Empêcher la braderie
par M. Saâdoune, Le Quotidien d’Oran, 18 octobre 2008
Les chiffres ne sont pas officiels mais les estimations des pertes en fonds souverains des pays du Golfe tournent autour de 300 milliards de dollars, victimes directes de la faillite de Wall Street. Les Bourses de la région ont perdu plus de 160 milliards de dollars au cours des journées qui ont suivi l’Aïd El-Fitr. Les chiffres sont astronomiques et ne suscitent pourtant que très marginalement des mises en cause des choix faits par les richissimes Etats du Golfe.
La crise apportera-t-elle un mouvement de réflexion sur des choix de placement en Occident, alors que de nombreux pays arabes sont, en dépit de la mauvaise image qu’ils peuvent encore donner, beaucoup plus sûrs ? Pour l’instant, les pays du Golfe sont plutôt sous le choc. Combien de pertes sur les 2.500 milliards de dollars placés à l’étranger et principalement aux Etats-Unis ? Quand le bilan sera fait, s’il est jamais fait, on aura peut-être un début de réflexion.
Mais, à la crise financière – et en partie à cause d’elle – s’ajoute la chute des prix du pétrole. A moins de 70 dollars, les pertes des pays du Golfe, par rapport à juillet dernier, dépassent le milliard de dollars par jour. Pour la première fois depuis longtemps, des pays du Golfe ont des inquiétudes semblables à celles des pays pétroliers peuplés comme l’Algérie, l’Iran ou le Venezuela et en appellent à une réduction de la production.
Le ministre qatari de l’Energie, Abdallah ben Hamad al-Attiyah, a indiqué que l’OPEP pourrait décider une baisse de sa production quotidienne de pétrole d’un million de barils d’ici une semaine. Ce propos intervient après la décision de l’OPEP de se réunir en urgence vendredi prochain, sans attendre le 18 novembre. La situation se présente en effet sous un jour particulièrement défavorable et sans une intervention de l’organisation pour brider les prix, on risque d’aller vers des planchers de braderie.
A l’OPEP, il y aura sans doute des discussions serrées sur le niveau de la baisse de production souhaitée. Certains experts estiment que seule une baisse de l’ordre de 1,5 million de barils/jour pourrait avoir un effet stabilisateur sur les prix dans la fourchette comprise entre 80 et 100 dollars. Des prix qui d’ailleurs rendent non rentables des projets d’exploration et d’exploitation coûteux.
Non sans raison, le ministre iranien du Pétrole notait qu’un baril à 100 dollars ne convenait à personne. Tout le monde sait également que les décisions de l’OPEP seront sans effet sans l’Arabie Saoudite. La dernière décision de l’organisation de réduire sa production a été sans effet car les Saoudiens ont pompé suffisamment de pétrole pour la rendre sans effet. On peut supposer qu’aujourd’hui le contexte est suffisamment préoccupant pour que l’Arabie Saoudite cesse de jouer en solo.