Quand le courant passe entre Alger et Rabat

MISE SOUS TENSION DE L’INTERCONNEXION ÉLECTRIQUE

Quand le courant passe entre Alger et Rabat

Par :Karim Kebir, Liberté, 3 octobre 2009

Éminemment stratégique, cette interconnexion permettra à l’avenir d’assurer la sécurité énergétique des deux pays et prévenir les déficits

On savait que le sport, particulièrement le football — les résultats de l’équipe nationale sont édifiants sur le sujet — réussit souvent là où la politique échoue, mais en revanche l’économie le fait moins bien. Pourtant, la compagnie Sonelgaz et l’Office national de l’électricité du Maroc sont en passe de mettre de l’énergie qui ne manquera certainement pas de réchauffer des relations, souvent sous tension, entre Alger et Rabat. C’est en tout cas ce qu’il est permis de relever de la mise en service de l’interconnexion électrique en technique 400 KV entre l’Algérie et le Maroc à laquelle les deux sociétés ont procédé mardi dernier, rendant ainsi possible, l’acheminement de grandes quantités d’énergie dans les deux sens. “Cette nouvelle interconnexion entre les deux pays conforte les liens traditionnels qui existent déjà de longue date en matière de coopération dans le domaine de l’énergie électrique. Elle permet également de faciliter les échanges électriques en renforçant davantage la sécurité du système électrique et en sécurisant l’approvisionnement en énergie des deux pays”, explique Sonelgaz dans un communiqué publié jeudi. Éminemment stratégique, cette interconnexion permettra à l’avenir d’assurer la sécurité énergétique des deux pays et prévenir les déficits. “Les interconnexions électriques entre l’Algérie et le Maroc constituent un dispositif très puissant pour pallier les dysfonctionnements électriques et prévenir tous les risques ou menaces de déficits énergétiques. Elles permettent, en outre, de gérer avec plus d’efficacité les risques liés à l’exploitation des parcs de production et des réseaux de transport de l’électricité et assurent ainsi une meilleure sécurité au réseau maghrébin”, note l’entreprise algérienne. Outre le renforcement du réseau interne, cet événement constitue incontestablement un sous-bassement à l’émergence d’un ensemble maghrébin intégré, plombé, il faut bien l’admettre, par quelques écueils d’ordre politique. Sonelgaz soutient que “les interconnexions constituent un préalable essentiel à l’émergence d’un marché régional de l’électricité. Le passage au palier 400 kv donne effectivement un nouveau rôle commercial aux interconnexions électriques entre les pays du Maghreb (…)”. Mais au-delà de l’aspect strictement économique, cet événement vaut surtout pour ce qu’il traduit la capacité des deux capitales à transcender les malentendus. Il peut réchauffer des relations, marquées souvent par des chutes de tension, d’une part, et structurer l’espace maghrébin, réduit presque à une addition de sigles, d’autre part. En multipliant des projets structurants du genre, les deux pays, mais aussi le Maghreb réussiront sans aucun doute à dépasser les clivages et les aléas conjoncturels. Ce projet, qui précède d’ailleurs la réalisation d’autres projets dont notamment la dorsale Maroc-Algérie-Tunisie ou autoroute électrique prévue pour les prochaines années, constitue sans nul doute un bel exemple de pragmatisme. Et même si le chemin reste encore long pour tisser des relations privilégiées entre des peuples qui ont une histoire en partage, il reste établi, comme sous d’autres latitudes, que l’intégration est possible. Pour peu que le courant passe… toujours et qu’il n’y ait pas de… délestage.