La crise bancaire et les bons du Trésor américain : Et nos 43 milliards de dollars ?
par K. Selim, Le Quotidien d’Oran, 27 septembre 2008
C’est un vrai vent de panique bancaire qui souffle sur le monde. Le président américain George W. Bush a lancé un appel solennel au Congrès pour avaliser le plan de sauvetage de 700 milliards de dollars. Des nationalisations ouvertes qui sonnent, et pas seulement au niveau du symbole, le glas d’un ultralibéralisme inauguré par Reagan et Thatcher.
On parle d’actifs «toxiques» alors qu’en réalité tout le système a été contaminé par une logique spéculative débridée. Ce serait par milliers que les banques américaines risquent de disparaître. La crise n’est pas sectorielle mais systémique et pourrait avoir un effet de ralentissement de l’activité économique mondiale. C’est à ce niveau que pourraient se manifester les conséquences de la crise sur l’Algérie.
Le poids des Etats-Unis est tel qu’une décroissance de son économie de quelques points pourrait entraîner une baisse importante de l’activité économique mondiale. Ainsi, d’un point de vue global, les risques de récession grave au niveau planétaire sont clairement envisagés. C’est à ce niveau que la «contamination» pourrait toucher l’Algérie. Une récession se traduisant par une baisse de l’activité entraînerait une réduction de la demande énergétique et, mécaniquement, une baisse des prix. Les responsables algériens ont laissé entendre qu’à moins de 70 dollars le baril on serait dans la zone rouge et on aurait de la difficulté à financer les plans d’investissements.
C’est une conséquence en quelque sorte «indirecte», celle de l’évolution de l’actuelle crise du système financier vers une récession économique généralisée qui constitue le plus grand danger. Une baisse des prix de l’énergie combinée à une baisse du dollar pourrait nous ramener à des situations déjà vécues. Il faut donc suivre avec intérêt les effets de la crise financière et ses incidences sur l’économie réelle. La thérapie proposée par l’administration américaine apparaît pour beaucoup comme une solution d’urgence pour éviter une dégradation brutale de l’économie.
Les Asiatiques garantissent nos T-Bonds
C’est donc de l’évolution de la situation «globale» que l’Algérie pourrait ressentir les effets de la crise. L’économie algérienne n’est pas fortement connectée au système financier international, la crise qui le secoue ne devrait pas avoir des incidences directes immédiates. Le gouverneur de la Banque d’Algérie pouvait faire valoir récemment – dans une rencontre où une partie de la presse a été exclue pour le motif bancal de «salle trop étroite» – que la «sagesse» de la gestion des réserves de change prémunit le pays des conséquences des vapeurs empoisonnées que dégage le système financier américain. Cela n’est pas inexact. A condition de constater que nous ne vivons pas en autarcie, que le pays commerce avec le reste du monde.
L’une des questions les plus récurrentes est celle de savoir si les placements algériens en bons du Trésor américain, quelque 43 milliards de dollars, sont menacés. En fait, ces bons sont garantis par la première économie du monde et sont considérés, avec l’or, comme le placement le plus sûr. Nos petits 43 milliards $ ne sont rien à côté des quelque 1.300 milliards de dollars placés en bons de Trésor par les Chinois, les Japonais et les Sud-Coréens. Seule une vente brutale et massive de ces bons sur le marché mondial pourrait entraîner une dégradation de leur valeur. Une dépréciation du dollar pourrait en aggraver la dépréciation. Mais la masse de bons de Trésor détenus par ces pays asiatiques est telle qu’ils feront tout pour éviter cette éventualité.
En somme, ce sont les Asiatiques qui «protègent» nos «T-Bonds». Comment agiront ces pays à l’avenir ? Tout indique qu’ils s’orienteront vers des politiques économiques qui diminuent leur dépendance du système américain. Ce qui est sûr est qu’avec des rendements durablement faibles, la rémunération de ces fameux «T-Bonds» pourrait être réduite, voire ramenée à zéro. Quant à l’hypothèse qu’on «perdrait» ces bons de Trésor, cela supposerait que les Etats-Unis d’Amérique seraient devenus insolvables. Ce qui, même avec la crise actuelle, paraît totalement absurde.