La crise financière mondiale vue par la rue
Les Algériens et le krach boursier
La crise financière mondiale vue par la rue
par Moncef Wafi, Le Quotidien d’Oran, 13 octobre 2008
A l’IGMO, les travaux du colloque international traitant de l’intégration régionale et de la mondialisation et leurs impacts sur les économies du Maghreb entament leur deuxième journée dans l’indifférence des étudiants de la faculté des sciences économiques, des sciences de gestion et des sciences commerciales. Un désintérêt relativisé par le Dr Aït Habouche Abdelmadjid, maître assistant à l’université d’Oran et président du comité d’organisation du colloque.
«La période choisie et l’intitulé pointilleux de la rencontre ont fait que seuls les spécialistes de la question se sont intéressés à l’intitulé», explique-t-il. Cette défaillance des premiers concernés, les étudiants en économie, est symptomatique du peu d’intérêt porté par le large public à la chose économique et la crise financière mondiale ne déroge pas à la règle. Définition, conséquences, impacts sur l’économie nationale, autant de points d’interrogation restés en suspens sans trouver un réel intérêt chez la masse.
Le haussement d’épaules de Tarik témoigne amplement de l’insensibilité des citoyens face à la déferlante médiatique de la crise. «Sincèrement, je ne comprends rien à leur langage. Pour moi, c’est du charabia», déclare-t-il. Tarik est commerçant au quartier d’El-Barki et, malgré un bac 2, il n’a jamais pu finir ses études universitaires; il avoue son ignorance du sujet. «C’est un domaine de spécialistes et si on ne prend pas le temps et la peine de nous expliquer de quoi il retourne, comment veux-tu que j’arrête une opinion sur la question».
Cet argumentaire reviendra souvent sur la table des discussions et toutes les voix de reprocher cette opacité dialectique qui empêche le tout-venant de saisir les tenants et aboutissants de cette crise tant crainte.
L’Algérie sera-t-elle touchée ou épargnée par les retombées de la crise ? La question fait sourire Slimane, quinquagénaire et journaliste économique, qui explique que le système monétaire mondial est en panne et n’arrive pas à réagir face aux mesures spéculatives et aux influences des événements mondiaux et des attentes des populations. «Quel que soit X, même s’il n’y a pas un impact direct sur l’économie nationale, il y aura ce qu’il est convenu d’appeler les dommages collatéraux qui vont influer sur les coûts à l’importation et sur les exportations des hydrocarbures en raison de la fluctuation des monnaies de référence et des cours de marché».
La main de l’Occident et la grippe aviaire
L’appréhension semble pourtant avoir contaminé les plus hermétiques aux concepts économiques, mais le battage médiatique autour de la crise a réveillé les peurs refoulées du simple consommateur. «Ça me rappelle étrangement la crise de la grippe aviaire et on n’avait pas cessé de nous bassiner avec le danger du poulet contaminé pendant des mois pour rien», s’étonne Khaled, commercial dans une boîte de com. «Si ça se trouve, c’est encore une arnaque de l’Occident pour d’obscurs desseins. Les prix du pétrole ont subitement baissé jusqu’en-dessous des 80 dollars et tu trouves pas ça louche ! ».
Du point de vue des professionnels de l’économie, le ton est mesuré et personne ne cherche à verser dans la polémique. Pour le Dr Aït Habouche, «on ne peut pas encore évaluer l’impact de la crise financière mondiale sur l’économie algérienne, alors que ses conséquences portent sur le degré de dépendance et d’interdépendance des marchés.»
Au marché couvert d’Es-Seddikia, peu de gens s’arrêtent devant les étals, jugeant les prix trop élevés pour des fruits et légumes de saison. «L’impact de la crise est là, et on la ressent directement dans nos poches», soutient Meriem, un porte-monnaie à la main. «Tout ce que je sais, c’est qu’une catastrophe nous attend et les prix n’arrêtent pas de grimper. Le poisson, la tomate, la salade, tout a augmenté; et si ça continue comme ça, où va-t-on ?». Pour elle et les millions d’Algériens, l’économie se résume aux seuls prix affichés et si augmentation il y a, c’est que quelque chose ne tourne pas rond.
Mais pour le Dr Aït Habouche, «les liens entretenus avec l’Union européenne à travers les 60% des importations peuvent affecter l’économie nationale en fonction du volume des échanges. Et cet impact se matérialisera en premier lieu dans les chiffres de l’inflation.» Se voulant plutôt rassurant, il explique que la nature même de la crise, «qui est une crise financière et non monétaire», préserve l’économie nationale du fait que «les marchés financiers en Algérie sont dérisoires et que l’économie algérienne est basée sur le crédit bancaire». Quant aux prix du baril de pétrole, en chute libre, que tout le monde interprète comme étant l’une des conséquences directes de la crise internationale, le maître de conférences explique qu’étant un produit particulier, les hydrocarbures sont affectés par plusieurs facteurs, dont la crise financière.