La France dit vouloir la convertir totalement en contrats

La dette de l’Algérie estimée à près de 3 milliards d’euros

La France dit vouloir la convertir totalement en contrats

par Zouaoui Mouloud , Le Jeune Indépendant, 4 septembre 2004

La France dit vouloir convertir la totalité de la dette qu’elle détient sur l’Algérie, et qui se chiffre à près de 3 milliards d’euros, en investissements. «La dette de l’Algérie envers la France sera systématiquement transformée en contrats pour les entreprises françaises», a annoncé jeudi le ministre français des Finances et de l’Economie, Nicolas Sarkozy, qui avait effectué trois visites successives en Algérie en moins de trois mois.

«Il faut raisonner en complémentarité avec nos partenaires, et c’est ce que nous faisons avec l’Algérie», a-t-il affirmé dans un discours prononcé devant la 8e université d’été des Chambres de commerce et d’industrie, à Juan-les-Pins, une station balnéaire dans les Antibes dans le sud-est de la France.

C’est la première fois qu’un Etat créancier de l’Algérie privilégie cette option qui lui assure le recouvrement de ses fonds et permet, par ricochet, au pays endetté de se soustraire à un tel fardeau et de relancer son économie. Une option que le grand argentier français a qualifiée de «marché gagnant-gagnant», compte tenu du fait qu’elle permet aux opérateurs français, notamment du secteur de la PME-PMI, de se relancer grâce au marché algérien qui s’en trouvera, en retour, revigoré par une relance certaine, que ce soit au niveau de l’emploi ou à celui de la croissance.

C’est la première fois également que l’Algérie réussit une telle formule auprès de son principal créancier qui intervient après le refus de l’Allemagne de reconvertir la dette algérienne en investissements. Ce qui pourrait lui ouvrir la voie à étendre ce processus aux autres pays créanciers, dont l’Italie et l’Espagne.

Toutefois, cette solution d’apurement de la dette de l’Algérie à l’égard de la France, estimée à un peu moins de 3 milliards d’euros, n’a pas été aisée. Elle a fait l’objet d’âpres négociations de plusieurs mois caractérisées par l’intervention des présidents Bouteflika et Chirac en vue de convaincre le Club de Paris, la Coface et les opérateurs français.

Il s’agissait, pour les négociateurs des deux pays, d’arriver à convaincre notamment le Club de Paris de porter à 30 % le plafond de conversion de dettes en investissements actuellement limité à 10 % de la dette éligible. Ces négociations se sont, dès lors, soldées par l’adoption, par les deux chefs d’Etat à Alger, d’un traité de partenariat stratégique, assorti de la signature d’un aide-mémoire sur le partenariat pour la croissance et le développement.

L’aide-mémoire, s’étalant de 2005 à 2009, est accompagné d’un accord financier de deux milliards d’euros, à savoir 288 millions d’euros de conversion de dettes en investissements, 780 millions de crédits concessionnels, 1 milliard d’euros de crédits commerciaux garantis par la Coface destinés à couvrir de futurs contrats, notamment dans les secteurs des transports, des télécommunications, de l’électricité, des hydrocarbures, des biens d’équipements industriels, des services urbains et de l’habitat, du secteur de l’eau.

Pour favoriser la mise en œuvre de cette option, le gouvernement français avait lancé un premier avis d’appel d’offres pour un montant de 61 millions aux investisseurs intéressés pour l’achat des créances sur l’Algérie. Z. M.

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La dette algérienne systématiquement convertie en investissements

Algérie-France : le concret commence

D’un De Nos Correspondants A Paris: SARAH Raouf, Le Quotidien d’Oran, 4 septembre 2004

A la manière des partis politiques, les chambres françaises de commerce et d’industrie (CCI) tiennent, elles aussi, leur université d’été. L’édition 2004, prévue tout au long du week-end sur la côte méditerranéenne (Juan-les-Pins), a invité trois pays étrangers, dont l’Algérie.

Les patrons algériens présents auront l’occasion de mesurer l’intérêt des entreprises hexagonales en direction du Sud. D’ici à demain, les chambres de commerce françaises devraient débattre de leurs plans d’action, à commencer par leurs projets pour l’international. L’Algérie devrait figurer sur la liste des pays candidats à des opérations partenariales avec les capitaines d’industrie français. Le ministre français de l’Economie a donné le ton. Invité à la cérémonie inaugurale, Nicolas Sarkozy a montré le chemin de l’Algérie aux entreprises françaises. «C’est un marché gagnant-gagnant», a-t-il commenté. Bien que tenu en marge d’une manifestation franco-française, son propos n’a pas échappé à l’Agence France Presse qui en a fait une dépêche. En présence d’un important parterre de responsables de CCI françaises et d’industriels de Grande-Bretagne et de Bulgarie, l’argentier de France a présenté comme un exemple à suivre la politique économique que Français et Algériens souhaitent. Les grandes lignes de cette politique ont été exprimées dans «l’aide-mémoire sur le partenariat pour la croissance et le développement» signé dernièrement à Alger.

«Il faut raisonner en complémentarité avec nos partenaires et c’est ce que nous faisons avec l’Algérie», a-t-il souligné. Depuis sa nomination en mars dernier à Bercy, le siège d’un super-ministère en prise sur tous les secteurs économiques, Sarkozy a effectué deux visites en Algérie. Il s’y est rendu une première fois début juin lors d’un voyage coïncidant avec la Foire internationale.

Il y est retourné fin juillet pour concrétiser, sous forme d’accords, ses entretiens avec les dirigeants algériens. Le ministre a paraphé avec son homologue algérien, Abdelatif Benachenhou, «l’aide-mémoire».

Cet outil «repose sur la conviction partagée qu’il est de l’intérêt de l’Algérie et de la France de tirer profit du haut degré de complémentarité des deux économies» pour «accompagner» les réformes économiques algériennes, «dynamiser l’essor» des échanges bilatéraux et «multiplier les intérêts croisés» entre les opérateurs. Le tout au moyen du développement du «partenariat», selon les termes du communiqué commun.

L’aide-mémoire porte sur trois concours financiers de Paris. Le premier, d’un montant de deux milliards d’euros, consiste en une conversion de dettes en investissements.

Le second, de 750 millions d’euros, représente des crédits concessionnels, alors que le troisième (un milliard d’euros) représente des crédits commerciaux garantis. Sitôt rentré à Paris, Nicolas Sarkozy a lancé un appel d’offres en direction des entreprises françaises désireuses de racheter, sous forme d’investissements, des créances détenues par la France auprès de l’Algérie. L’opération sera clôturée lundi. Le ministre veut faire vite en finalisant le plus rapidement ce dossier.

C’est un message lancé en direction des entreprises françaises pour leur dire «allez-y», avait expliqué un de ses conseillers au Quotidien d’Oran.

Sarkozy a réitéré, en y mettant le ton, ce message devant la 8e université d’été des chambres de commerce françaises. La dette de l’Algérie envers la France, légèrement inférieure à trois milliards d’euros, «sera systématiquement transformée en contrats pour les entreprises françaises», a-t-il dit. «C’est un marché gagnant-gagnant», a-t-il garanti.