Entretien avec Bekhti Belaïb, ministre du Commerce

SURFACTURATIONS CONCESSIONNAIRES CEVITAL…

Entretien avec Bekhti Belaïb, ministre du Commerce

Tewfik Abdelbari et Shahinez Benkaci, TSA, 10 novembre 2015

Vos propos sur l’ampleur de la surfacturation ont suscité de vives réactions…

J’ai été étonné de l’interprétation de mes propos, faite par la presse nationale. Le chiffre de 30% a été rapporté à la facture globale des importations, ce qui donne entre 18 et 20 milliards de dollars. C’est insensé et irréaliste ! Non, il s’agit en réalité d’une moyenne de surfacturation de la part de certains importateurs fraudeurs. En somme, lorsqu’il y a des surfacturations, elles sont de l’ordre de 30% de la valeur de la facture concernée, en moyenne. Mais cela peut aller jusqu’à 200%, voire 300% dans certains cas. Évidemment, tous les importateurs ne sont des fraudeurs. Il y en a qui sont honnêtes et professionnels.

Vous avez minimisé la responsabilité des entreprises étrangères dans ce phénomène, pourquoi ?

Non, on ne peut pas le nier. Il est vrai que l’Algérie est un des pays les plus permissifs avec les entreprises étrangères, surtout que celles-ci activent souvent dans le secteur du commerce et non de la production. Nous n’appliquons même pas la règle de la réciprocité, alors que les commerçants algériens n’ont pas la possibilité de s’installer facilement à l’étranger.

Le ministère du Commerce avait remis des rapports sur les concessionnaires automobiles en Algérie. Qu’en est-il ?

Il n’est pas normal que des entreprises réalisent des pertes ou des bénéfices très faibles et qu’elles continuent à activer. Une entreprise qui n’est pas rentable est censée disparaître et cesser son activité, selon une logique économique.

Comment expliquez-vous cette situation dans le commerce extérieur ?

En Algérie, l’argent joue un rôle de plus en plus important. Cela augmente les risques de dépassements. Mais surtout, avec l’ouverture du commerce extérieur, l’acte d’importer est devenu plus rémunérateur que la production et l’exportation. Il y a moins de risques pour l’opérateur. Du coup, les commerçants algériens, qui ont beaucoup de talent, profite aux productions étrangères.

Quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter contre ce phénomène de surfacturation ?

Le gouvernement a mis en place un comité interministériel élargi aux premiers des responsables des administrations économiques et des institutions financières. C’est un système de veille et de surveillance, déjà opérationnel pour encadrer le commerce extérieur.

Par ailleurs, le système des licences des importations et d’exportations et un des éléments qui permet de lutter contre ce phénomène et permet de remettre de l’ordre dans le commerce extérieur du pays en organisant une meilleure transparence.

La lutte contre les différentes formes de fraudes, notamment l’importation, constitue une priorité de ce gouvernement. Par ailleurs, nous devons également lutter contre les situations de monopoles à travers le Conseil de la concurrence.

Justement, vous avez exprimé la volonté de mettre un terme à la position dominante de Cevital dans la production de sucre, notamment à travers des mesures juridiques. Que prévoyez-vous ?

Les lois sur la concurrence relèvent essentiellement de la jurisprudence. Les lois antitrust ne sont pas une invention algérienne. Ailleurs, dès qu’un opérateur atteint 45% du marché, des mécanismes existent pour éviter les situations de position dominantes. L’on peut même recourir à de l’importation, qui est un levier pour lutter contre la situation de monopole.

En Algérie, Cevital détient près de 85% du marché du sucre. Mais l’on n’a pas importé de ce produit pour autant. Il y aura quatre nouveaux acteurs dans la production de sucre, dont certains seront des projets plus intégrés [que celui de Cevital ].