors hydrocarbures, dont les exportations demeurent marginales, mais plutôt au redressement du prix du baril de brut au premier semestre 2014.

Ce qui n’augure rien de positif pour le mois à venir, d’autant que la tendance à la hausse des importations ne fait que se confirmer, celles-ci ayant encore crû de 6% durant l’exercice qui vient de s’achever pour dépasser un nouveau cap, celui des 58 milliards de dollars. Pis encore, l’inflation de la facture à l’import a été tirée par les biens alimentaires et les biens d’équipements qui occupent les premières places en termes de postes d’importation, tandis que les achats de biens destinés à la production industrielle n’ont fait que décroître.

Une constatation qui fait planer un sérieux doute sur les politiques économiques du pays et qui relance d’ailleurs les interrogations sur les subventions et la gestion des dépenses publiques et des politiques d’investissement. Ainsi, si les importations de biens d’équipement ont évolué de 17%, les produits alimentaires ont coûté à l’Algérie la bagatelle de 11 milliards de dollars, soit une hausse de près de 15%. Une facture alimentée par les importations massives de céréales, blé dur et orge notamment, de lait et de beurre ainsi que des viandes.
Moins visibles dans les statistiques globales, les médicaments ainsi que les matériaux de construction ont également pesé de tout leur poids sur une facture déjà très salée.

Aussi, si le gouvernement fait mine d’annoncer quelques mesurettes afin d’endiguer la hausse des importations, il n’est en aucun cas prêt à trancher dans le vif pour arrêter la saignée. Celui-ci refuse de se défaire d’un système de subventions généralisées qui alimente la contrebande de divers produits importés, notamment alimentaires, et faisant de l’Algérie le principal importateur pour un marché de 100 millions d’habitants qui dépasse largement les frontières du pays à l’est, à l’ouest et au sud.

Le dinar a perdu un quart de sa valeur depuis 2008

Face à la montée des importations, le gouvernement semble à court d’option afin d’endiguer le flux de capitaux qui saignent nos réserves et nos ressources. Il a de ce fait associé l’autorité monétaire afin de trouver des solutions administratives pour freiner les flux.

Mais au-delà des instructions données aux banques en matière de respect de la réglementation limitant les engagements extérieurs, l’on assiste depuis quelques années à une dévaluation en catimini du dinar. Bien que la Banque d’Algérie s’en défende en mettant en avant la stabilité du taux effectif réel du dinar par rapport à son taux d’équilibre.

S’il est vrai que le taux de change du dinar est, c’est un fait, surévalué, et que la Banque d’Algérie préfère dans le meilleur des cas évoquer de légères dépréciations de la parité du dinar face aux principales devises, il est aussi établi que la monnaie nationale a subi un glissement par rapport au dollar.

Ainsi, selon les données délivrées par les services du CNIS concernant le taux de change moyen de la monnaie nationale servant de base aux transactions de commerce extérieur, la parité est passée d’une moyenne de 64,56 dinars pour un dollar en 2008 à 80,56 dinars pour un dollar en 2014, soit une parité jamais atteinte depuis 2002. Ce qui reviendrait à dire que le dinar à perdu près de 25% de sa valeur face au dollar en six ans.

Les choses ne sont pas près de s’arranger, vu qu’avec la situation des marchés pétroliers, le risque de creusement du déficit de la balance des paiements risque de faire peser plus de pressions sur nos équilibres externes et sur le taux de change du dinar. M. R.

Roumadi Melissa