Ce que l’Algérie a dépensé en 15 ans

Ce que l’Algérie a dépensé en 15 ans

Par Tewfik Abdelbari, TSA, 30 juillet 2015

À la faveur d’une embellie sans précédents pour les cours de l’or noir, l’Algérie a vu ses recettes multipliées par près de 6,2 (+526%) en l’espace de 15 ans. En effet, les rentrées budgétaires sont passées de 950,5 milliards de dinars en 1999 à 5957,5 milliards en 2013, selon les chiffres officiels.

Les dépenses ne sont pas en reste. Elles ont même augmenté plus vite que les recettes, avec une hausse de 569% (coefficient multiplicateur de 6,7) sur la même période, passant de 911 milliards à 6092,1 milliards de dinars.

Il en résulte un déficit budgétaire depuis 2009 qui a conduit, pour la première fois en 2013, à une réduction des avoirs du Fonds de régulation des recettes (FRR) crée en 2000, issu du surplus de fiscalité pétrolière réelle (perçue selon les prix du baril de pétrole sur le marché) et le prix de référence utilisé pour calculer le budget de l’État (37 dollars).

Recettes pétrolières… et des poussières

Sans surprise, les recettes de l’État sont largement dominées par les hydrocarbures, avec 3678,1 milliards de dinars en 2013, soit 61,7% du total des recettes. Ce taux, en 1999, était déjà très similaire (61,9%), preuve que la dépendance aux hydrocarbures ne s’est pas atténuée. Pire : entre 2005 et 2008, nous constatons des pics de dépendance du budget de l’État aux hydrocarbures avec un taux compris entre 75,8% jusqu’à 78,8%.

Le reste des recettes, soit 2279,4 milliards de dinars, est essentiellement constitué des rentrées fiscales dites ordinaires ou hors-hydrocarbures (2031 milliards). Celles-ci se composent, pour majeure partie, de l’impôt sur les revenus et les bénéfices (823,1 milliards), dont 494,4 provient des prélèvements sur les salaires, soit l’impôt sur le revenu global (IRG) essentiellement et 328,7 milliards d’impôts sur les bénéfices des sociétés (IBS).

La seconde source importante de recettes fiscales est constituée des impôts sur les biens et les services (741,6 milliards), en particulier de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA). Cette dernière est divisée en deux parties, l’une sur les importations (442,4 milliards) et l’autre sur l’activité intérieure (275,7 milliards). Nous citerons également les droits de douanes comme source de revenus budgétaires, avec 402 milliards de dinars.

Seulement, les droits de douanes sont amenés à être réduits, voir disparaître progressivement, avec la perspective de l’adhésion de l’Algérie aux différents accords et espaces de libre échange, comme l’Organisation mondiale du commerce (OMC), la Zone arabe de libre échange (Zale) ou encore avec l’accord qui lie l’Algérie avec l’Union européenne. Ainsi, l’Algérie a tout intérêt à réfléchir à de nouvelles rentrées fiscales pérennes et stables, tout en essayant de ne pas pénaliser le citoyen.

Des pistes

Une équation difficilement soluble à première vue. Il existe pourtant plusieurs « niches » dans lesquelles l’État pourrait puiser, sans compromettre pour autant des équilibres sociaux fragiles. L’analyse des tableaux permet de dégager quelques pistes pour augmenter les recettes fiscales, en dehors de leur hausse classique, proportionnelle à la croissance économique.

En premier lieu, la TVA : maintes fois proposée par un groupe d’économistes algériens, le gouvernement pourrait instaurer des taux différenciés selon l’origine des produits. L’un plus élevé pour les produits importés, le second réduit pour la production locale. Cette mesure aurait le double mérite de réduire la facture des importations qui culmine à près 60 milliards de dollars et de stimuler l’industrie algérienne en réorientant la consommation vers des produits nationaux.

Charges salariales, tabac…

Par ailleurs, le gouvernement accorde depuis quelques années des augmentations de salaire très importantes, le plus souvent sans contrepartie en termes de productivité. Certes, le niveau de vie en Algérie, notamment dans la capitale, est particulièrement faible pour les bas revenus. Il n’est cependant pas inconcevable d’augmenter les impôts sur les hauts revenus, au-delà d’un seuil à déterminer, tout en préservant – voire réduisant – les prélèvements pour les tranches inférieures. Une telle mesure pourrait répondre à un objectif de justice sociale, tout en garantissant des rentrées fiscales supplémentaires pour l’État.

De plus, les taxes sur le tabac semblent infimes. A peine 41,7 milliards de dinars en 2013, contre 20,8 milliards en 1999. Notons qu’un pays comme la France a engrangé, en 2013, près de 11 milliards d’euros de taxes sur les tabacs, malgré une baisse des recettes. Ainsi un renchérissement des prix des cigarettes (entre autres) permettrait de récolter des recettes fiscales importantes, d’une part et de financer le système de santé, les campagnes de préventions, d’autre part. Cela aurait également pour effet de réduire le tabagisme et les maladies qui y sont liées.

Enfin, nous citerons les diverses taxes sur les produits pétroliers. Déjà insignifiantes en 1999, elles enregistrent étrangement une baisse depuis cette date jusqu’à leur quasi-disparition en 2007. Voilà un domaine sur lequel l’État pourrait revoir sa politique fiscale. Ce serait également une occasion d’ouvrir un débat sur les subventions massives aux carburants et, plus largement, aux différents produits dits de « première nécessité ».